Un jardin de promenade bucolique, voilà comment on pourrait décrire le petit monde des plantes qu’ont dessiné, année après année, Marie Albert et Pascal Moreau à Stave (Mettet). Visite guidée.

Carnet d’adresses en page 68.

Ceux qui fréquentent assidûment les journées des plantes et autres événements célébrant les jardins se souviennent sans doute des premières apparitions de Pascal Moreau et Marie Albert. Le nom de leur pépinière – l’Ortie-Culture – indique déjà à lui seul que la beauté et la poésie font partie de leur quotidien. Leur assortiment de plantes vivaces compte depuis leurs débuts quelques points forts tels que les pivoines, les hémérocalles ou les graminées décoratives. Mais, rapidement, l’Ortie-Culture s’est également signalée auprès des amateurs pour ses spécialités potagères. Collectionneur dans l’âme, Pascal Moreau aime décliner les légumes en de multiples variétés : haricots à perches, aubergines, concombres, choux frisés, tomates… Pour ces dernières, il sélectionne d’ailleurs des nouveautés nées dans ses serres, comme la délicieusement célèbre Ananas Noire.  » Nous avons eu envie de montrer aux visiteurs à quoi ressemblent les plantules qu’ils achètent une fois arrivées à l’état adulte et leur évolution au fil des saisons. Nous avons d’abord planté les légumes en ligne, comme il se doit dans un potager. Mais cela m’ennuyait « , confie Marie Albert. C’est ainsi qu’est né, voici une dizaine d’années, le jardin promenade qui atteint aujourd’hui des sommets de beauté.  » C’est le jardin d’une pépinière ; il serait sans doute différent si nous ne nous imposions pas de représenter un échantillon significatif de notre catalogue « , fait remarquer Marie.

COMPOSITION MOUVANTE

La beauté naît – comme c’est souvent le cas – lorsqu’on tire parti des contraintes liées au sol. Dans le passé, ce terrain avait été creusé pour y créer un étang qui a ensuite été comblé. Les différentes couches de sol ont donc été fortement bousculées : en quelques mètres, on passe de la bonne terre de jardin, où sont désormais plantés les légumes, à de la caillasse qui accueille des plantes de terrains pauvres, comme les graminées. Celles-ci constituent une des trames du jardin. Par touffes, elles offrent une grande variété de hauteurs et de formes qui s’animent au moindre rayon de soleil ou sous l’effet de la brise la plus légère. A partir de mai jusqu’au début de l’été, elles apportent une vaste gamme de verts. Puis vient la floraison et les changements de colorations, jusqu’aux dorés et mordorés de l’automne.

Les autres vivaces représentent une grande part de ce jardin construit comme autant de petits parterres reliés les uns aux autres. On trouve ces plantes ici éparses, là en groupe, comme ce massif impressionnant d’Allium tuberosum, la ciboule de Chine. En fin d’été, quelques-unes d’entre elles marquent la ligne d’horizon de leur haute stature, comme les Verbascum, quelques renouées et l’un ou l’autre Helianthus…  » Ce que j’aime, c’est que ces espèces attirent le regard vers le ciel, explique Marie. La Verbascum est une plante indigène mieux connue sous le nom de bouillon blanc. Elle a la capacité de se ressemer et d’apparaître où nous ne l’avons pas plantée. Les Geranium vivaces se comportent de la même façon, parfois au point de devenir trop envahissants. C’est pour cette raison que nous avons, entre autres, dû supprimer les Geranium endressii. Les Aster, comme Aster ericoides Golden Spray, figurent encore parmi les plantes qui essaiment, nous offrant dans la foulée des croisements spontanés.  »

UN CHEMIN MINÉRAL

Insensiblement, la promenade conduit vers le bas de la parcelle et aux plantes potagères, cultivées pour la plupart en lignes mais participant à une joyeuse cacophonie, qui s’explique par un jeu de textures et de teintes de feuillages. C’est le cas des choux frisés de plusieurs couleurs qui côtoient le fenouil et l’aneth. L’aspect brut des premiers contraste avec l’évanescence des deux autres plantations.  » J’aime y mêler des annuelles : des aromatiques très décoratives comme le shiso ou à des légumes tels que le radis serpent, mais aussi des dahlia dont il faut déplanter les racines avant les gelées « , note la pépiniériste.

La magie de ce jardin, au-delà des compositions de fleurs, de feuilles et de fruits qu’il propose, réside dans la balade qu’il invite à faire. On se trouve ici immergé dans la verdure au milieu de hautes tiges. Ailleurs, le regard peut embrasser le paysage clos de cette vallée nichée au milieu de nulle part. Pour tracer le parcours, Pascal et Marie ont opté pour des chutes de schiste, la pierre qu’on emploie pour réaliser les toitures en ardoise naturelle.  » Nous avons d’abord semé de la pelouse. Mais d’une part, l’herbe se faufile rapidement au sein des parterres et, d’autre part, elle reste mouillée plus longtemps. Nous avons ensuite essayé avec de la paille, mais les épis mal battus libèrent des graines qui se ressèment. Le schiste, lui, offre un contraste entre le minéral et le végétal. Certes, il n’empêche pas les  » mauvaises  » herbes de pousser, mais ce désherbage fait partie des tâches répétitives que j’aime faire, explique Marie. Passer du temps dans le jardin, c’est apprendre à mieux le connaître.  »

Une chose est certaine, ce coin de paradis mérite à tout le moins une visite. En réalité il faudrait en programmer deux : la première au printemps, lorsque les pivoines sont en fleurs, et l’autre en fin d’été ou au cours de l’automne, quand le concert des graminées bat son plein.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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