Il est l’un des plus doués de sa génération… Le décorateur et architecte d’intérieur Frédéric Méchiche a ouvert à Weekend les portes de sa maison de vacances, à Saint-Tropez. C’est ici, dans cette demeure très stylée, qu’il se ressource et cultive sa passion pour l’art.

Il est basé à Paris. Mais ses chantiers de décoration ou d’architecture intérieure, eux, l’appellent dans les plus grandes villes aux quatre coins du monde. Il travaille tant à Londres qu’à Genève, New York ou Beyrouth. Et pour avoir quadrillé les mégalopoles de la planète, Frédéric Méchiche a élu Saint-Tropez comme villégiature idéale.  » Quoi qu’on en dise, martèle-t-il, rien n’a pu affecter sa magie. Ses façades, ses petites rues des xvie et xviie siècles sont préservées. On est loin des autoroutes, il n’y a pas de gare. Les plages sont de vraies plages, avec, à l’arrière-pays, des chemins de campagne et des vignes… A Saint-Tropez, on peut tout à la fois mener une vie de village – on y trouve d’excellents petits commerçants, des légumes savoureux, des poissons délicieux – et fréquenter les endroits à la mode. Il y a une vie sociale, très précieuse, et un style de vie toujours décontracté.  »

L’inclination de Frédéric Méchiche pour Saint-Tropez remonte à l’adolescence : il y venait en été avec ses parents, à la fin des années 1960.  » Dès qu’on arrive dans la presqu’île, on est sous le charme. Le rythme est celui des vacances, la lumière est celle des vacances… La vie y est simple, on n’a pas besoin de voiture…  » C’est dans ce paradis retrouvé, au centre du quartier de la Ponche, que notre hôte a eu le coup de foudre pour sa nouvelle demeure. Vieille rue, maison du xviie siècle, étage noble : rien ne manquait. L’habitation était certes dans un état lamentable, assombrie, encombrée de petites pièces qui la morcelaient. Mais d’un simple regard, le décorateur a compris le parti qu’il pourrait en tirer.

La première tâche que s’est assignée Frédéric Méchiche a été de rétablir – ou, plus exactement, de créer – de grands volumes. Fausses alcôves, cloisons inutiles, marches fabriquées, placards ou faux plafonds… Tout a été sacrifié au projet d’agrandissement du living. Pour réorganiser l’espace, des ouvertures voûtées ont été percées entre ce qui allait devenir la salle à manger, d’un côté, et le salon, de l’autre.

Soucieux de conserver à la maison son allure ancienne, Frédéric Méchiche s’est ensuite employé à trouver menuiseries et portes d’époque, à les mettre aux bonnes dimensions, à restaurer au sol certaines terres cuites, à se procurer de vieilles ferrures… Son intention ? Donner l’illusion que ces grands volumes tout neufs existaient de toute éternité.

Les pièces de séjour, il les a traitées à la manière d’un centre d’art contemporain niché dans un bâtiment ancien : murs et plafonds badigeonnés de blanc, sols couverts d’une résine grise.  » La cheminée du salon, par exemple, est une authentique cheminée Régence, mais je l’ai faite resculpter pour en enlever les dessins. Je voulais quelque chose de massif, mais d’élégant et simple. La pierre, comme les murs de la pièce, a été badigeonnée de blanc.  »

Cette sérénité règne aussi dans le couloir qui conduit à la chambre : sa longueur, avec en point de mire une colonne de lumière des années 1960, s’avère très artistique. Quant à la chambre elle-même, affichant des proportions différentes (les murs sont plus épais, les plafonds plus bas car la pièce appartenait, en réalité, à un immeuble voisin), elle séduit par sa douillette intimité.

Frédéric Méchiche a intégralement construit les pièces  » techniques  » : cuisine, cabinet de toilette, salle de bains. Ici, il s’est amusé avec la couleur jaune fluo des murs et a joué sur les contrastes, entre les matériaux employés et les sources d’inspiration, notamment. Marbre de Carrare et meubles en inox de la cuisine, par exemple, sont surmontés d’un extraordinaire lustre griffé Swarovski, pareil à une gigantesque boule de cristal ou un énorme diamant. Dans le cabinet de toilette, un somptueux bloc de marbre ancien, taillé de manière très contemporaine, côtoie de simples portes du xviie siècle, un miroir Napoléon III en verre de Venise et une mosaïque de Sol Lewitt… Dans la salle de bains, lavabo et robinet signés Marc Newson imposent leur fausse simplicité, cependant qu’une douche géante, et son écran de Plexiglas jaune, ajoutent un brin d’humour.

Voulant éviter aussi bien le côté cosy de nombreuses villas des environs que les  » provençaleries  » qui sévissent dans la région, Frédéric Méchiche a, dans son ameublement, privilégié les designers. Il a aussi dessiné de vastes canapés (il y en a de 4 m de longueur), tous couverts d’un tissage de lin (les noirs ont des coussins blancs, les blancs des coussins noirs), des poufs démesurés, des meubles bas. Il a encore imaginé de gros cubes bruts, noirs, assemblés à la manière d’une £uvre de Donald Judd, qui servent aussi bien de tables que de sièges.

Les £uvres d’art – contemporaines et africaines – qui ornent la maison ont été choisies pour leur pureté minimaliste. Très graphiques, lisses, parfois dures, toujours fortes, elles entretiennent des liens mystérieux que renforce la somptueuse lumière de la Méditerranée. Réverbérée par le blanc très mat, crayeux, des murs, cette lumière s’accroche aux £uvres, crée comme des halos autour des objets, et les fait vivre. Quant au gris du sol, à la fois caractéristique du xviiie siècle et très contemporain, il insuffle à l’ensemble un état d’apesanteur…

 » Au total, estime le décorateur, je crois avoir réussi ma maison. Ce qui me permet de l’affirmer, c’est qu’il me semble y habiter depuis toujours. » Derrière l’apparent minimalisme de cette demeure, au-delà de son ouverture à tous les courants de l’art contemporain, il n’est pas difficile de deviner un travail minutieux et l’amour des siècles classiques.  » N’importe quel appartement du xviiie siècle aura du chic, commente le maître des lieux. Aucun château de cette époque n’est tape-à-l’£il…  » Le secret du talent du décorateur, qui donne une âme et de la force à ses créations, tient à ce sens inné de l’élégance, à cette maîtrise parfaite de l’équilibre et des proportions. Comme si notre époque n’avait de sens, en définitive, que dans la continuation des siècles passés…

Reportage : Luxproductions. com

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