A la tête de l’agence BIG, qui prône une vision hédoniste du développement durable, le Danois a connu une ascension fulgurante. A l’instar de Rem Koolhaas ou Frank Gehry aujourd’hui, il sera incontestablement l’un des concepteurs incontournables des prochaines décennies.

1. IL A COMMENCÉ SA CARRIÈRE EN BELGIQUE

Bien qu’il n’y soit resté que quelques semaines, c’est chez nous que Bjarke Ingels a fait ses premiers pas, au sein de l’agence Plot qu’il créa avec un confrère franco-belge, Julien De Smedt, rencontré lors de stages chez le Néerlandais Rem Koolhaas. Très vite, les deux hommes décident de s’installer au Danemark, pour suivre notamment le dossier d’un immeuble de plus de deux cents logements, à Copenhague, qui fera la renommée de leur duo. Le bureau grandit à toute allure mais les partenaires finissent par se séparer. Notre compatriote continuera à travailler en Scandinavie, dessinant notamment un tremplin de saut à ski en Norvège, avant de revenir en partie au plat pays, où il exerce en tant qu’architecte mais aussi designer. Le Danois, lui, poursuivra le chemin emprunté par Plot, remportant de nombreux concours aux quatre coins du globe sous un label qui affiche dès le départ son ambition,  » BIG  » pour Bjarke Ingels Group. A 40 ans, il est aujourd’hui à la tête d’une équipe de deux cents personnes et bosse dans près de vingt nations.  » Je réalise que mon atelier s’est métamorphosé et que je ne peux plus faire les choses comme avant, avoue celui qui affiche un invariable look décontracté et une tignasse ébouriffée. Il faut que je m’adapte et que je conçoive ma pratique différemment.  »

2. IL DÉFEND UNE VISION DIFFÉRENTE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Là où certains voient dans les contraintes écologiques actuelles un sacerdoce qui nécessite des réponses techniques avant tout, quitte à y sacrifier l’esthétique, le confort, le budget et surtout les possibilités de rendre la vie plus agréable dans le lieu, le fondateur de BIG revendique une approche  » hédoniste  » du développement durable. Il tente donc d’imaginer des projets écoresponsables certes, mais sans pour autant oublier les notions de plaisir et d’habitabilité qui vont de pair. Et de citer la centrale électrique que l’agence danoise construit actuellement à Copenhague :  » Ce sera l’une des plus propres au monde. Les fumées qui s’en échapperont seront non-toxiques. Si l’endroit bénéficie d’air purifié, pourquoi ne skierait-on pas sur son toit ? C’est ce que nous proposons. L’usine ne sera dès lors plus assimilée à une zone grise sur la carte de la ville et deviendra un site où les gens aimeront aller se balader, une véritable attraction.  »

3. IL SE DIT HÉRITIER DE DARWIN

Le créateur se plaît à faire un parallèle entre sa discipline et les théories de l’évolution de Charles Darwin.  » Je pense qu’elles expliquent comment l’architecture change au fil du temps. Au départ de chaque projet, dans notre bureau, mais aussi à l’échelle d’une ville par exemple, il y a trop d’idées, trop d’individualités et une sélection doit s’opérer. Seules certaines pistes survivent en fin de compte et donnent à leur tour naissance à d’autres réflexions « , affirme-t-il, faisant ainsi un parallèle avec les lois de la nature. Pour lui, de nouvelles  » espèces  » construites, au même titre qu’on parlerait d’êtres vivants, sont donc amenées à voir le jour dans le futur, comme sa centrale-piste de ski.  » Si nous avons énormément de succès dans notre métier, nous érigerons peut-être une cinquantaine de bâtiments dans notre vie. Mais si nous réussissons à développer une seule chose qui inspire d’autres personnes, ce sera le début d’une nouvelle espèce qui pourra évoluer et migrer, et nous aurons un impact bien plus durable sur la planète.  »

4. LE CLIMAT EST SA MUSE

Persuadé  » que c’est l’une des données à laquelle nous ne pourrons jamais échapper et que nous devons dès lors toujours prendre en considération « , Bjarke Ingels fait de la problématique du climat une priorité absolue. C’est pourquoi il publie ce printemps un livre présentant ses réalisations  » du chaud vers le froid « , c’est-à-dire classées en fonction des conditions météorologiques qu’elles subissent (*). Ce recueil passe ainsi d’un quartier général pour un groupe de médias au Moyen-Orient, fait d’un immense voile ombrageant les volumes dans ce climat désertique, ou d’une tour d’observation basée à Phoenix, à un village dédié au ski, en Finlande, ou à une galerie d’art, au Groenland…  » Pour ce bouquin, qui est lié à une expo présentée actuellement aux Etats-Unis, je me suis appuyé sur les recherches de Bernard Rudofsky (1905-1988) qui a écrit Architecture sans architectes : brève introduction à l’architecture spontanée. Il cherchait à comprendre comment les hommes de par le monde avaient de tous temps trouvé des manières d’utiliser les matériaux et techniques disponibles sur place pour répondre aux contraintes climatiques. On pense aux igloos qui ont une forme sphérique pour diminuer les surfaces de déperdition de chaleur, par exemple. La recherche qualitative d’antan en matière de forme a peu à peu été remplacée par des machines – éclairages électriques, ventilation mécanique, air-conditionné, etc. – qui font que tous les buildings sont désormais des boîtes containers. La diversité locale a laissé place à une modernité universelle et monotone. L’idée que l’on peut s’adapter à son environnement est un fil conducteur pour repenser nos villes, les nouvelles technologies restant utiles pour calculer et simuler les performances environnementales au stade de la conception.  »

(*) Hot to Cold, par BIG, Taschen, 712 pages. Exposition au National Building Museum, à Washington. www.nbm.org Jusqu’au 30 août prochain.

PAR FANNY BOUVRY

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