Avec érudition et drôlerie, Juliette Nothomb nous livre chaque semaine ses recettes, tours de main et réflexions culinaires. Tout un art, brodé à petits points avec un humour bien de famille.

Macaroni du désert… pas sec

A moins de n’y mettre que trois macaronis pour 1 litre de crème, plein de beurre et une avalanche de fromage, le macaroni au gratin, c’est souvent un peu sec. Pour remédier à cette fâcheuse tendance sans aggraver la facture calorique déjà aussi tragique qu’une plaie d’Egypte, je vous recommande de cuire les pâtes dans deux fois leur volume de lait. Ajoutez-y ensuite une béchamel très liquide qui, grâce à son peu de farine et la précuisson au lait, n’a pas besoin d’être trop riche en beurre. D’autant plus que vous y aurez, comme il se doit, mêlé une belle poignée de râpé. Par ailleurs, je vous déconseille l’ajout d’£ufs entiers qui vont bétonner l’ensemble à la cuisson. A la rigueur, juste 1 ou 2 jaunes pour la couleur et l’onctuosité. Dernier truc : pour obtenir une croûte spectaculaire pour laquelle tous vendront père, mère et même voiture, nappez votre appareil à gratin tiédi de 1 ou 2 blancs d’£uf battus à la fourchette afin de les casser, saupoudrez d’une couche uniforme de chapelure (5 mm) puis de râpé (1 cm) et enfournez. Vous obtiendrez une craquante montgolfière appétissante à souhait. Et, croyez-le ou non, malgré mon goût prononcé pour la surenchère, je vous dispense de chapeauter cette croûte des traditionnelles noisettes de beurre : plus mieux, ça est l’ennemi du bien (vieux proverbe égyptien).

LE GRATIN DE GIZEH

Un jour, une ambassadrice d’Egypte invita ma mère à déjeuner et lui promit, les yeux emplis d’une lueur de gourmandise et de fierté mêlées, de lui servir une rare spécialité du pays des Pharaons. Et ma mère de fantasmer ferme sur le régal qu’elle allait sous peu déguster. Seraient-ce des pyramides de sauterelles pochées à l’eau du Nil, des rondelles de nez de Sphinx en gelée ou encore du chacal à tête de faucon présenté de trois-quarts face sur son plat garni ? Tous les hiéroglyphes du menu dansaient dans les méandres de sa curiosité comme autant d’images d’Épinal – ou, en l’occurrence, d’Alexandrie. Le jour J arrivé, la descendante d’Hatshepsout fit apporter sur la table un plat fumant et chantonnant de… macaroni au gratin !

Loin de moi l’idée stupide de me moquer de la naïveté chauvine de l’aimable hôtesse ; car tout ceci, somme toute, prêche pour ma chapelle. En effet, tout comme les Français ne mangent pas tous les jours des cuisses de grenouilles ou des tripes à la mode de Caen, les Anglais du steak and kidney pie ou nous-mêmes des tomates-crevettes, je suis convaincue que tous les peuples mangent souvent de la popote sans prétention, faite à la maison, réconfortante et si universelle que chacun la croit typique de chez lui. Mais oui, les Egyptiens aiment bien se taper de temps en temps un bon gratin de maca, tout comme les Japonais se délectent d’un hamburger et nous d’une pitta pleine de sauce à l’ail. Je gage même que les Bhoutanais shiftent parfois la tsampa et le thé au beurre… en un bon cornet de frites-mayo, wie weet ?

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