Tout l’été, Le Vif Weekend fait une pause dans les cafés de nos provinces. Cette semaine, li pus vî cabarèt d’Nameur, une cagnotte à boire et la meilleure blanche du monde.

Nous sommes en 2012 après la naissance de Jésus-Christ. Toute la place du Marché-aux-Légumes est menacée par le djeun oublieux de ses ancêtres, MCM sur écran plat et l’ignoble vodka Red Bull. Toute ? Non ! Car un troquet peuplé d’irréductibles Namurois résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et ça ne date pas d’hier. C’est gravé sur une pierre de pays fichée dans sa façade en briques : millésimé 1616, le Ratin-Tot ( » s’attendre à tout « , selon la traduction autorisée de mon beau-père bilingue né à Saint-Servais en 1948) porte fièrement ses galons de  » Li pus vî cabarèt d’Nameur « .

L’histoire suppose que l’estaminet fut construit au moment de l’édification de l’église Saint-Loup pour étancher la soif des bâtisseurs.  » À l’époque, les tonneaux étaient mis au frais dans la rivière qui passe sous la maison « , précise, tout en flegme du cru, Jean-Louis Molitor, maître des lieux depuis sept ans. Aujourd’hui, la blanche locale, qui ne démérite pas son titre de  » World’s best grain only wheat beer  » de 2009, coule directement du fût et une sélection très honorable de bières spéciales sommeille au ronron d’un frigo vitré. Mais là résident les rares indices de modernité à être parvenus à passer la porte de ce refuge d’habitués, séduits par l’absence de falbalas et l’atmosphère purement bistrotière qui s’impose ici sans autres chichis décoratifs qu’une ou deux figurines folklo bien connues de ce côté-ci de la Meuse : molons et échasseurs.

Il y a bien une grande fresque de 2002 représentant les alentours verdoyants de la citadelle, mais elle est tellement anti-contemporaine qu’elle semble du plus pur vintage.  » C’est le dernier bistrot de Namur  » ose, franc du collier, un ami de la maison. Un nid que certains considèrent carrément comme une  » petite famille « . Ses membres les plus invétérés continuent ainsi de cotiser à hauteur de 5 euros hebdomadaires dans la vieille cagnotte en bois qui prend la poussière au fond du café.  » À l’origine, les ouvriers, rétribués à la semaine, y plaçaient leur paie, histoire de ne pas la boire tout de suite, raconte Jean-Louis. En décembre, on fait un souper avec les intérêts.  » C’est fête ! Un concept qui, il faut bien le dire, hormis durant l’excentrique barnum des fêtes de Wallonie, ne préside pas souvent à l’ambiance générale du Ratin-Tot. Comme son nom l’indique à l’oreille des francophones incapables de comprendre la moindre strophe du Bia Bouquet, l’hymne namurois, l’établissement ne ferme pas vraiment tard. À 14 heures, le dimanche,  » après la messe « , 20 heures grand max en semaine,  » parfois plus tôt quand il fait dégueulasse « . On voudrait exemplifier le cliché de ville couche-tôt qui colle à la peau de la capitale wallonne on ne trouverait pas meilleure illustration. Il faut croire que ça conserve.

1, place du Marché-aux-Légumes, à 5000 Namur.

PAR BAUDOUIN GALLER PHOTO : GRIET HENDRICKX

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