Fendi, Armani, Trussardi, Versace ou Missoni.

Elles ont pour patronymes les plus grands noms de la mode

italienne et pour patrimoine une sacrée dose de créativité.

Rencontre avec des jeunes filles bien nées.Chez les Fendi, les rênes de l’entreprise se transmettent de mère en fille depuis trois générations. Mais si Silvia, petite-fille d’Adèle et Edoardo, dirige aujourd’hui les lignes Homme et Accessoires de la griffe fondée par ses grands-parents en 1925, sa fille Delfina n’emprunte pas la voie familiale. Une sorte de défi qu’elle s’est fixé :  » Travailler avec sa mère, c’est un peu étrange, non ? Aux yeux des autres, un peu comme si on ne travaillait pas vraiment ! J’ai toujours voulu tracer mon propre chemin.  » Elle s’empresse d’ajouter qu’à Rome, sa ville, fief de la griffe Fendi,  » je n’utilise jamais le nom de ma mère « . Ici, c’est Delfina Delettrez, du nom de son Français de père, joaillier connu sur la très parisienne place Vendôme mais – relativement – anonyme dans la Ville éternelle.

Sans s’éloigner des routes balisées de la création, la jeune femme a préféré prendre les sentiers de traverse. A l’arrivée, et presque malgré elle, elle se retrouve pourtant à exercer un métier à la croisée de ceux de ses parents.  » Je crée des bijoux mais des bijoux fashion, parce que je suis sensible à la mode, résume-t-elle dans un sourire. Il faut dire que, depuis toute petite, partout où je pose le regard, elle s’impose à moi. « 

Il y a deux ans, et après un passage éclair par des cours d’art dramatique, la jeune femme a en effet lancé sa propre ligne de bijoux insolites, mêlant les pierres et métaux précieux au bois, à l’os ou au marbre.  » C’est vraiment quelque chose qui m’appartient, qui relève de mon univers et pas de celui de mon père ou de ma mère « , insiste-t-elle. Ce qui n’empêche pas les collections de Delfina Fendi de se nourrir de souvenirs personnels, dont ceux qu’elle a retenus de son enfance à La Canonica, la demeure familiale où elle passait ses vacances au sein de la tribu Fendi.  » Dans mes bagues ou boucles d’oreille, on retrouve souvent la tête de mort, explique la jeune femme. C’est à la fois une référence à la crypte de La Canonica, au sujet de laquelle ma grand-mère me racontait des histoires effrayantes, et un clin d’£il ironique à la mode, qui, ces dernières années, a fait de la tête de mort un emblème.  » Paradoxe du lourd héritage, que l’on trouve parfois encombrant tout en le chérissant, mais qui finit toujours par vous rattraperà

Une proximité parfois difficile

Roberta Armani est aujourd’hui en charge de la communication pour la griffe fondée par son oncle Giorgio. Adolescente, elle aussi rêvait pourtant de devenir actrice.  » Une carrière que je concevais comme le meilleur moyen d’exprimer mes émotions. Mais mon destin était dans la société, j’ai donc abandonné cette voie. Les premières années ont été dures, se souvient-elle, parce que mon oncle a tellement de pouvoir, prend tellement de place. Mais, aujourd’hui, j’ai trouvé ma voie personnelle au sein de la maison. « 

Silvana, la s£ur de Roberta, est elle aussi un rouage central de la machine de mode Armani. D’abord mannequin pour la griffe principale, puis apprentie styliste, elle s’est impliquée dès 1980 dans le lancement d’Emporio, la seconde ligne du groupe, pour en assurer aujourd’hui la direction artistique, aux côtés du maestro.  » Travailler avec des proches peut parfois générer de petites frictions, convient Silvana Armani, d’autant qu’on est souvent plus exigeant avec eux qu’avec les autres membres de l’équipe. Mais en même temps, la connaissance mutuelle, profonde et quasi instinctive que nous partageons du caractère de l’autre est vraiment un avantage. On se comprend sans même se parler, et on peut anticiper les problèmes. « 

La styliste reconnaît vouer une admiration sans bornes à son oncle  » pour son talent, son enthousiasme, sa capacité à imaginer, créer et imposer un style moderne et différent de la grande majorité des stéréotypes récurrents en mode. Et aussi pour l’énergie sans faille qu’il met dans un, dix, cent jobs à la fois, tous menés à bien. J’ai énormément appris avec lui, et notamment à être toujours réceptive aux nouveaux stimuli autour de moi. Et s’il lui arrive d’être un peu brusque, la profonde affection qui nous lie fait que l’on passe toujours au-dessus des mots durs. « 

Voler de ses propres ailes, mais pas trop loin

La maison Trussardi fait partie de ces labels italiens qui ont opéré une reconversion réussie vers la mode : récemment, la manufacture de gants fondée en 1911 a célébré ses 25 ans de prêt-à-porter et de création d’accessoires. Ici aussi, c’est une jeune et belle héritière qui assure désormais la direction artistique du label, à la suite de ses parents. Mais avant de s’impliquer dans l’entreprise familiale, Gaïa Trussardi a conquis de sérieux diplômes en anthropologie et en sociologie. Un peu comme s’il fallait se prouver, avant tout à soi-même, que l’on peut voler de ses propres ailes.

C’est également ce qu’a fait Francesca Versace, la nièce de Gianni et Donatella. Passionnée de mode depuis toujours – elle dessine des collections depuis qu’elle est en âge de tenir un crayon -, la jeune femme aurait pu intégrer le bureau de style de la griffe sans même passer la case  » entretien d’embauche « . Elle a pourtant préféré s’inscrire au prestigieux Central Saint Martins College de Londres, dont elle est sortie diplômée en 2006. Il y a un an, durant la semaine parisienne des défilés, elle a présenté une collection capsule pour la ligne All Dressed Up sous le nom deà Francesca V.

 » Il y a des avantages et des inconvénients à porter un nom célèbre. Mais je ne me plaindrai jamais d’avoir une histoire familiale aussi merveilleuse « , convient sans faux semblants Margherita Missoni, 25 ans. Fille d’Angela – l’actuelle directrice artistique de la ligne Femme de Missoni -, Margherita est le visage de la campagne du label fondé par ses grands-parents, Ottavio et Rosita. En 2006, elle prend également part à l’élaboration d’Acqua, le premier parfum de la marque, en collaboration avec l’équipe d’Estée Lauder. La même année, Rosita, Angela et Margherita, les trois générations de femmes Missoni, reçoivent d’ailleurs le  » Glamour Women of the Year Award  » décerné par le magazine américain Glamour. En parallèle, elle étudie le théâtre à New York et sera sur les planches dès ce mois de septembre en Italie.  » De l’extérieur, il est vrai qu’on peut interpréter mon intérêt pour l’art dramatique comme une volonté de m’émanciper, reconnait Margherita Missoni. Mais, de mon point de vue personnel, je n’intellectualise pas mes choix. Si j’ai voulu devenir actrice, c’est tout simplement parce que j’aime jouer la comédie.  » Et quand on lui demande si elle compte s’impliquer davantage dans l’entreprise familiale, la réponse fuse :  » Mon avenir n’est pas encore écrit. Pour le moment, professionnellement, je me concentre sur d’autres projets créatifs qui m’amusent. Mais je suis consciente de la chance que j’ai d’être très proche de mes parents et de mes oncles. Travailler tous ensemble, dans un but commun, c’est extrêmement enrichissant.  » En Italie, la famille, c’est sacré.

Delphine Kindermans (avec I. W)

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