Ce pays du vaudou où cohabitent 46 ethnies possède une architecture, une culture et des traditions ancestrales peu banales. On peut également y apercevoir des animaux sauvages en toute sérénité. Vous avez dit Bénin ?

Ils sont alignés comme des livres soigneusement rangés dans une bibliothèque. Répartis par couleurs, par années, par motifs. Deux étages entiers du vaste bâtiment blanc au milieu du marché de Dantokpa, lui sont dédiés. Au Bénin, comme dans d’autres pays africains, le pagne, c’est sacré ! Sa valeur est telle que certaines familles les conservent dans des coffres à la banque, en guise d’héritage pour leurs enfants. Parmi cet arc-en-ciel de tissus imprimés à la cire, les femmes prennent le thé, se font poser des postiches ou tresser des nattes, avec une infinie patience ponctuée de nombreux éclats de rire. Au rez-de-chaussée, des bijoux de pacotille attendent les acheteuses. Un petit monde en soi, géré par celles que l’on appelle ici les  » nanas-benz « , en référence aux grosses voitures que ces vendeuses de tissus africains bariolés conduisent fièrement en ville.

A l’extérieur du bâtiment tout blanc, le soleil tape dur sur les fruits et légumes qui côtoient des étals de menus gadgets et un impressionnant périmètre de marchandise réservé aux pratiques vaudoues. Crânes d’animaux, pattes de lièvres ou herbes sont vendus sur  » prescription  » des sorciers. Le vaudou demeure une pratique vivante au Bénin. Mais contrairement à la vision que l’on s’en fait en Occident, il n’est pas systématiquement associé à la magie noire ou à des pratiques occultes. Il recèle même une dimension spirituelle. Signifiant  » culte des esprits  » en langue fon, il s’apparente à de l’animisme. Dans cette conception polythéiste de l’univers, les dieux-esprits, nommés  » Lwas « , se retrouvent dans chaque chose. Un nombre infini de divinités est associé aux forces de la nature comme le tonnerre, le feu ou encore l’eau. Les Béninois sollicitent à tout bout de champ ces divinités et les ancêtres pour s’attirer chance et succès ou pour obtenir leur protection. Des traditions qui se sont transmises jusqu’à Cuba, Haïti et au Brésil, où elles ont débarqué en même temps que les esclaves.

Mystérieux royaume d’Abomey

A une trentaine de kilomètres de Cotonou, la capitale économique, Ganvier, appelée aussi la Venise de l’Afrique, offre une véritable bouffée d’air frais. Sa lagune sinue joliment au travers des villages lacustres implantés ici et là sur le lac Nokoué. Habités par 40 000 personnes, principalement des pêcheurs appelés Toffinou (habitants de l’eau), leurs maisons sur pilotis témoignent d’un mode de vie particulier. Ici, tout se fait en pirogue : que ce soit pour aller à l’école, à l’église, chez ses proches et même pour faire ses courses, la vie se déroule toujours au fil de l’eau. Les embarcations tiennent parfois du magasin ambulant ; le commerçant venant à la rencontre des clients pour vendre fruits et légumes, poissons et autres biens de première nécessité. Quand le vent souffle un peu, les pirogues déploient alors leurs voiles blanches, formant un tableau tout simplement sublime.

150 kilomètres plus loin se situe Abomey, l’ancienne capitale du Bénin. Dès les premières lueurs de l’aube, c’est tout un cinéma auditif qui se met en route. Ânes, coqs et oiseaux se lancent alors dans un concert cacophonique, bientôt rejoints par la radio des habitants et le bruit des mobylettes qui pétaradent dans la rue principale.

Au XVIIIe siècle, la puissance du royaume d’Abomey s’étendait jusqu’à l’Atlantique. Une légende veut que les dynasties royales seraient nées d’un couple mythique formé par la princesse Aligbonon de Tado, originaire du Togo, et d’une panthèreà On y conte aussi la présence d’amazones mises au service de la royauté. Sans merci, elles décimaient les ennemis du royaume, au péril de leurs vies.

Aujourd’hui, les descendants royaux n’ont plus qu’un pouvoir local, mais ces notables jouissent toujours du respect de la population. A Abomey, un musée a ouvert ses portes en 1943, en lieu et place du palais des rois Guézo et Glèlè. Le site, aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, a été revalorisé pour devenir l’un des hauts lieux du tourisme béninois. On y découvre une série de petites habitations disposées autour d’une grande cour. Certaines sont décorées de bas-reliefs, dont les symboles constituaient jadis de véritables moyens de communication codifiés. Point culminant de la visite : la case où est enterré le dernier roi. Son lit y est toujours présent, au cas où son âme souhaiterait venir s’y reposerà Tous les cinq jours, ses descendants viennent déposer de la nourriture à son intention.

En sortant du palais, une petite mosquée flanquée de deux minarets atteste du mélange religieux qui caractérise le Bénin. A une centaine de mètres de là, une église en briques rouges, aux accents vaguement baroques, domine le panorama de la ville. Tout autour, hormis la rue principale, les sentiers de terre serpentent au travers du marché et des petites habitations basses. Au Maquis, le petit restaurant local où l’on sert de la  » pâte « , le plat national préparé à partir d’igname, de manioc ou de maïs, accompagné d’une sauce à la viande, les tables accueillent les premiers clients dans une douce atmosphère bercée de mélopées africaines.

De la Gaani aux Tata-Somba

Prochaine étape en musique à Djougou. Situé à près de 500 kilomètres de Cotonou, cet ancien carrefour caravanier possède aujourd’hui encore une petite activité commerciale. Creuset des peuples Yoa, Dendi, Peulh et Pila-Pila, Djougou accueille aussi l’un des événements les plus importants du pays : la fête de la Gaani (joie), qui est aussi celle des cavaliers. Durant trois jours, ces derniers se lancent dans des courses endiablées à travers les rues de la petite cité. Ici encore la population à majorité musulmane perpétue un rite animiste, où la danse et la musique se mêlent au football et aux performances des chevaux. A l’occasion de cette cérémonie tribale que l’on fête aussi à Nikki, les différents clans revêtent leurs tenues traditionnelles et maquillent leurs visages de dessins symboliques. Les femmes sortent leurs plus beaux boubous et les notables, leurs tenues extravagantes, qui permettent de les repérer de loin.

En remontant vers le nord, les paysages revêtent peu à peu des couleurs sable, entrecoupés de forêts de brousse sèche d’où émergent de majestueux baobas. Nous sommes en pays Somba, une population établie autour de la chaîne de l’Atacora. Cette ethnie a développé un style d’habitat propre à la région : les tata, des cases en pisé couvertes d’un toit de chaume. Certaines sont regroupées en concessions et forment des sortes de petites fermes fortifiées qui protégeaient autrefois leurs habitants des assauts ennemis. Devant les habitations, des monticules de terre représentant des fétiches, servent d’autel pour les sacrifices ou pour offrir à manger aux ancêtres.

Une halte s’impose à Manta où l’on trouve un bel exemple d’église fortifiée. Ces villages d’un esthétisme naturel et épuré se marient harmonieusement à la terre rouge de la région. Bientôt apparaissent les limites du parc de la Pendjari. Autrefois zone de chasse réservée à l’administration coloniale, il est aujourd’hui classé comme réserve de la biosphère et fait partie des grandes aires protégées de l’Afrique de l’Ouest. Cette politique de préservation a permis à la faune sauvage de se développer. C’est particulièrement le cas du guépard, emblème du parc, qui ne peut survivre qu’au sein d’un environnement serein et protégé. Avec un peu de chance et de patience, l’on pourra aussi apercevoir des lions, des éléphants et plus rarement, un léopard. Ici, le temps semble s’écouler lentement, loin de la foule des touristes en 4×4, venus bruyamment voir les animaux sauvages. Encore loin des sentiers battus, le doux pays du Bénin révèle bien des surprises et des émotions authentiques.

Par Sandra Evrard

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content