Un physique affolant, une cote qui explose, un sens inné de la comédie, et déjà des envies d’autres choses. Alice Taglioni, l’héroïne de Cash et de Sans arme, ni haine, ni violence, nous dévoile son univers. Sans chichis, comme elle.

Longtemps, elle a été trop tout. Trop grande, trop blonde, trop sensuelle, trop belle. Et puis Laurent Tirard lui a offert un rôle en or de fiancée de footballeur dans Mensonges et trahisons, en 2003 – ah ! son  » T’es un peu con, en faità  » glissé à l’oreille d’Edouard Baer ! – et Alice Taglioni est devenue la nouvelle et indispensable croqueuse d’hommes du cinéma français. Les comédies se sont enchaînées (pas toujours à la hauteur de son talent), sa cote a grimpé, Lancel a fait d’elle son égérie. Dans ce parcours irrésistible, 2008 s’inscrit d’ores et déjà comme une année charnière, avec trois films, dont Notre univers impitoyable, de Léa Fazer, Sans arme, ni haine, ni violence de Jean-Paul Rouve, d’après la vie du gangster Albert Spaggiari, et, enfin, Cash, d’Eric Besnard, et son casting en or (Jean Dujardin, Jean Reno, François Berléand, Valeria Golino). Autant dire qu’on a des choses à se raconter.

Weekend Le Vif/L’Express : Vous vous décrivez comme une actrice qui fonctionne à l’instinct et refuse d’intellectualiser ses rôles. Or il paraît que vous avez ressenti un trac monstrueux avant Cash.

Alice Taglioni : C’est la mise en route qui a été délicate. Je sortais du tournage très familial, presque intimiste, de Notre univers impitoyable avec Jocelyn (NDLR : l’acteur Jocelyn Quivrin, son compagnon depuis six ans) et l’idée de me retrouver sur une très grosse production, avec des stars, me fichait un peu la trouille. D’habitude, j’ai le temps de digérer les choses avant de me lancer dans un projet. Là, pas du tout. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. En fait, ce que j’ai compris sur ce film, c’est que je cogitais beaucoup plus que je ne l’imaginais. Je suis moins dans l’inconscience qu’à mes débuts. Quand on commence, tout semble extraordinaire, ludique, drôle. Plus le temps passe, plus on se pose de questions.

Vos débuts vous paraissent-ils déjà loin ?

Non, pas spécialement, mais c’est vrai que ce film marque une étape importante pour moi. Ce n’est pas la première fois que je donne la réplique à de grandes stars. Cela m’est arrivé dans La Doublure, dans Les Chevaliers du ciel. Mais, pour la première fois, je n’ai pas eu à passer d’essais et c’est très gratifiant d’être considérée comme légitime pour donner la réplique à des acteurs du calibre des deux Jean (Dujardin et Reno). J’étais contente qu’on pense à moi.

Pour quel metteur en scène seriez-vous prête à passer tous les essais du monde ?

Mais pour tous ! Grâce à Léa Fazer, j’ai appris que les essais pouvaient servir l’acteur et ne devaient pas être vécus comme des examens. J’aime bien les essais, maintenant. Ils nous éclairent sur ce que va devenir un film, sur la relation que l’on va nouer avec son metteur en scène et les autres acteurs.

Il y a autre chose que vous aimez dans le cinéma, c’est donner des gifles à vos partenaires.

Je suis d’accord, c’est une habitude ! Dans mon premier film, La Bande du drugstore, j’avais fait très mal à Mathieu Simonet. Depuis, je m’applique et j’avoue que je m’en sors plutôt bien. (Sourires.) J’ai eu un grand plaisir à gifler Edouard dans Mensonges et trahisons. Avec Jean, c’était aussi bien. Entre Valeria (Golino) et moi, il a dû en recevoir une trentaine, le pauvre. (Rires.) Mais dans la vie je suis très douce, je vous rassure. Et je perds tous mes moyens pendant les disputes.

Vous tournez en moyenne trois films par an. C’est beaucoup.

Ces dernières années, j’ai beaucoup travaillé, oui. Ce n’était pas chaque fois des premiers rôles, mais là, j’ai envie de calmer le jeu. Pour la première fois, je n’ai aucun projet. C’est à la fois très reposant et très excitant. Un peu comme une fille célibataire depuis longtemps qui se demande à quoi va ressembler son prochain amoureux. J’attends le bon.

Comment occupez-vous vos journées en attendant  » le bon  » ?

Je travaille à mon bien-être. (Sourires.) Il ne se passe pas un jour sans que je joue du piano. J’apprends aussi la guitare. Je me balade avec mon chien, je m’offre un soin ou un massage. Je profite de la vie.

Votre physique très hollywoodien détonne un peu dans le milieu. Pourtant, vous y avez rapidement trouvé votre place.

La meilleure réponse à donner quand on vous fait un reproche, c’est d’écouter, de le contourner, de prendre les choses avec dérision. J’ai toujours fonctionné ainsi. Ce n’est peut-être pas un hasard si je suis venue à la comédie. Mais je ne me sens pas  » en place « , pas encore. J’ai envie d’évoluer, d’aller vers des univers plus graves, plus profonds.

Comme celui de Sans arme, ni haine, ni violence, où vous flirtez pour la première fois avec le drame.

Oui, c’est une première étape vers autre chose. Et, là aussi, j’ai eu vraiment le trac

La comédie ne vous suffit-elle plus ?

Je me suis éclatée dans la comédie, mais je n’ai pas du tout envie de rempiler, non. J’ai commencé par des films d’auteur, comme La Bande du drugstore ou Grande Ecole, qui n’ont pas été de gros succès et n’ont pas fait beaucoup parler d’eux. Mensonges et trahisons a été comme une bouffée d’air frais pour moi. Une expérience formidable. Aujourd’hui, je sens que je dois tenter de nouvelles choses, non pas pour prouver quoi que ce soit aux autres, mais par crainte de me lasser.

Les photos de vous et de Jocelyn Quivrin récemment publiées dans Paris Match sont très suggestives. Avez-vous hésité avant de vous mettre en scène ainsi ?

Non. Jocelyn et moi avons accepté de jouer le jeu parce que Notre univers impitoyable nous tenait énormément à c£ur. J’adore le travail d’Ellen von Unwerth et je trouve le résultat réussi. Les photos sont surprenantes, mais je ne me suis jamais préoccupée du qu’en-dira-t-on. C’est comme lorsque j’ai porté ma robe rose bonbon Valentino aux Césars. Certains m’ont dit qu’ils adoraient, d’autres que je ressemblais à une meringue. Il faut prendre tout cela avec le sourire.

Vous souvenez-vous de ce que vous avez ressenti lorsque vous avez poussé pour la première fois la porte d’un cours de théâtre, afin de soigner votre raideur derrière le piano ?

Oui, c’était comme si quelqu’un m’avait soufflé à l’oreille d’entrer. J’étais venue avec mes doutes, mes complexes, mon manque d’assurance de l’époque et, pour la première fois, je me suis retrouvée face à un défi à relever pour lequel j’étais prête à tout. Le premier exercice consistait à monter sur scène devant tout le monde pour se présenter et parler de soi. J’ai choisi la dérision et c’est là que je me suis rendu compte que j’avais un petit potentiel pour le jeu. C’était un moment magique dont je me souviendrai toute ma vie. Un sentiment de bien-être absolu.

Y a-t-il eu d’autres moments décisifs, comme celui-là, dans votre vie ?

J’en ai plusieurs, oui. Par exemple quand j’ai décidé d’arrêter le piano, à 20 ans. J’en faisais depuis l’âge de 4 ans. C’était une décision énorme pour moi.

Si ça n’avait pas marché au cinéma, vous auriez pu vous tourner vers le poker. Vous vous débrouillez très bien, paraît-il.

Ah ! oui, j’adore cet univers. D’ailleurs, je ne suis pas doublée dans le film. Le poker me rappelle un peu le cinéma : au début, c’est juste un jeu agréable, puis ça devient une pratique plus réfléchie. Mais vous savez, je ne me pose jamais la question de savoir ce que j’aurais fait si je n’avais pas réussi dans ce métier. Pour moi, le cinéma était une évidence. Dans la vie, il y a des moments d’urgence où l’on doit se lancer, presque par instinct de survie. C’est parce que je ne me suis pas donné d’alternative que j’ai la chance de mener cette vie, qui m’a un peu choisie aussi, finalement.

Propos recueillis par Géraldine Catalano

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