Au nom de la rose
Pour combler les désirs d’une passionnée de roses tout en respectant les exigences d’un amateur de fruits et légumes, le paysagiste Erik Dhont a imaginé un jardin des délices. Ici, le potager voisine en toute harmonie avec les massifs fleuris.
Lorsque l’on demande au paysagiste bruxellois Erik Dhont de décrire le jardin de ses rêves, il commence par évoquer sa collection de vases Art déco. » Ce serait un jardin de récolte, une sorte de réservoir à fleurs où je puiserais à loisir. Dans mes vases Art déco, je pourrais alors créer de somptueux bouquets qui garniraient mon bureau… Et je penserais ainsi en permanence à ma passion, le jardinage. » Cet exercice de style, Erik Dhont l’a déjà mis en pratique, il y a douze ans, pour l’une de ses premières créations.
A l’époque, la parcelle qu’il est chargé d’aménager n’est vraiment pas très engageante. » Cette longue bande de terrain de cent mètres de profondeur sur vingt mètres de largeur n’avait aucune âme et brillait surtout par son manque de personnalité, précise le paysagiste. Afin de combler le dénivelé, les propriétaires ont fait amener des terres pour construire leur maison à l’horizontale, au niveau de la rue. Mais cette butte a contribué à rendre le jardin, situé à l’arrière du bâtiment, plus ingrat encore. » Pour le reste, les propriétaires formulent deux souhaits : il veut un potager agrémenté de quelques arbres fruitiers, elle souhaite un jardin de roses, pour prendre le temps de les tailler, de les admirer et, plus encore, pour le plaisir de composer des bouquets variés, des premières floraisons de juin jusqu’aux gelées de l’automne.
Sur le plan, Erik Dhont détermine quatre espaces successifs : le petit jardin de rue, la maison et les terrasses en pierre bleue qui l’entourent, le jardin de roses proprement dit et, tout au bout, le potager. Le jardin situé en façade doit accueillir les visiteurs et les séduire par sa luxuriance. Il est dominé par la masse jaune éclatant de » Graham Thomas « , un rosier anglais de David Austin, émaillée de quelques taches pourpres de » Verdi « , que le paysagiste compare à des » grains de beauté » sur un visage.
» Quand ce jardin a été conçu, soit à la fin des années 1980, on connaissait peu ces roses. Elles sont, pour la plupart, extrêmement florifères. » La liste complète des rosiers, qui compte une quarantaine de variétés différentes, révèle la volonté de créer un jardin tapissé de fleurs du début de l’été à l’automne. Ainsi, les rosiers anciens fleurissent les premiers suivis par les espèces remontantes, choisies pour leur seconde floraison plus luxuriante, en septembre. Le plein été, lui, est dominé par les hybrides de » Moschata « , pour la plupart des créations du rosiériste belge Louis Lens. » Dès le début, j’ai voulu célébrer la simplicité naturelle du rosier sauvage, l’églantier, que j’ai aussi généreusement planté. «
Dans ce jardin, Erik Dhont a complètement repensé le paysage. Il a ceint le terrain de grandes haies de charme pour faire oublier le lotissement qui l’entoure. La patte du paysagiste se reconnaît immédiatement. Outre le passage central menant au potager et déterminant deux longs parterres, il a également dessiné des lignes abstraites et discontinues, accompagnées de formes cylindriques qui ressemblent à des signes de ponctuations, à l’aide d’aubépine et de houx. » Ces sentiers informels invitent à se déplacer, pour sarcler, tailler les arbustes ou encore cueillir des fleurs. «
Dans le jardin potager, véritable caverne d’Ali Baba pour amateurs de fruits et de légumes, on trouve des groseilliers, des framboisiers, des mûriers, des néfliers, des pruniers, des pommiers et des poiriers qui côtoient, dans un joyeux désordre, les lignes régulières de légumes. Il y plane un délicieux parfum de jardin de curé, encore amplifié par de magnifiques bouquets de valériane.
Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel
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