Breakfast in America

A Miami, une exposition exceptionnelle rassemble, jusqu’au 30 mai prochain, les ouvres des 30 artistes afro-américains les plus influents du moment. Le Reality Bag N°2 de Puma leur rend hommage. Un sac-musée en passe de devenir le nouveau collector de l’ère Obama.

C’est à coup sûr ce qu’il convient d’appeler un  » petit déjeuner conceptuel « . Pas un de ces brunchs chics où l’on vous sert du champagne et des petits fours. Plutôt un happening dont vous êtes le héros, au même titre que les régimes de bananes empilés, les centaines de boîtes de céréales alignées sur la table, les rangées de glacières bleues remplies de gallons de lait et les percolateurs génériques au garde à vous, prêts à vous servir un café corsé.  » C’est comme cela tous les ans, sourit une habituée. Avec Mera et Don Rubell, l’art est partout, même où on ne l’attend pas. Ici, c’est Breakfast in America, avec tous les clichés du genre, version installation arty 100 % consommable ! « 

Rendez-vous incontournable d’Art Basel/Miami Beach, l’une des foires d’art contemporain les plus en vue qui a lieu chaque année en décembre, le Rubell Family Breakfast était, plus que jamais,  » the place to be « , ce matin-là. L’occasion de découvrir les £uvres de 30 artistes afro-américains issues de la collection privée de Don et Mera Rubell considérée par les experts comme l’une des plus pointues au monde. Fallait-il voir dans l’engouement du public et des journalistes présents un  » effet Obama  » à retardement ?  » J’aimerais pouvoir vous dire que nous avions tout calculé avec précision, plaisante Don Rubell. Mais non, pas du tout. Nous avons démarré ce projet bien avant que Barack Obama ne soit même candidat. D’ailleurs, il devrait organiser l’inauguration présidentielle, ici, dans le musée, plutôt qu’à Washington, vous ne trouvez pas ? « 

Nick Cave, dont les mannequins vêtus de soie brodée de sequins sont exposés au premier étage, vit et enseigne à Chicago. Le 4 novembre dernier, il était aux premières loges, en plein c£ur de Grand Park, pour écouter le premier speech officiel du nouveau président élu. C’est peu de dire qu’il se réjouit de l’arrivée au pouvoir de Barack Obama. Mais il ne pense pas que l’élection aura un impact déterminant sur le succès que rencontrera l’exposition dans les mois à venir.  » L’intégrité du travail accompli par tous les artistes est indiscutable, assure Nick Cave. C’est ça qui fera la différence. Même s’il faut reconnaître que Don et Mera ont eu le flair de faire advenir ce show au bon moment. « 

C’est en arpentant les studios, en parlant aux galeristes, aux critiques aussi, que les Rubell ont pris la mesure de l’ampleur de ce courant artistique bien délicat à définir.  » La nationalité, c’est un état de fait, justifie Mera Rubell. La question de l’identité raciale, chaque artiste choisit d’y répondre à sa manière. Ou de ne pas y répondre du tout. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’appeler cette exposition  » 30 Américains « . Tout simplement.  » Des £uvres poignantes, troublantes qui, pour la plupart, invitent à un voyage émotionnel au c£ur même de l’histoire de l’Amérique. Un retour aux sources souvent douloureux, tragique, révoltant de cette nation qui domine le monde. Mais plus que jamais nécessaire à raconter.

 » C’est fantastique vous savez, le simple fait de retrouver mes £uvres au milieu de celles de Barkley L. Hendricks, Carrie Mae Weems et tous ces artistes que j’admire, dont j’ai vu des reproductions durant mon enfance et avec lesquels j’ai grandi, s’enthousiasme Mickalene Thomas. Nous sommes enfin exposés tous ensemble. Il était temps. « 

Si la plupart s’étaient déjà croisés au hasard des expositions des uns et des autres, tous s’accordent à dire que c’est la première fois qu’ils sont ainsi rassemblés en un lieu unique.  » Ce qui est exceptionnel, ici, c’est que c’est un show transgénérationnel, ajoute Rashid Johnson. Tout à coup, vous vous retrouvez à côté d’un artiste que vous avez toujours considéré comme un héros. Et vous découvrez que vous parlez le même langage.  » Celui de la culture noire qui s’affiche et s’assume aujourd’hui avec fierté.  » Bien, sûr, ce qui nous lie c’est cette histoire commune et la manière dont la communauté noire choisit de s’affirmer aujourd’hui, précise Nick Cave. Ici, vous retrouvez tous les points de vue : certains parlent de l’esclavage, de la ségrégation, font référence, comme moi, aux costumes traditionnels africains, d’autres préfèrent jouer avec les stéréotypes, les stigmates plus contemporains, comme le mythe du Noir sportif ou rappeur. Mais quel que soit l’angle, ce show parle de la prise de pouvoir d’une communauté.  » Qui vient enfin de voir arriver l’un des siens à la plus haute fonction de l’Etat.

Au final, plus de 200 réalisations ont pris possession de l’ancien dépôt de la DEA (Drug Enforcement Agency) reconverti en musée depuis 1996 par la famille Rubell. Des tableaux, des photos, des installations acquises par Don et Mera depuis leur mariage, réunies pour la première fois, grâce au soutien logistique de Puma qui, au travers de la plate-forme Puma.Creative que la griffe vient de mettre en place, entend désormais soutenir des projets artistiques.  » Celui-ci avait l’avantage d’être parfaitement en phase avec les valeurs de Puma, développe Marie-Claude Beaud, directrice du Mudam (Musée d’art moderne) à Luxembourg et consultante pour le label allemand. Depuis des années, Puma s’intéresse à l’Afrique, en finançant des équipes de football là-bas. J’aime les mélanges. Cette exposition permet de parler de l’Afrique au travers du regard d’une partie de sa diaspora américaine. « 

Refusant de jouer les sponsors passifs, Puma souhaitait également associer les 30 Américains au lancement du Reality Bag N°2 : un sac produit en série limitée (500 exemplaires au total) dont l’artiste suisse John Armeler est à la fois le designerà et le curateur.

 » Ce sac, nous le voyons comme un musée portable, explique John Armeler qui avait déjà conçu le Reality Bag N°1 lancé l’année dernière avec succès en collaboration avec la Serpentine Gallery, à Londres. C’est une mini-galerie d’art que vous pouvez emmener partout avec vous, dont vous pouvez montrer le contenu aux autres et qui peut très facilement aussi être volé. L’art reste de l’art quel qu’en soit la taille. Ou le prix. « 

A l’intérieur du sac frappé d’une araignée rouge XXL, on trouve entre autres une boîte en métal remplie de crayons rouges sur lesquels ont été imprimés des citations des artistes, un carnet de note déjà taggé de croquis et notes manuscrites, un stick USB sur lequel se retrouve un film introduisant les 30 créateurs.  » Convaincre des artistes de participer à un tel projet est toujours plus facile lorsque c’est l’un d’eux qui joue les intermédiaires, en l’occurrence John Armeler, rappelle Jochen Zeitz, le PDG de Puma. L’aspect caritatif aide aussi, puisque pour chaque sac vendu, 100 dollars (74 euros) seront versés à la Fondation pour l’Art Contemporain de la famille Rubell pour soutenir des projets éducatifs. « 

Quant au buzz indirect que l’Obamamania assurera sans doute au projet et à l’exposition, Jochen Zeitz s’en réjouit, bien sûr. Tout en apportant une nuance d’importance.  » Il y a dix ans, nous étions les premiers à mettre en avant le caractère unique du continent africain dont on entendait toujours parler négativement, insiste-t-il. Pour les experts en communication, c’était une cause perdue pour une marque comme la nôtre. On n’allait rien vendre là-bas. Mais ce n’était pas notre but ! Choisir de soutenir aujourd’hui ces artistes afro-américains, cela ne tombe pas du ciel. Alors, oui, les élections jouent pour nous. La vie, c’est souvent une question de timing : parfois on est trop tôt, parfois trop tard.  » Parfois, aussi en phase avec l’Histoireà

Isabelle Willot

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