signée marc corbiau, cette prodigieuse maison affiche une modernité au caractère intemporel. bâtie en bordure de dune sur la côte belge, elle est aussi le superbe écrin d’une collection privée d’art contemporain.

Carnet d’adresses en page 131.

« Pour la côte belge, l’emplacement du terrain est privilégié, souligne Marc Corbiau. La parcelle, tout étirée en longueur se trouve à la limite d’une grande dune qui forme une vallée profonde. D’un côté la rue, de l’autre le sable.  » Une chose tient à c£ur au célèbre architecte belge lorsqu’il parle de cette maison : la replacer dans son temps.  » Elle a déjà 15 ans, poursuit-il. Il faut donc remonter aux années 1980. Le client aimait l’architecture américaine en bois de la côte est. Nous sommes donc allés ensemble à Long Island…  »

Cette belle demeure évoque, en effet, l’île new-yorkaise par ses terrasses extérieures, par l’utilisation du bois, par la couleur de l’enveloppe extérieure. Mais elle est originale jusque dans ses moindres détails. Les briques claires ont été spécialement réalisées aux Pays-Bas, en appliquant avant la cuisson un badigeon de ciment. Quant aux tuiles, plates et sombres, elles ont été réalisées à Bordeaux, à partir de poussière de charbon.

De la rue comme de la dune arrière, l’architecture se veut discrète. Les jeux de toitures confirment la suprématie de la nature environnante et la végétation dense, choisie et plantée par André van Wassenhove (décédé l’an dernier), vient admirablement inscrire le bâtiment dans son décor côtier. Lorsqu’on pousse la lourde porte d’entrée, une première sensation s’impose : l’appel de la mer du Nord. Jouant à la perfection des effets de transparence, Marc Corbiau a  » contracté  » le plan au niveau du hall. En quelques mètres à peine, on est déjà de l’autre côté, dans le paysage de sable et d’oyats. Le tout est complété par un miroir parabolique de Anish Kapoor qui renvoie l’image déformée de l’habitation.  » Les fenêtres me sont essentielles, confie l’architecte. Sans doute faut-il y voir une influence de Jacques Dupuis, l’architecte de ma maison. Mais je suis moi-même un inconditionnel des grandes surfaces vitrées, nettes. Vous n’aurez jamais chez moi une baie vitrée coupée en deux. C’est souvent un triptyque dont la partie centrale devient un tableau emprunté à l’environnement extérieur.  »

Collectionneur d’art, le maître des lieux souhaitait pouvoir exposer l’essentiel de sa collection d’£uvres contemporaines, constituée d’une suite de coups de c£ur. Assoiffé d’air libre, sans doute claustrophobe, il désirait aussi vivre le plus possible à l’extérieur, d’où la succession de terrasses, couvertes ou non, qui se prolonge de part en part, au rez-de-chaussée comme à l’étage.  » Le client m’a aussi demandé de pouvoir immédiatement voir la personne qui entre chez lui, signale Marc Corbiau. Et cela même depuis le coin excentré où il regarde la télévision ou se détend devant le feu ouvert… parce qu’il aime recevoir et donc accueillir chaleureusement ceux et celles qui lui rendent visite.  » Cette oblique n’est pas la seule ligne tracée ici. Les perspectives sont longues. L’une d’elles va par exemple depuis la salle à manger jusqu’à l’entrée d’une chambre à coucher. Une autre lui est parallèle, mais elle  » dialogue  » avec l’extérieur. Une enfilade de fenêtres permet, en effet, d’oublier la  » contraction  » engendrée par le hall. Et du salon, on peut voir ceux qui sont affairés dans le bureau. Ce parti pris de la longueur et de la transparence se retrouve aussi dehors, depuis la piscine jusqu’à l’autre extrémité de la parcelle, par le jeu des terrasses qui semble ne jamais s’interrompre.

Marc Corbiau s’est aussi livré à une belle mise en scène des matériaux. Du marbre des Dolomites légèrement vert a été utilisé dans le hall et pour l’escalier. Une pierre naturelle du Portugal est utilisée à d’autres endroits. Côté bois, les sols du rez-de-chaussée sont en chêne foncé.  » Mais pour l’étage, j’ai choisi une couleur plus claire, celle de l’érable sycomore, tant pour les longues et larges planches du sol que pour les recouvrements muraux des chambres, précise l’architecte. Il y a, sans aucun doute, une référence à l’atmosphère gustavienne.  » Ailleurs, tous les murs sont blancs, réalisés selon le processus dit du gracello. Ils ne sont pas peints mais enduits de chaux légèrement polie, puis lavée au savon de Marseille, ce qui confère à la surface un léger grain.  » Cet enduit très résistant, comme tant d’autres choses dans la maison, traduit une volonté de son propriétaire : vivre dans du durable, du solide.  » C’est sans doute pour cela que le mobilier semble lui aussi être entré dans l’intemporel. Dans le hall, sous une £uvre surréaliste du Belge Marcel Broodthaers, on trouve un banc de jardin d’Andrée Puttman. Les lampes sur pied du salon sont elles aussi éditées par Andrée Puttman. Dans la salle à manger, la table imposante de Jean-Michel Frank est entourée de sièges signés Mies van der Rohe, garnis de cuir blanc.

La collection du propriétaire, elle, comporte une série impressionnante de grands artistes de la seconde moitié du XXe siècle. Et elle ne cesse d’évoluer. Une des plus belles compositions est exposée dans le hall d’accès à la piscine couverte du sous-sol : un tableau bleu laqué de Olivier Mosset mis en contraste avec une sculpture rouge brillant en forme de coussin de Boy & Erik Stappaerts. Mais il y a aussi ce superbe tableau changeant, mariant la créativité de l’architecte et les merveilles de la nature : cette vue offerte depuis la chambre, où le sable s’accorde aux ciels gris ou bleu traversés des nuages du plat pays.

Texte et photos :

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