Premier roman de Charly Delwart, Circuit (Seuil) retrace l’aventure de Darius, pseudo-reporter pris au piège d’une  » machine à scoop  » qu’il a inventée. Interviews bidon, faux faits divers, actions terroristes montées de toutes pièces, tout est bon pour faire illusion. A la rédaction de la chaîne de télévision qu’il a intégrée par effraction, on lui fait confiance d’emblée, sans rien lui demander. Ni ses diplômes, ni son expérience. Ses compétences encore moins.

Sa mécanique est imparable, ses  » coups  » parfaitement réglés. Au fil de ses reportages, notre héros gagne des galons. Ses confrères viennent le consulter. Il a des contacts, des entrées, des exclusivités. Il est incontournable, s’érige en spécialiste. Plus les ficelles sont grosses, plus ses supercheries fonctionnent. Jusqu’au faux pas fatal.

Le récit est génial, l’intrigue trop belle pour être vraie. Et pourtant. Alors que Circuit fait la joie de la rentrée littéraire, la réalité vient de dépasser la fiction.

Depuis son arrivée à Washington en 2003, le journaliste français Alexis Debat, 35 ans, était considéré comme un expert en  » sécurité nationale et terrorisme « . Salarié par la chaîne de télévision ABC News, consulté par le Boston Herald, le Los Angeles Times ou Associated Press, Debat était aussi éditorialiste pour le Financial Times ou l’International Herald Tribune. Il était réputé pour ses interviews. D’éminentes personnalités américaines ont répondu à ses questions : Bill et Hillary Clinton, Alan Greenspan, Bill Gates ou Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants. Dernier entretien en date, celui du candidat à la primaire démocrate Barack Obama, d’ordinaire peu loquace avec la presse. L’article a été publié dans la très sérieuse revue francophone Politique Internationale. Problème : le sénateur Obama n’a jamais rencontré Alexis Debat. L’entretien est  » bidonné  » comme on dit dans le métier. Les autres aussi. De même que les diplômes d’Alexis Debat, sa thèse à la Sorbonne ou sa mission au ministère de la Défense à Paris. Ses expertises ne reposaient sur rien. Son expérience : du vent.

Tout était bluff, mensonge, mystification. Les médias les plus sérieux sont tombés dans le panneau. Ils s’en mordent les doigts. Aujourd’hui injoignable, l’imposteur a disparu. Reste la littérature.

(*) Chaque semaine, la journaliste et écrivain Isabelle Spaak (Prix Rossel 2004 pour son roman d’inspiration autobiographique Ça ne se fait pas, Editions des Equateurs) nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.

Isabelle Spaak

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