Même chez Audi, le design évolue. Un moment perçues comme trop sages, les lignes des nouveaux modèles tendent à se muscler tout en adoptant un style propre à l’ensemble de la gamme, dont les nouveaux Q7 et TT sont aujourd’hui les porte-drapeaux. Entretien avec Dany Garand, senior designer expérimenté de la marque qui plaide pour toujours plus de  » vibrations stylistiques « .

Actuellement, Audi propose de nouveaux modèles à un rythme soutenu : A4, A6, Q7, TT. Aujourd’hui, on peut affirmer que l’ensemble s’inspire d’une ligne commune, plus identifiable que par le passé. En quelques années, Audi a ainsi réussi à créer un ensemble cohérent, rendant ses voitures immédiatement identifiables. Seul bémol : un aspect général du design Audi qui laisse toutefois une impression froide et manquant de caractère. Dany Garand, senior designer, explique comment cette impression va être combattue avec les prochains derniers modèles.

Weekend Le Vif/L’Express : Le grand public semble ressentir un caractère non expressif et froid chez Audi. Comment expliquez-vous cela ?

Dany Garand : Le design chez Audi est basé sur une philosophie : celle du Bauhaus ( NDLR : école d’architecture et d’arts appliqués fondée à Weimar en 1919). Il s’agit de lignes d’architecture où s’articulent abstraction géométrique, rationalisme et fonctionnalisme. Ce qui prime c’est la pureté géométrique, jusque dans les moindres détails. Cela fait une dizaine d’années que nous suivons cette ligne et il faut dès à présent passer à autre chose. Ces lignes pures présentent en effet un aspect trop mathématique, presque minéral et froid. C’est pour cela qu’aujourd’hui nous les rendons plus chaudes, pour qu’elles dégagent plus d’émotions. C’est très perceptible lorsque l’on remarque l’évolution générale des lignes de l’A8, de l’A6 ou du TT.

Cela voudrait-il dire que vous faites table rase du passé ?

Non, en automobile, les évolutions prennent du temps. J’estime qu’il faut respecter l’ADN de la marque et la faire évoluer subtilement. C’est comme pour le vin, les cépages utilisés ne changent pas d’année en année, c’est leur assemblage qui évolue pour donner des breuvages différents. Le PDG qui roule en A8 cherche avant tout le confort, sans devoir appréhender les surprises d’un monde étranger à son univers personnel.

Ça c’est pour le principe, mais en pratique, comment faites-vous pour donner une identité plus forte et générale à vos voitures ?

Ainsi, à l’avant de la voiture, nous avons maintenant – et sur tous les modèles – la calandre  » singleframe « . Très verticale, elle s’affirme comme l’image de notre marque. Sur le Q7, son effet est des plus imposants. C’est toutefois une simple évolution par rapport à ce qui existait déjà au milieu des années 1990, lorsqu’une deuxième calandre est apparue dans le bas de la face avant.

La deuxième partie que nous avons travaillée, ce sont les proportions latérales. Encore une fois, il faut respecter ce qui existe. Nous avons une cabine vitrée qui fait grosso modo un tiers de la hauteur latérale pour deux tiers du corps de la voiture. Ce trait majeur d’Audi, nous l’avons bien évidemment conservé. Sur le Q7, nous y avons ajouté une ligne de caractère dynamique au-dessus des roues. Celle-ci est combinée avec la ligne d’épaule, ou ligne d’intersection des surfaces vitrées et non vitrées. Un bon résultat au total. Outre ces deux points, nous étudions également les surfaces concaves et convexes des flancs et du capot. Ces galbes sont apparus sur l’A6 qui a un lien étroit avec le Q7.

En quoi consiste la cohésion visuelle pour l’arrière des Audi ?

A l’exemple du porte-à-faux, nous l’avons réduit dès la dernière A8. Ici ce sont des éléments physiques et non seulement graphiques qui entrent en jeu. Par de telles réductions, l’équilibre général en est modifié. Nous avons ainsi réussi à bien  » balancer  » nos voitures en neutralisant physiquement ce porte-à-faux.

Nous voulons aussi que nos voitures soient reconnaissables en trois  » sketches « , soit en trois coups de crayon, en trois lignes. A l’exemple de la ligne du toit : sa forme latérale en arc est apparue avec l’A6 et est très visible sur le Q7 ou le TT. Elle redescend sensiblement dès le milieu de la voiture pour plonger vers le montant arrière, déjà très incliné.

Cela n’alourdit-il pas le bas de la voiture ?

Vues de l’arrière, les Audi ont des lignes géométriques très trapézoïdales. Le but, c’est que la masse soit le plus bas possible. Cette masse près du sol, est une garantie physique supplémentaire de meilleure tenue de route. Les optiques arrière partent du même principe. Elles étaient très hautes dès les premières TT. Cela varie aujourd’hui. Les lignes des feux plongeant vers le bas pour baisser la charge et élargir la base de la voiture.

Sur l’A6 sont apparus les phares équipés de LED, très petits et très puissants. Cette technologie risque- t-elle d’influencer le design à l’avenir ?

Ces phares suscitent une émotion, donnant une vibration de plus à l’A6. Pour l’instant, cette technologie est très coûteuse, mais avec l’augmentation de la demande, elle va offrir une multitude de possibilités. Outre le fait que ces feux prennent très peu de profondeur, ils occupent aussi moins de surface. Cela devient de mini-blocs optiques. Pour l’arrière, l’effet est réussi.

Mais, attention au caractère  » insecte  » de ce design non biomorphique à l’avant ! Je crois que nous faisons instinctivement la liaison entre les phares d’une voiture et les yeux d’un visage. Les voitures ont d’ailleurs des faces avant aux proportions naturelles. Les designers peuvent jouer sur l’émotion de ces visages en les rendant plus sérieux, sûrs de soi, agressifs, etc. Mais en aucun cas il ne faut perturber leur équilibre…

Propos recueillis par Yves Merens

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