Aurélien Guichard

© photos: SDP / alexis Jacquin

Aurélien Guichard (44 ans) est issu d’une lignée de parfumeurs grassois. Il y a quatre ans, il a posé ses mouillettes à Tourrettes, au milieu des champs de roses dont il a relancé la culture sur le domaine de ses grands-parents. C’est là qu’il crée les sillages de Matière Première (*), la marque qu’il a lancée il y a deux ans.

«Je suis né à Grasse et j’ai été élevé à Paris. C’est sans doute pourquoi j’ai besoin aujourd’hui de partager mon temps entre un environnement urbain et cette terre à parfums à laquelle je suis très attaché. En 2014, j’ai décidé de planter des roses ici, je suis le seul parfumeur qui utilise ses propres fleurs dans ses compositions, c’était une manière pour moi de rendre hommage à mes grands-parents et de revenir à l’essence même de ce métier. J’ai grandi entouré d’artistes – les amis parfumeurs de mon père, les amis plasticiens de ma mère Béatrice Guichard qui est elle-même sculptrice – et dans ces deux mondes la matière a son importance. C’est probablement ce qui explique ma fascination pour les ateliers. Pendant mon passage aux Etats-Unis, j’ai vécu dans celui de Pollock. Ce sont des lieux qui acquièrent une patine et une âme lorsque l’on y travaille. Le métier de parfumeur, ce n’est pas seulement griffonner des formules, c’est une façon de vivre. Ici, je partage l’espace avec ma mère. L’endroit est rempli de ses pinceaux, de ses burins, de ses marteaux et de ses ponceuses. Sur le sol taché de couleurs flotte de la poudre de marbre et depuis que je suis là, des gouttes d’essences et d’absolus y ont laissé des traces. Ma mère, qui crée également des meubles, a fabriqué ma table de travail à partir du bois d’un arbre tombé. Ses œuvres aussi nous entourent, comme ces tiges de métal semblables à la sculpture Hautes herbes que l’on peut voir sur le parvis du Louvre. C’est moi qui me suis greffé à son environnement. De Paris, j’ai apporté l’essentiel du métier de parfumeur: les accessoires de laboratoire que je trouve beaux dans leur simplicité. Une plaque chauffante pour liquéfier les résines, un mélangeur, des pipettes et surtout les flacons épurés de mon orgue à parfum. Sans oublier bien sûr la balance, car à Tourrettes, j’effectue moi-même mes pesées. C’est un retour à la base de la création, car je redécouvre ainsi les matières quand je les pèse et que je les sens. Dans la gestuelle, dans le temps, les essais prennent plus de temps, demandent plus d’effort, c’est donc une manière de travailler différente qu’à Paris mais qui est devenue nécessaire à mon équilibre. Ici, je peux traduire mes sensations en odeurs.»

© photos: SDP / alexis Jacquin

(*) En vente chez Beauty by Kroonen, 67, rue Lebeau, à 1000 Bruxelles.

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