En moins d’une décennie, ils ont gagné le pari d’imposer Au détour du chemin, leur magasin de design, à la fois grand public et pointu, au beau milieu de la campagne namuroise.

Un GPS d’humeur pastorale vous aura peut-être baladés entre les champs, sur les pavés d’un chemin agricole, au lieu de vous faire emprunter la rue du Village pour atteindre son numéro 147. Tant mieux : le cadre rustique de la Ferme de Ghlin, où est implantée la boutique Au détour du chemin, méritait le détour.  » Et justifie le nom du magasin « , plaisante Christophe, heureux propriétaire des lieux.

Installés dans ce coin de verdure près d’Eghezée depuis le début des années 90, Véronique et Christophe Lemage étaient  » frustrés  » de devoir parcourir de longues distances afin de satisfaire leur passion commune pour la déco et le mobilier. Respectivement informaticienne et bandagiste, ils quittent leur job l’un après l’autre pour lancer leur propre affaire. Modeste à la base, l’idée est de proposer une sélection d’objets,  » comme des cadeaux à offrir « , mais le projet prend rapidement de l’ampleur, boosté par leur enthousiasme en acier trempé.  » A nos débuts, une question revenait constamment, se rappelle Christophe : « Pourquoi vous n’ouvrez pas à Bruxelles ? » Simplement parce qu’on aime notre vie ici, qui correspond bien à notre rythme décalé.  » Et l’on ne peut que confirmer le fonctionnement atypique de la boutique, ouverte du jeudi au samedi seulement, selon des horaires leur permettant de courir les salons spécialisés :  » On les fait tous, plus ils sont petits et tordus, plus ils nous attirent : c’est là qu’on trouvera les articles que les autres commerces n’auront pas. La seule chose qui nous intéresse chez nos concurrents, c’est leur offre, pour être sûr de ne pas proposer la même chose.  »

Plutôt radicaux dans leur approche du business, les époux Lemage refusent les choix commerciaux, quitte à passer à côté de lucratifs best-sellers :  » On pense plus à notre client qu’à nous : on veut qu’il y ait de l’exclusif, pas du vu et du revu, confie Véronique. On n’a aucune envie d’écouler les mêmes chaises pendant des mois. Les gens ne poussent pas notre porte par hasard, alors on essaye de créer une vraie relation, on les conseille en toute franchise, on leur fait confiance en leur prêtant des pièces… Pas par stratégie, juste parce qu’on trouve plus agréable de travailler comme ça. Faire une vente, c’est facile ; fidéliser un client s’avère bien plus compliqué.  »

Avec le temps et le bouche-à-oreille, l’endroit a néanmoins gagné une solide réputation et une clientèle assidue malgré son isolement – très relatif d’ailleurs, à 50 kilomètres de Bruxelles et 20 de Namur -, touchant les amateurs en quête d’objets originaux et de bonne qualité. On y remarque de grands éditeurs parmi d’autres plus confidentiels, une belle représentation scandinave et pas mal de marques belges, sans patriotisme économique :  » Si le produit est belge ou équitable, tant mieux, mais ce n’est pas un critère décisif. Si on n’aime pas, on n’aime pas « , résume Véronique. Mais cette politique plutôt osée ne les autorise pas à casser les prix.  » Si on ne fait pas plus de ristournes, c’est parce qu’on prend beaucoup de risques, explique Christophe. A cause de l’emplacement et de notre sélection, certains jours, on bosse à perte. Nos clients adorent qu’on présente plein de nouveautés, mais cela a un coût, et nous avons besoin d’un peu de marge pour assumer les risques que nous prenons.  »

Sans oublier qu’une telle démarche demande beaucoup de place et que le magasin commence à se sentir à l’étroit, raison pour laquelle l’enseigne s’apprête à vivre une année décisive, marquée par un triple projet qui élargira nettement son horizon. D’une part, l’espace commercial historique sous les voûtains des écuries traversera bientôt la cour pour investir la grange, après une  » réinterprétation contemporaine  » de sa surface de 600 m². Ensuite, toujours en 2016 et sous le nom ADDC, s’ouvriront aussi deux lieux atypiques : une maison avec jardin partagée avec un bureau d’archi d’intérieur à Namur, ainsi qu’un loft, à Wavre, présenté comme une habitation normale, avec des marques de mobilier  » haut de gamme, mais rien de trop excentrique ou d’ostentatoire. Ça ne nous ressemblerait pas « , conclut Christophe, sûr d’une recette éprouvée dont il célébrera bientôt la décennie de succès.

Au détour du chemin, Ferme de Ghlin, 147, rue du Village, à 5310 Noville-sur-Mehaigne (Eghezée). Tél. : 081 74 70 36. www.addc.be

PAR MATHIEU NGUYEN

 » Faire une vente, c’est facile ; fidéliser un client, c’est bien plus compliqué. « 

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