L’hiver dernier, j’ai rencontré Alice par hasard, lors d’une soirée. La petite fille a surgi d’un livre gigantesque. De deux gros volumes, en réalité : Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir, revisités par un artiste hollandais Pat Andréa et une éditrice belge, Diane de Selliers (éditions Diane de Selliers, 2007). Nous étions à l’ambassade de Belgique à Paris, dans cette belle résidence que je découvrais pour la première fois.

Le monde d’Alice m’a toujours été étranger. Il m’effrayait. Terreurs enfantines jamais élucidées ? Fantasmes non avoués ? Manque d’intérêt pour l’univers de Lewis Caroll trop souvent illustré, trop vite récupéré ? Peu importe puisque j’ai changé. Ce soir-là donc, l’artiste était venu avec son éditrice, leur album sous le bras.

Ils ont raconté l’histoire de cette enfant complexe, leur obsession durant plusieurs années. Pat Andrea avoue qu’il a failli succomber à la gamine perverse. Impossible de lui donner un visage. Il lui a fallu cinq ans. Cinq années à tourner, à se détourner, à revenir, repartir, recommencer. Diane de Selliers a attendu. Connue pour son exigence, elle n’est pas du genre à tergiverser. Sa ligne ? Publier  » des livres qui restent « . Elle a bien fait. Le résultat est un monstre de couleurs, une leçon d’ambiguïté : quarante-huit toiles – deux par chapitres – livrées par un artiste inspiré.  » Tout sauf l’ordre établi « , semblent nous souffler à l’oreille les personnages de cette histoire absurde, d’une rare cruauté. Grâce à Pat Andrea, ils sont servis. Le peintre a eu une idée de génie : son Alice est multiple. Son héroïne n’a jamais la même tête, seule compte la fantaisie. Alice est toutes les femmes, toutes les adolescentes et toutes les gamines. Toutes les créatures qui osent, sans crainte, vivre leur vie. Voilà, je crois avoir enfin compris.

Les tableaux originaux de Pat Andrea ont été exposés au Château de Chenonceau (Indre et Loire) et seront présentés à Bruxelles au Botanique en 2008. Le livre est en vente depuis plusieurs mois. Reste le souvenir de cette soirée chaleureuse. C’était au mois de janvier à Paris chez Pierre-Dominique Schmidt. Merci Monsieur l’ambassadeur.

(*) Chaque semaine, la journaliste et écrivain Isabelle Spaak (Prix Rossel 2004 pour son roman d’inspiration autobiographique Ça ne se fait pas, Editions des Equateurs) nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.

Isabelle Spaak

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