Absente des plateaux depuis trois ans, la comédienne oscarisée revient par la grande porte. Elle est à l’affiche de Young Adult, de Jason Reitman, dans un rôle magistral de femme à la dérive. Et ce printemps, on la verra dans deux autres films… où elle n’a pas froid aux yeux.

Au bout du fil, sa voix est masculine, affirmée. Son ton, musclé et sur la défensive.  » Surtout pas de questions personnelles !  » nous avait intimé son agent. On se demande si la blonde sud-africaine aux traits angéliques se livrera à l’exercice de l’interview comme s’il s’agissait d’un combat de boxe… Et là, on oublie la divine égérie de Dior et on se souvient d’elle dans Monster, tueuse en série, enlaidie et alourdie de 15 kilos. Puis, on la revoit dans le rôle de la détestable Mavis de Young Adult, de Jason Reitman (réalisateur de Juno), dans lequel Charlize campe le personnage d’une ancienne pin-up accro au Coca light mais dont les fêlures vont révéler une complexité vertigineuse… Enfin, on l’imagine transformée en affreuse reine sans coeur, tourmentant Kristen Stewart dans Blanche-Neige et le chasseur, de Rupert Sanders. Finalement, on s’était fait du cinéma : Charlize Theron est une femme de caractère, directe, fonceuse, touchante et très drôle. Une femme qui a su rebondir d’un drame – sa mère a tué son père alcoolique par légitime défense, lorsqu’elle avait 17 ans – et a bâti une carrière marquée par des rôles engagés, un sacré talent et un dévouement rare. Elle qui dit ne pas pouvoir se passer de sa maman  » pendant plus d’un jour  » est devenue mère à son tour. Charlize a adopté un petit garçon prénommé Jackson, né en Afrique du Sud. Elle est comblée et fière d’élever son fils seule… Pour le moment.

En parlant de son film Young Adult, Jason Reitman a dit que vous étiez la  » seule comédienne capable d’interpréter Mavis, un personnage odieux, loufoque et touchant « . Comment cela résonne-t-il en vous ?

C’est un compliment adorable ! (Rires.) Mavis correspond exactement à cette description : c’est une trentenaire divorcée et alcoolique, qui vit seule à Minneapolis et qui vient de perdre son travail… Une femme en échec. Pourtant, adolescente, Mavis était la fille la plus populaire de sa ville natale, un bourg paumé des États-Unis. De là surgit son idée délirante : rattraper son passé, revenir sur les lieux de son enfance et reconquérir son ex-petit copain, devenu papa, en brisant son mariage. Ce que je trouve passionnant dans ce scénario, c’est de voir les deux visages de Mavis : la femme qui se maquille, s’habille et tente de redevenir l’adolescente sûre de son pouvoir de séduction et très méprisante… Et puis la fille désespérée qui se dévoile sous nos yeux, seule dans sa chambre d’hôtel, en proie à ses tics – affectée de trichotillomanie, elle s’arrache des mèches de cheveux – et à ses démons, qu’elle noie dans une bouteille de bourbon. Ce que j’aime dans Young Adult, c’est que Jason Reitman ne cherche à aucun moment à racheter son héroïne, ni à susciter la compassion. J’ai une obsession dans la vie : connaître les êtres humains au plus près, voir ce qu’ils cachent derrière leur masque.

Vous êtes tellement crédible dans le rôle de Mavis ! Sa beauté fanée, son humour noir, sa vulnérabilité…

Je n’aurais pas pu jouer ce personnage si une partie de moi ne s’y était pas identifiée. Honnêtement, je pense que beaucoup de trentenaires mûres comme moi peuvent se reconnaître dans les peurs qui hantent Mavis. Nous vivons dans une société qui nous envoie un message très clair :  » Le temps passe vite et vous avez intérêt à vous dépêcher avant qu’il ne soit trop tard.  » Combien d’entre nous entendent ce son de la pendule qui fait tic-tac, tic-tac ? Je comprends aussi la relation conflictuelle que Mavis entretient avec son image : à Hollywood, comme dans de nombreux métiers féminins, nous sommes obligées de mettre notre apparence en valeur, de donner l’impression que tout va bien… Souvent, derrière cette façade se cache un chaos intérieur. Je n’ai pas de solution magique pour désamorcer ce paradoxe, mais ce qui m’aide, c’est d’en être consciente.

Comment étiez-vous, adolescente ? Ça vous arrive d’avoir envie d’être à nouveau une teen-ager ?

J’ai grandi dans un endroit sauvage, à Benoni, en Afrique du Sud. À 15, 16 ans, j’étais très naïve et je n’étais pas du tout la fille la plus populaire du lycée ! J’avais un petit copain, mais nous n’étions pas amoureux. Celui qui me plaisait vraiment avait décidé qu’entre nous il n’y aurait qu’une relation d’amitié… J’étais une ado hyperactive : j’escaladais les murs, grimpais aux arbres, me blessais régulièrement. Grâce à ma mère, j’ai appris à concentrer cette énergie sur des disciplines comme la danse classique, l’athlétisme… Sincèrement, je n’ai aucune nostalgie pour le passé. J’aime avoir 36 ans ! Je préfère nettement ma vie aujourd’hui. Alors l’idée de retourner à mon adolescence de loseuse… Nooon !

En amour non plus ?

Encore moins. Quand c’est fini, c’est impossible pour moi de revenir en arrière.

Qu’aimez-vous chez un homme ?

Qu’il me fasse rire, qu’il se moque de moi, avec un regard tendre évidemment. Le sens de l’humour, l’autodérision sont sans doute les qualités que je recherche le plus. Peu importe qu’il soit grand, petit, mince ou gros… Même dans le travail, l’humour est une condition essentielle pour moi : un réalisateur comme Woody Allen est parvenu à me faire jouer le rôle d’un mannequin (dans Celebrity), alors que je ne voulais pas. J’ai été mannequin et, au début de ma carrière, je craignais que l’on ne me propose que des rôles de blonde sans cerveau. Mais Woody Allen a su rendre ce personnage tellement drôle et vrai qu’il a opéré une sorte de catharsis en moi. Du coup, je me suis libérée du complexe d’être si belle et pleine de grâce… (Rires.)

Et vous, êtes-vous drôle ?

Je suis divine (Rires.) Je fais entrer les réalisateurs en lévitation, je suis capable de marcher sur des charbons ardents. J’éclaire les plateaux avec mon aura et mon Oscar – la statuette est toujours dans mon sac… Je plaisante. Mais je suis certaine que le sens de l’humour est la clé de l’immortalité.

Vous aimez incarner des personnages que l’on ne remarque pas exactement pour leur grâce… Comme la tueuse en série de Monster ou Ravenna, la reine maléfique de Blanche-Neige et le chasseur bientôt sur grand écran…

C’est drôle, je n’ai pas travaillé pendant trois ans, et puis, en une année, j’ai tourné Young Adult (en salles), Prometheus (sortie le 30 mai), de Ridley Scott, dans lequel j’incarne Meredith Vickers, une femme glaciale et sans scrupules… et puis, Blanche-Neige et le chasseur (sortie le 13 juin prochain). En commentant le côté bitchy (odieux) des femmes que j’interprète dans ces films, une amie m’a dit :  » Je pense que tu traverses une phase où tu veux profondément affirmer quelque chose qui est en toi… Un peu comme Picasso dans sa période bleue !  » Cela m’a fait beaucoup rire. En attendant ma  » période rose « , j’ai adoré jouer la reine, même si ce n’est pas un personnage facile à incarner… C’est une icône que tout le monde connaît – sauf moi, car ma mère me racontait des fables africaines quand j’étais enfant ! Je cherchais une façon de surprendre le public avec une Ravenna décalée. Un jour, en regardant Jack Nicholson dans Shining, j’ai eu une révélation : son personnage qui devient fou, cloîtré dans cet endroit hors du temps et du monde, était Ravenna ! J’ai compris que cette reine satanique n’était pas perfide pour le plaisir de l’être. C’est un concours de circonstances qui l’amène à le devenir. Finalement, dans ce film, la méchante reine a un côté humain qu’on ne lui a pas souvent prêté, et Blanche-Neige est une guerrière redoutable ! Cela m’amuse.

Depuis votre performance dans Monster, vous jouez des rôles à la psychologie complexe… Il faut une sacrée abnégation pour ça !

Durant les tournages de Young Adult et de Blanche-Neige et le chasseur, j’ai failli me dégonfler à plusieurs reprises. Dans Young Adult, en particulier, il y avait des scènes que je redoutais : je devais plonger dans la folie, l’acrimonie… Pour les jouer, il fallait que je me lance sans parachute. On ne peut pas tricher au cinéma !

PAR PAOLA GENONE

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