Elle a fait découvrir la créatrice Diane von Furstenberg sur sa terre natale. Avec Greta Marta Halfin, tout est affaire de famille. Et d’art.

Avec elle, on ne s’ennuie pas, jamais. Greta Marta Halfin a le sens du récit cash l’air de ne pas y toucher, des souvenirs non datés et un petit sourire en coin qui rend soudain la vie plus légère, voire drôle. Elle ne fait pas dans l’à-peu-près, la perfection, c’est son truc, un chat un chat, son langage. Puisque la rue du Grand Cerf, à Bruxelles, où elle a planté sa boutique Diane von Furstenberg est  » un peu dead-end « , elle a décidé de la booster en y installant juste en face son  » project store  » qu’elle compte chambouler tous les trois mois. Greta Marta aime la nouveauté, non pas parce qu’elle s’ennuie vite, elle n’en a guère le temps. Avec deux autres DvF store, prononcez à l’anglaise, à Anvers et à Knokke, elle est tenue aux allers-retours, ce qui lui permet d’asséner :  » Je suis une romanichelle.  » À elle, les livraisons, le stock entassé dans le coffre de sa voiture,  » je ne peux pas me permettre une camionnette, je suis une petite affaire parmi les big brands « . Ne vous étonnez pas si elle prétend être  » dans une secte  » :  » Je parle tout le temps de DvF, j’accapare tout le monde avec ça, j’en rêve même.  » Quand on entre chez Diane, c’est comme en religion. Surtout si l’on est sa belle-s£ur, soit la femme d’un homme qui est le frère de la reine de la wrap dress, à quoi tient le destin…

La biographie linéaire n’a pas d’intérêt, avec Greta Marta, pas la peine d’essayer. On retiendra dans un ordre approximatif l’atelier de sérigraphie de son enfance, rue Van Schoor, les odeurs de peinture et de white-spirit, la mère à la caisse,  » une vraie businesswoman qui avait les pieds sur terre « , le père, Richard Vander Putten,  » l’un des plus grands sérigraphes au monde  » et l’adoration pour son univers, sa patience. Puis les écoles de bonnes s£urs où elle  » crève « , l’éducation catholique qui laisse des traces douloureuses dont elle se dépatouille comme elle peut. Des études d’hôtellerie, ensuite, où on la bombarde au décor et à la mise en place, elle aime ça, des cours et un concours d’hôtesse à Monaco remporté haut la main et toujours ce rêve d’ouvrir un hôtel, à défaut d’être une artiste. Son père dira non, Greta vendra donc des copieuses Rank Xerox, elle a 21 ans, c’était il y a quarante ans, elle est la seule femme dans un monde de machos qui font du porte-à-porte, apprend  » beaucoup « , se vend  » très cher « , en est fière, plaît aux chasseurs de têtes, poursuit sa route chez Lapidus, La Gaminerie, Apostrophe, comme une répétition.

En 2002, après une poignée d’années sabbatiques pour élever ses deux filles, elle ouvre une petite boutique de coups de c£ur rue de l’Aqueduc, à Ixelles. Elle qui déteste ses prénoms les affiche sur la devanture, Greta Garbo est passée par là, s’estompe également le souvenir du pire cadeau jamais reçu, cette gourmette offerte par sa mère sur laquelle elle avait fait graver Greta Marta. Tout cela – le lettrage sur la devanture, l’affirmation de soi – sonne  » comme une thérapie « . Elle se lance avec  » très peu de moyens « ,  » un mari qui n’y croit pas  » et assez vite, quelques pièces de Diane von Furstenberg, que personne ne connaît alors,  » si ce n’est quelques grands-mères  » qui l’avaient portée quand elles étaient jeunes… Les choses ont bien changé depuis. DvF, plus phoenix que jamais, a eu son Jour d’avant, documentaire culte en matière de mode, son siège de présidente du Council of Fashion Designers of America, vu son empire s’étendre et sa robe désormais mythique entrer dans les musées.

Greta Marta a beau être grande prêtresse DvF, il lui reste un peu d’espace et de temps pour entretenir son jardin pas tout à fait secret – l’art contemporain, de préférence conceptuel. Elle collectionne,  » un tout petit peu « , suit plus ou moins assidûment et depuis quinze ans des cours d’histoire de l’art, visite des ateliers d’artistes, des collections privées dans le monde entier, achète chez son amie galeriste Greta Meert mais  » pas cher  » et  » au début de leur histoire  » les artistes qu’elle aime, Thomas Struth, Louise Lawler, Carl André. Sa manière à elle de s’entourer d’ondes positives, car avec le temps, Greta Marta a appris  » à mieux se connaître « ,  » à mieux s’aimer « , à savoir ce qu’elle  » ne veut plus « , elle peut devenir bouddhiste.

Carnet d’adresses en page 64.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » JE RÊVE DVF. « 

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