(1) designbrussels. Du 19 au 27 novembre prochain. Au Palais 6 de Brussels Expo (Heysel) et dans divers endroits du centre de Bruxelles. Internet : www.designbrussels.be

Le design roudoudou, et avec lui son cortège de couleurs acidulées et de courbes régressives, aurait-il fait son temps ? Le pouls de la création contemporaine semble en tout cas battre désormais au rythme de l’angle, de la ligne droite et de la forme géométrique. Comme si le voile ciselé et cotonneux que nous tendaient jusqu’ici les créateurs ne suffisait plus à dissimuler la réalité âpre et saillante qui se trame en arrière-plan. A moins bien sûr qu’on assiste juste à un de ces mouvements de balancier qui cadencent depuis la nuit des temps – modernes – le cycle des modes : un jour l’angle, le lendemain la courbe, et ainsi de suite. Qu’importe en fin de compte, d’essence sociologique ou dicté par les hoquets de l’histoire, le résultat est le même : l’austère ligne droite est en passe de supplanter la sensuelle ondulation sur le sismographe de la création.

Encore embryonnaire, ce courant d’air frais, bauhausien, a déjà son école : la  » conteneurisation « . Forme basique, sommaire, presque triviale, le conteneur tient lieu de nouveau totem. Détournée, rapiécée, triturée, désossée, cette métaphore métallique de la mondialisation et de son corollaire, la standardisation, interroge les designers et les architectes autant qu’ils l’interrogent. Ce n’est donc pas un hasard si la première édition de designbrussels (1), ce festival polymorphe qui se tiendra en marge de Cocoon, en a fait son fil conducteur. Diverses expositions y jetteront une lumière nouvelle sur ce  » hangar mobile « , un mode de transport, mais aussi de vie et de pensée.

Signe des temps, Rotterdam l’a d’ailleurs inscrit dans son patrimoine, comme en témoigne ce projet un peu fou de  » container city « , assemblage éclectique de logements dont la silhouette rappelle étrangement celle d’un cargo en provenance de Taïwan. Une application très carrée du principe de la  » beauté de la norme « …

Ce n’est pas non plus une coïncidence si au même moment, une société australienne, la Royal Wolf Containers, se lance dans la commercialisation d’habitations modulables articulées autour de conteneurs maritimes (de 8 250 euros pour le modèle de base avec kitchenette et douche à 82 500 euros pour la version haut de gamme combinant quatre éléments).

On pourrait encore épingler le regain d’intérêt pour les travaux de notre compatriote Luc Deleu, architecte plasticien iconoclaste qui empile depuis vingt ans les quadrilatères comme des blocs de Lego.

Comment interpréter cette mise en conserve à grande échelle ? Logique de formatage ? Recherche de pureté ? Velléités troglodytes ? Ou au contraire pied de nez à la postmodernité ? Chacun jugera, un £il rivé sur ce canapé bibendum si séduisant il y a encore un instant, et qui paraît tout d’un coup avoir pris un sérieux coup de vieux…

Laurent Raphaël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content