Aurélie Wehrlin Journaliste

Attention, délit d’initiés ! L’objet préféré d’Erwan, le plus jeune des frères Bouroullec, n’est pas du tout  » design  » au sens où l’entendent traditionnellement les experts du secteur.  » C’est une couverture rose et verte que j’ai ramenée d’un voyage en Corée du Sud, avoue-t-il sans fausse honte. D’ailleurs, je n’achète jamais un meuble dans un magasin spécialisé.  » Provocation ? Pas du tout. Attitude on ne peut plus trendy, dirait-on. Car le designer français, chouchou des éditeurs les plus pointus n’est pas le seul à faire la guerre à la  » déco de showroom  » qui donne mauvaise conscience à votre salon incapable d’accueillir un canapé de 7 mètres de long.

 » Chez moi, c’est un vrai collage « , renchérit Alfredo Häberli, invité d’honneur de la Biennale Interieur qui ouvre ses portes ce vendredi 13 octobre, à Courtrai.  » Je ne comprends pas ces mises en scène quasi monochromes qui ne correspondent pas à la réalité et vous font croire que vous avez une maison minable « , ajoute encore le designer suisse.

Alain Berteau, élu Designer de l’année par la Fondation Interieur et Weekend Le Vif/L’Express, ne tient pas un autre discours.  » Regardez les meubles de Ray & Charles Eames, ils sont devenus des symboles de statut social. Mais dans leur maison, c’était des chaises comme les autres, pas du tout sacralisées, couvertes de coussins et de couvertures, sur lesquelles ils laissaient grimper leurs enfants.  »

Après les vaches maigres du minimalisme, le  » bon design  » aime donc à nouveau la compagnie des objets ordinaires. Surtout s’ils viennent de loin, s’ils racontent une histoire. De vacances. Ou de famille, de préférence. L’exotisme, qui défile toutes peaux de bêtes dehors sur les catwalks cet hiver, entre, en imprimés panthère, dans la maison. Mais il peut aussi prendre des accents de terroirs, bien moins étrangers que l’on ne le pense. Comme les arts décoratifs ont su autrefois se régénérer en s’inspirant de l’Afrique et de l’Orient, le design d’aujourd’hui – répondant à la loi d’un marché de plus en plus en quête d’objets uniques,  » customisés  » – redécouvre l’artisanat. Les assiettes en biscuit, les vases en céramique ou en verre de Murano, idéalement signés Hella Jongerius, Ronan et Erwan Bouroullec ou Philippe Starck, n’ont plus rien de kitsch aujourd’hui. C’est peut-être le moment de refaire un petit tour au grenier. Et de déballer ce service en porcelaine de Saxe d’un orange improbable qui vous vient de votre grand-mère. Vintage désormais. Et tendance à souhait.

Isabelle Willot

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