Oubliez les pots tristounets, les textures désagréables, les parfums rebutants. Les nouvelles lignes de soins écologiques sont aujourd’hui 100 % glamour. Et séduisent plus de fashion addicts que de hippies.

Et si le dernier snobisme beauté venait du bio ? Il est vrai que les lignes de soin  » vertes  » n’ont pas éclot hier. Mais celles-ci connaissent depuis deux ans un succès florissant, lié sans doute à une réorientation nettement plus glamour. De Doux Me à Jatamansi, première ligne bio de L’Artisan parfumeur, en passant par Care, Ren, Aromatherapy Associates ou Erbaviva, les rayons des parfumeries regorgent aujourd’hui de gammes écolo chic. Celles-ci ciblent un très large public, au premier rang duquel on trouve les consommateurs à l’affût des dernières tendances. A la base de cet engouement, une émission diffusée par la télévision française, mettant en garde contre les dangers des parabènes, ces conservateurs que l’on retrouve dans la plupart des produits de soin.  » Je venais d’ouvrir Cosmeticary, se souvient Jean Rausin, propriétaire de cette parfumerie spécialisée dans les gammes exclusives et bio chic du quartier Dansaert, à Bruxelles. Des clientes sont entrées chez nous complètement paniquées. Elles ne savaient plus vers quels produits se tourner.  »

Pavé dans la mare tranquille des cosmétiques, le reportage a, par la suite, été décrié par certains spécialistes. Il établissait, selon eux, une corrélation directe entre la présence de parabènes dans des déodorants et dans des prélèvements de tissus mammaires cancéreux.  » Or, ces conservateurs sont présents aussi dans notre alimentation, dans les shampoings, etc. Dire que l’usage d’un déodorant ou d’une crème qui en contient provoque un cancer était un raccourci dangereux « , précise Caroline Wachsmuth, qui, en 2002, a lancé avec succès Doux Me, la marque bio branchée.

Info ou intox, peu importe. L’attention était dès lors focalisée sur les risques que peut engendrer un geste aussi innocent que se mettre de la crème sur le visage ou le corps. Dans le doute, beaucoup de femmes se sont mises en quête d’alternatives à la cosmétique classique.  » La peau est l’organe le plus vaste de notre corps, explique Claudia Chantal Zackariya, fondatrice du Serendip Spa et diplômée en herboristerie. Le simple bon sens indique qu’on ne doit pas y mettre de substances dont on ne voudrait pas dans la bouche.  » Fervent défenseur de la planète et amatrice de soins haut de gamme, la jeune femme s’est laissée guider par ces deux principes pour créer, il y a un peu plus d’un an, son centre de bien-être à Bruxelles. Elle y propose des massages basés sur les techniques ancestrales asiatiques, indiennes ou aborigènes, des tisanes naturelles et quatre gammes de soins bio ultrachics.  » Avant, ces produits avaient une connotation « home made » qui pouvait rebuter les gens, confirme Claudia Chantal Zackariya. Maintenant que les textures, les odeurs et le packaging ont évolué, ils n’éprouvent plus cette répulsion. S’il faut passer par un côté trendy et « luxe » pour amener les clients à dépasser leurs préjugés et découvrir les bienfaits des plantes, des pierres et de la nature, pourquoi pas ?  »

Les géants du luxe s’y mettent

 » Le succès du bio correspond à une évolution générale de nos comportements, qui s’accélère avec le sentiment que la planète est en danger, reprend Caroline Wachsmuth. On devient de plus en plus conscients des menaces pour notre santé, et donc on cherche à se procurer des produits de plus en plus sûrs, de plus en plus purs.  » Si on ajoute à ces craintes la belle pub faite par Jennifer Aniston, Gwyneth Paltrow ou Madonna lorsqu’elles avouent fièrement utiliser des soins bio comme Dr Hauschka, tous les ingrédients de la success story sont réunis. Stella McCartney, écolo de la première heure, va un pas plus loin encore que ses copines people en lançant, en mars dernier, Care, sa propre ligne de produits de beauté labellisée Ecorcert ( lire aussi Weekend Le Vif/L’Express du 23 février dernier). Une gamme pur luxe, tant dans les produits que dans leur packaging et leur prix, mais sans compromis sur le fond : pas de parabènes ni de silicones, pas d’OGM, pas de tests sur les animaux…

Derrière ce lancement très médiatisé : le groupe Yves Saint Laurent Beauté. Avec une croissance annuelle de 9 %, la cosmétique bio suscite en effet un vif intérêt auprès des géants du luxe. Ainsi, Clarins a racheté la marque Kibio, Estée Lauder a acquis Aveda et L’Oréal s’est offert Sanoflore. Sans rien dévoiler pour le moment, tous ces groupes travaillent aussi très activement au développement de ce nouveau pôle florissant de la beauté, avec probablement des lancements de nouvelles gammes dans un avenir tout proche.

Il faut dire qu’en sortant du ghetto baba-écolo, la cosméto naturelle voit aussi sa clientèle s’étoffer très largement, avec à la clé un grand enjeu économique.  » On assiste à un réel changement de mentalités, confirme Jean Rausin. A côté des « bioactivistes », de plus en plus de clients arrivent aux produits écologiques parce qu’ils ont peur des allergies, parce qu’ils sont en quête de nouveauté ou tout simplement parce qu’ils recherchent un service plus personnalisé qu’en parfumerie traditionnelle.  » Il y a quelques années encore, acheter des soins  » verts  » s’inscrivait dans une démarche écolo globale. Aujourd’hui, le marché se répartit à parts égales entre ces consommateurs-là et les fashionistas séduites par un concept à la mode. Une récente enquête parue dans  » Le Quotidien du pharmacien  » (1) indique ainsi que 54 % des femmes privilégient les produits à base de plantes et que 87 % d’entre elles seraient prêtes à remplacer leurs cosmétiques habituels par des soins bio.

Un marché à deux vitesses

Reste quelques obstacles à l’expansion spectaculaire du marché, sortes de  » maladies de jeunesse  » liées à sa récente émergence. Parmi ceux-ci, les doutes encore émis par certains sur la stabilité de ces produits et sur leur efficacité.  » Il faut savoir ce qu’on cherche, précise Jean Rausin. Si on veut un résultat spectaculaire immédiat, ce n’est pas vers les lignes écologiques qu’il faut se tourner. Ces soins misent sur une efficacité à plus long terme. Mais, corollaire de cet inconvénient, ils sont, à la longue, moins néfastes pour la peau.  »

Par ailleurs, le public, confronté à une terminologie floue, éprouve des difficultés à s’y retrouver dans le capharnaüm des produits écologiques, éthiques, équitables ou naturels.  » Or, une crème peut avoir été préparée de manière éthique mais contenir des éléments chimiques, et une gamme bio peut ne contenir que des ingrédients naturels mais n’avoir pas été élaborée dans des conditions équitables « , insiste Claudia Chantal Zackariya. Et le manque d’uniformité dans les labels ne fait qu’ajouter à la confusion. A ce jour, il n’existe en effet pas de certification internationale  » bio « . Dans ce domaine, chaque pays applique ses propres critères.

Pour Caroline Wachsmuth, qui a lancé en janvier dernier  » Les Ultradélicates « , seconde ligne de Doux Me après  » Aromatherapy « , ces petits handicaps ne devraient pas freiner le développement de la cosmétique écologique, qui dépasse largement le simple phénomène de mode.  » Je pense qu’on va à l’avenir assister au développement de deux marchés parallèles, comme ce fut le cas en matière d’alimentation. Auparavant, on disposait de quelques produits dans un marché traditionnel. Aujourd’hui, on trouve tout ce qu’on veut dans les magasins, et on peut vraiment se nourrir 100 % bio.  » Un avenir rose se profile donc pour la cosméto verte.

(1) Enquête Plante System/TNS Sofres parue dans  » Le Quotidien du pharmacien « , le 9 octobre 2006.

Delphine Kindermans

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