Ce graphiste de 32 ans qui manie l’aplat avec inspiration fait carton plein avec Paris vs New York. Un livre d’illustrations en forme d’hommage aux deux métropoles tout en non-dits… mais qui en dit beaucoup. No comment ?

S i l’on vous dit New York, à quoi pensez-vous ? Woody ou sandwich pastrami ? Et Paris ? Amélie ou aéroport d’Orly ? À moins que ce ne soit Karl L. (rue Cambon) versus Marc J. (Bleecker Street) ? C’est en se prêtant à un match graphique qui oppose les deux métropoles et leurs icônes respectives que Vahram Muratyan, 32 ans, s’est fait connaître cet hiver du monde de l’édition et tout simplement de la profession. Son ouvrage-hommage-clin d’£il publié chez 10/18 s’est déjà vendu à plus de 50 000 exemplaires. Quand le géant américain Penguin, qui commercialise depuis peu le livre, lui transmettra les premiers relevés de vente, l’auteur aura sans doute toutes les raisons de se réjouir tant son approche semble universelle et sa légèreté dans l’air du temps. Il s’adonne à l’aplat et au sous-titre ultrabref plutôt qu’au long discours. À la manière de ce portrait croisé de Sonia Rykiel et Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue US, définies sur deux cases a minima par leur seule identité capillaire. Pour cet exercice du  » split screen  » franco-américain, Muratyan pratique la libre association d’idées. Enfin, libre, pas tout à fait…  » La seule limite que je me suis fixée, c’est la politique et l’actualité. Avec l’affaire DSK, c’était sans doute tentant mais je voulais vraiment rester en dehors de tout cela et conserver une certaine neutralité.  »

Ses dessins silhouettés, qui rappellent les génériques de Saul Bass ou l’intro de Mad Men, ont été initiés il y a un an et demi sur le Net avant d’atterrir dans les librairies. Destiné au départ à ses proches, son blog rassemblera au final 3 millions de fans. De quoi booster la trajectoire du jeune illustrateur au nom de maharadjah.  » On croit souvent que je suis indien « , s’amuse-t-il. Il est né et a grandi en réalité près de Paris, à Saint-Germain-en-Laye. Il devait s’appeler Victor mais ses parents, arméniens avant de devenir français, ont finalement opté pour Vahram,  » qui signifie « pluie » en perse « . Son attirance pour Big Apple et toute forme de transport au long cours remonte à la petite enfance. Grâce à une mère quadrilingue, cadre à la TWA. L’ancienne compagnie aérienne américaine permet alors régulièrement à la famille Muratyan d’embarquer pour l’ailleurs. La côte est des États-Unis mais aussi Istanbul –  » autre métropole grouillante fascinante  » – que le garçon connaît bien, attaches familiales oblige. Les voyages intérieurs achèveront son goût pour les terres lointaines et urbaines. Un de ses premiers flashs sera Paris, Texas, le road-movie hypercoloré de Wim Wenders, qu’il découvre enfant par petits morceaux à la télé.  » Le plan des échangeurs d’autoroutes qui se croisent dans un entrelacs magnifique, ça ne s’oublie pas.  » Et de citer, toujours dans le même film, les vues de Houston, découpé par le cadre d’une fenêtre de chambre d’hôtel. Des visions nettes, sans bavure, parfaitement composées et sans dialogues : tout ce qu’il aime. Ce sens de la concision esthétique, Vahram le doit aussi à son père qui a travaillé dans la pub et l’a toujours aidé à se débarrasser du superflu.

Le succès de Paris vs New York l’oblige à refuser une succession de propositions dont la moitié sont des plates déclinaisons de son best-seller mais aussi en accepter d’autres. Depuis janvier dernier, il collabore au supplément hebdomadaire du journal Le Monde pour une rubrique graphique qui s’appelle  » La ville est belle « . Une pleine page pour épingler avec élégance nos petites pratiques socioculturelles  » qui sont souvent prévisibles « . Et en tant qu’habitant du IIIe arrondissement parisien, fief bobo revendiqué, Vahram sait de quoi il parle…  » Ici, c’est la Fashion Week en permanence.  » No comment.

PAR ANTOINE MORENO

 » ICI, C’EST LA FASHION WEEK EN PERMANENCE. « 

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