Envie de vous frotter à la civilisation pharaonique ? S’immerger dans le département égyptologique du Louvre est déjà une invitation au voyage… Visite nocturne avec Xavier Milan, dont le dernier roman tente de résoudre l’énigme de Cléopâtre. Envoûtant !

Il sommeille en chacun de nous un archéologue des cités perdues. Comment ne pas être intrigué par l’héritage de l’Égypte antique ? D’autant qu’elle n’a toujours pas livré tous ses secrets. Xavier Milan est un passionné en la matière. Non seulement il se rend chaque année au pays des pharaons, mais en plus il imagine romans et documentaires qui prennent racine dans cette terre. Plus qu’un simple décor, l’Égypte se veut un personnage à part entière de chacun de ses opus. Tout comme Claire, l’héroïne de son dernier livre (*), l’écrivain travaille au Musée du Louvre, où il est chargé de la communication interne. Un statut qui lui permet d’accueillir la reine d’Angleterre ou Gorbatchev, ainsi que de nous inviter pour une visite guidée exceptionnelle au sein du prestigieux département des Antiquités égyptiennes qui renferme des vestiges allant de la fin de la préhistoire (4 000 ans avant notre ère) à l’époque chrétienne (IVe siècle après J.-C.).  » La plupart des collections sont issues des fouilles. Certaines ont été léguées, d’autres sont achetées ou tournent sur le marché de l’art.  » Le roman de Milan débute d’ailleurs à Drouot, le célèbre hôtel des ventes parisien. Claire y entre en possession d’un trésor inespéré : le testament caché de Cléopâtre. Un véritable rébus qui la mène sur un jeu de piste aussi aventureux que dangereux. Guidée par l’amour, la persévérante jeune femme conduit le lecteur aux quatre coins de l’Égypte, de ses sites magiques et de ses tombeaux oubliés.  » Rien qu’à Amarna, il reste 95 % d’éléments à découvrir.  » Xavier Milan estime qu’il suffit de s’y rendre  » pour apercevoir de légères bosses sous le sable. Ce sont les murs de la cité qui n’a pas encore été entièrement fouillée. « 

MESSAGE OU MIRAGE ?

Un papyrus constitue le point de départ de l’aventure de Claire, étrange document qui lui révèle l’existence d’un trésor insoupçonné : l’héritage de Cléopâtre ! Le Louvre présente une galerie de papyrus – à l’abri de l’air et de l’humidité – qui nous donne un meilleur aperçu de cette civilisation lettrée. Certaines parties sont compliquées à lire, d’autres plus simples.  » À l’époque de Cléopâtre, on privilégiait le lin pour sa souplesse et sa transparence.  » Ce qui pouvait parfois réserver des surprises, soigneusement dissimulées…

COMITÉ D’ÉTERNITÉ

Un grand nombre de statues ont été attribuées au règne de Ramsès II, parfois de manière erronée. Le sphinx représente incontestablement  » l’une des manifestations les plus puissantes du pharaon « . Cette tête d’homme, sur un corps de lion, est chargée de protéger les nécropoles. Le Louvre a reconstitué le  » dromos « , l’allée processionnelle truffée de têtes de béliers. On trouve aussi une série de babouins, aux organes génitaux surdimensionnés. Plus on avance le long des piliers, plus le plafond descend vers le royaume des ténèbres…

DERNIÈRE DEMEURE

En arabe,  » mastaba  » signifie banc en pierre, tel qu’on pouvait en trouver devant les maisons. Ce terme désigne aussi les premières tombes, puisqu’elles ont la même forme rectangulaire. Celle d’Akhethetep date de 1 400 avant J.-C., soit la période des pyramides. On y assiste à une révolution architecturale avec l’introduction de végétaux, comme les palmiers ou les roseaux. L’entrée de cette  » maisonnette  » se veut un lieu de recueillement pour la famille du défunt. Ornée de dessins et de statuettes, celle d’une reine oubliée surprend Claire. Qu’y découvrira-t-elle ?

BAISER DE BRONZE

L’une des énigmes du roman réside dans une plaque en bronze, éparpillée à travers plusieurs coins d’Égypte. C’est ainsi que Cléopâtre a constitué sa  » carte au trésor  » : un ressort romanesque qui accentue la place du bronze dans l’Égypte antique. Ce matériau apparaît vers 2 700 avant J.-C., contrairement au fer qui est importé d’Asie mineure seulement mille ans plus tard. De magnifiques pièces du Louvre attestent de l’importance du bronze, utilisé pour le travail raffiné des meubles, des poteries ou d’une porte somptueuse, taillée d’hiéroglyphes.

FIGURES DE L’ÉCRITURE

On distingue trois types de hiéroglyphes : le classique (un simple dessin), le simplifié (cursif) et le hiératique qui ressemble à l’alphabet arabe.  » Ce savoir appartient au domaine de la transmission « , soutient Xavier Milan qui en connaît les rudiments. Il s’agit bien souvent d’un rébus, recelant des significations cachées. Un signe peut ainsi indiquer un son (exemple : le serpent dressé se lit  » dje « ) ou une information complémentaire. Certains affichent le sens de la lecture. Un oiseau regardant à droite montre qu’il faut lire le texte de droite à gauche. Quel déchiffrage !

L’ALLURE DES PARURES

Plusieurs vitrines présentent une collection bariolée de bijoux d’exception. Comment ne pas se laisser séduire par ces multiples formes en or, faïence, coquillage ou argent  » qui vaut mille fois plus que l’or  » ? Certains colliers sont extrêmement lourds, d’autres se portent dans le dos. Des joyaux égyptologiques dont s’inspirent encore les créateurs d’aujourd’hui.

RENAISSANCE INTENSE

Un escalier nous conduit vers l’univers des morts. Le silence règne autour de ces sarcophages vides ou habités de l’Ancien Empire. Recouverts de superbes hiéroglyphes, ils relatent les destinées mythiques d’Osiris, de Nephtys, d’Isis ou de Seth. On reste toutefois sans voix devant la vénusté de Nout, la bienveillante déesse nocturne. Le soir, elle avale le soleil qui circule dans son corps tout au long de la nuit, avant de lui redonner vie dès les premières lueurs du matin. Aussi symbolise-t-elle la résurrection.

CLÉ DE CLÉOPÂTRE

Ah, le mythe se brise… Cléopâtre ne ressemble en rien à la sublime Liz Taylor. Non seulement elle n’est pas jolie, mais en plus son fameux nez n’a rien d’extraordinaire. Une légende ? Ce visage sculpté atteste qu’elle est d’une banalité décevante, mais cela n’enlève rien à la personnalité exceptionnelle de cette reine, qui s’éteint à seulement 38 ans.  » Elle est habillée en homme lorsqu’elle accède au trône. Brillante et cultivée, elle pleure quand la bibliothèque d’Alexandrie est incendiée.  » L’histoire et l’imaginaire n’ont pas fini de la célébrer.

(*) Le Dernier Secret de Cléopâtre, par Xavier Milan, Alphée Roman, 311 pages. Le Louvre : ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 9 à 18 heures, nocturnes le mercredi et vendredi à 22 heures, entrée gratuite le 14 juillet et tous les premiers dimanches du mois. www.louvre.fr

TÉMOIN D’HIER

Le premier étage renferme les chefs-d’£uvre de l’égyptologie antique.  » Jadis, plusieurs modèles ont été restaurés de façon fantaisiste, ce qui peut donner lieu à un sphinx recouvert d’hiéroglyphes qui ne veulent rien dire !  » L’une des pièces maîtresses est assurément Le Scribe accroupi, la statue d’un homme grassouillet,  » dont les bourrelets confirment le statut social « . Ses yeux hypnotiques sont formés de métaux qui brillent quand on les éclaire.  » Leur perfection témoigne du savoir des médecins égyptiens sur le corps humain.  »

DESTINS AMARNIENS

Sous la XVIIIe dynastie, la capitale d’Akhenaton est Amarna et se situe entre le Nil et la montagne. Ses fresques rares sont d’autant plus estimées que la plupart ont été détruites. L’ère est aussi bouleversée par la pierre, qui révolutionne et facilite l’archi-tecture. Alors qu’on affirme que l’Égypte antique est polythéiste, elle se prend de passion pour un dieu unique, représenté par différentes personnalités, éclairant ainsi le peuple analphabète. Ce dernier se retrouve dans les faïences illustrant des scènes de vie ou les couples sculptés.

PAR KERENN ELKAÏM

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