» Deviens qui tu es.  » Mélange de souffre et de souffrance, l’auteur américain T.C. Boyle aime les personnages au bord du gouffre. Son chaos a trouvé son salut dans les mots. Interview en guise de preuve.

Bien qu’on l’encense, Tom Coraghessan Boyle aime scruter le sens du cauchemar américain. Accusée d’être une criminelle, sa nouvelle héroïne Dana se voit dérober son identité. La voici dans une quête effrénée pour se la rapproprier.

Pourquoi aimez-vous les antihéros ?

Quelle notion attribuons-nous à l’héroïsme ? La réalité est plus nuancée, car nul n’est parfait. Ces imperfections m’inspirent. Dana et Peck symbolisent les deux versants d’une même médaille. Alors qu’elle se bat de façon spectaculaire pour récupérer son identité, le voleur incarne un héros plus sombre, plus complexe.

Etre écrivain est-ce une façon de se différencier ?

Oui, complètement. Jouir de cette liberté d’expression m’a permis de devenir artiste. C’est-à-dire quelqu’un qui est aliéné par rapport à la société dans laquelle il vit, car il la regarde autrement. L’un des plaisirs d’écrire est de pouvoir s’extraire du monde.

La littérature vous a-t-elle sauvé ?

Lire et écrire m’a sauvé de moi-même. A New York, je n’étais qu’un junky. La littérature m’a permis de mûrir et de tourner le dos à la came.

Aimez-vous vous mettre dans la peau d’une femme ?

J’adore ça, car j’aime tout chez les femmes. Mon prochain roman s’appellera d’ailleurs The Women . Consacré à l’architecte Frank Loyd Wright, il retrace sa personnalité et son parcours à travers les femmes de sa vie.

Quel est le mot qui vous caractérise le mieux ?

 » Driven « , passionné, emporté. Que ce soit dans la vie ou dans l’art, je déborde d’énergie.

Si vous étiez une drogue ?

L’écriture. Travailler sur quelque chose d’inexistant, qui doit naître de vous, exige beaucoup de transpiration mentale ! Une fois que ça fleurit, je suis proche du nirvana.

L’habit fait-il le moine ?

Même si j’évite les miroirs, j’ai un certain sens de l’habillement. N’étant pas très shopping, je fais des mélanges avec ce que j’ai dans la penderie. Mon style flamboyant évoque mon passé rock’ n’ roll. J’ai envie d’attirer l’attention. C’est réussi : l’autre jour, on m’a proposé un repas gratuit, car on m’a pris pour un SDF ( rires) !

Etes-vous branché nouvelles technologies ?

Je ne suis pas friand de gadgets technologiques, mais je suis gaga d’Internet. Quel gain de temps pour mes recherches. Mon fils a créé mon site. Je suis comblé par ma communauté de fans. Grâce à cet outil miraculeux, ils sont devenus amis. Certains me connaissent mieux que moi-même !

Connaissez-vous la Belgique ?

Je suis passé en promo à Anvers et à Bruxelles, mais pour connaître une ville, il faut la traverser à pied. Les sites touristiques ne me parlent pas, je préfère me promener et sentir les choses.

Ecolo ?

A 100 %. Je vis dans un environnement naturel, entouré d’animaux et d’oiseaux. Au lieu de construire du neuf, j’ai préservé cette vieille maison. Et puis, je suis un fanatique du recyclage d’ordures.

Votre plus grande peur ?

J’en ai 50 000 ! L’extinction de ma propre personne, la disparition des gens que j’aime et la mort de la littérature.

Votre utopie ?

Neutraliser la télévision, pour qu’on devienne une société littéraire. Même si on ne doit pas mélanger la politique et l’art, le rôle d’un écrivain est de garder son indépendance. Je suis l’un des seuls artistes américains à avoir une conscience sociopolitique. Or, l’art doit rester un divertissement. C’est pourquoi je me vois comme un magicien…

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

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