Bain de nature
Dans son jardin, un passionné d’écologie a définitivement tourné le dos à l’univers azuré et aseptisé des piscines classiques pour aménager un étang de natation biologique. Weekend vous invite à piquer une tête dans les eaux calmes d’un domaine à la beauté pure et intacte.
Perdu au milieu des champs et des prés, dans un paysage exempt de toute construction, un jardin entouré de haies basses abrite l’onde calme d’un étang en forme de U. Quelques petits détails indiquent cependant que cette pièce d’eau a une histoire singulière. En effet, une grande surface est envahie par un véritable tapis d’algues à l’apparence mousseuse. Et de l’autre côté d’une longue passerelle en bois, l’eau cristalline semble d’une grande pureté. En outre, on distingue quelques accessoires incongrus telles qu’un thermomètre flottant. Le long bassin se prolonge par un second, beaucoup plus petit, où croissent quelques plantes tels que des Carex, des Euphorbia palustris, des Mimulus luteus et, sur les bords, des Lysimachia nummularia. Toutes poussent les pieds dans l’eau, dans un substrat composé de petits cailloux de pierre de lave. Les deux étendues d’eau communiquent entre elles par le biais d’un petit passage à gué. Ensemble, elles constituent une magnifique machine biologique et aquatique pourvoyant à l’entretien d’une piscine écologique.
Lode Bourez, le maître des lieux, est un passionné de faune et plus particulièrement d’ornithologie. Très tôt, il s’inscrit à une association de découverte de la nature et participe à de nombreuses activités. Il entame sa carrière estudiantine par des études d’horticulture et c’est à ce moment-là qu’un professeur le sensibilise à la biodynamie, une forme d’agriculture qui favorise l’harmonie entre la culture et son environnement. Après une spécialisation en agriculture à la Warmonder Hof, une école hollandaise réputée, il revient en Belgique pour travailler dans l’affaire familiale de confection pour dames. Mais son intérêt pour l’écologie de terrain reste toujours aussi marqué. » Je me suis préoccupé pour la première fois d’épuration des eaux par les plantes voici dix ans, lors de la construction de ma maison. Plus prosaïquement, mon terrain n’était tout simplement pas relié au réseau d’égout. «
Pour pallier cet inconvénient, Lode Bourez décide d’installer un système de filtration naturelle d’une simplicité déconcertante. Toutes les eaux résiduaires transitent par un puits dans lequel les matières organiques sont broyées, pour être dirigées ensuite vers deux petites parcelles de roseaux. » La pompe se met en route chaque fois qu’un volume de 100 litres est atteint. Le liquide à épurer est déversé dans une des parcelles. Après une semaine, on change de parcelle, pour revenir après à la première et ainsi de suite pendant quarante ans. » Cette première étape nourrit la biomasse et produit un compost. L’eau se déverse ensuite en mince filet dans un autre périmètre, semblable à celui qui jouxte la piscine, composé de galets de lave et d’un vaste assortiment de plantes. L’ensemble de l’installation occupe 7 m2 par équivalent habitant, soit 35 m2 pour une famille de 5 personnes. Outre la magie de l’eau claire qui s’écoule dans un grand étang à la fin du processus, on est aussi agréablement surpris par l’absence d’odeur désagréable alors que l’installation jouxte directement l’habitation. » En fait, cette méthode d’origine allemande appelée Pure, préconise de traiter immédiatement les eaux usées, avant que les matières n’entrent en décomposition. «
Son projet à peine installé, Lode Bourez acquiert la licence d’exploitation pour la Belgique et se consacre à cette activité innovante. C’est un de ses clients qui lui lance alors le défi des piscines écologiques. » Il m’a dit que si ce procédé pouvait venir à bout des déchets humains, ce ne serait pas trop compliqué d’épurer les eaux d’une piscine, qui doit supporter des charges organiques bien moins fortes. » Qu’on ne se méprenne pas, la piscine » naturelle » n’est pas un simple étang, creusé à la va-vite et entouré de roseaux. C’est un espace clos et hermétique, qui permet d’éviter l’influence des différences de niveau de la nappe phréatique et d’éluder les problèmes d’infiltration des engrais venus des terres de cultures voisines, synonymes de prolifération d’algues. Le choix de l’emplacement est également fondamental. Pour que les plantes aquatiques se développent bien et que la photosynthèse se déroule dans d’excellentes conditions, elles doivent se trouver en plein soleil.
Une fois la cavité creusée, elle est ceinte d’une ossature réalisée en pieux d’azobe, un bois exotique très résistant à l’humidité. Ensuite, on y applique une couverture de consolidation en matériau plastique issu du recyclage. Ce n’est qu’à ce stade-là que l’on pose la paroi finale en caoutchouc de couleur foncée. » Si le bleu azur et d’autres couleurs vives semblent convenir pour les climats chauds et méditerranéens, ces fonds de piscines apportent une note tonitruante qui sied mal à notre environnement. «
Les plantes ont plusieurs fonctions essentielles : leur réseau de racines fines forme un coussin épais qui agit comme un filtre. Ce milieu est également propice au développement des bactéries qui assurent la dégradation des matières organiques. Enfin, d’autres plantes, comme Acorus calamus, par exemple, contribuent à détruire les microbes et bactéries responsables de maladies ou d’infections telles que la salmonelle ou les streptocoques.
Les piscines naturelles de Lode Bourez ne se contentent pas d’être belles, elles offrent également de nombreux avantages par rapport à leurs versions » chlorées « . » Non seulement la qualité chimique de l’eau est exemplaire, conclut-il mais, en outre, elle a bon goût et il ne faut plus redouter de boire la tasse. «
Carnet d’adresses en page 117.
Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel
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