Dans une ruelle piétonne du Vieux Namur, une petite terrasse entre ombre et soleil sur les pavés, un bien bel endroit pour rencontrer Sylvie et discuter de son projet musical, Li-Lo*.

« Je ne suis pas encore habituée à faire de la promo. Pour moi, ce n’est que le début. Je vais peut-être dire plein de bêtises… « , plaisante-t-elle d’un sourire discret. Avec un nouveau single en radio, un premier album pour très bientôt et une poignée de titres éparpillés sur le Net, dont une reprise épurée mais bien sentie de Feel Good Inc de Gorillaz, Li-Lo* se taille tranquillement un petit coin de verdure dans le paysage pop du pays. Un décor bucolique où elle balade sa voix claire et enfile de petites perles acoustiques, entre légèreté et mélancolie. Elle ne manque d’ailleurs pas d’évoquer son amour pour les vertes collines des paysages condrusiens, aux ruisseaux aussi sinueux que son parcours, fait de hasards et d’envies, d’heureuses rencontres et de risques pris. C’est sûr, Sylvie a une bonne étoile, certainement celle qu’elle a accrochée au  » o  » de Li-Lo*.

UNE VIE AVANT LA MUSIQUE

 » J’ai eu une vie avant la musique. J’ai toujours adoré ça, mais j’étais peut-être trop réservée pour me lancer. Ado, j’ai un peu joué dans un groupe ou à l’Académie, rien de concluant, puis on m’a piqué ma guitare et je n’ai plus touché à rien pendant très longtemps. Après des études en illustration, j’ai bossé pour un studio de dessin animé au Luxembourg. Quand il a fait faillite, j’ai repris des cours de graphisme, réalisé des livres pour enfants et même été prof, mais ça ne m’a pas franchement réussi. Puis j’ai ressenti le besoin de revenir vers la musique il y a six ou sept ans, en prenant des leçons de chant.  »

 » SON  » CONDROZ

 » Je suis née ici à Namur, mais j’ai grandi à Scôville, à 35 kilomètres du centre-ville, dans un tout petit village avec des pierres bleues, un petit moulin, la nature partout. C’est très joli et absolument pas touristique, personne ne connaît. Il n’y a que 250 habitants, en plein milieu du Condroz. J’adore cette région, les paysages sont verts, très vallonnés. Après un passage par Liège et Arlon, j’ai tout laissé tomber pour revenir dans mon village. Ça correspond à peu près avec la période à laquelle je me suis remise à jouer et, évidemment, ça m’a inspirée.  »

CONCOURS DE CIRCONSTANCES

 » Au cours de chant, j’ai découvert un peu par hasard que je savais composer, et les choses se sont très vite enchaînées. J’ai montré des compos à ma prof, qui m’a inscrite à un concours, et je l’ai gagné. Le prix, c’était un podium sur la place de l’Ange, à Namur. Il ne me restait que cinq mois pour écrire d’autres chansons et trouver des musiciens. C’est comme ça que tout a commencé. On a bossé pendant deux ans, malheureusement le résultat manquait vraiment de cohérence. Je n’ai aucune formation musicale, je venais avec mes morceaux en guitare-voix et eux tentaient d’y apporter leur univers, mais j’étais incapable de les diriger.  »

SCÈNES ET STRESS

 » Par la suite, j’ai pas mal tourné toute seule. Pendant les Fêtes de Wallonie, je me suis retrouvée sur le podium de la place d’Armes, devant 2 000 personnes. C’était super flippant. J’ai aussi chanté dans de nombreux centres culturels, j’ai fait des premières parties, dont deux fois celle de Julien Doré, au théâtre de Namur. Le public était vraiment sympa, une expérience géniale. Vu que je suis plutôt timide, j’ai vraiment dû repousser mes limites. Pour les Wallos, on ne m’avait averti que trois mois à l’avance. A chaque fois que j’y pensais, je ressentais un petit coup au coeur. Et le jour venu, quand tu te retrouves seule sur scène, tu es vraiment toute seule.  »

BIEN ENTOURÉE

 » Il y a un an et demi, Christophe Waeytens, du label Granvia, m’a remarquée lors d’un concert et est devenu mon manager. J’ai réécrit plein de chansons et d’arrangements, et c’est là que ça a commencé à devenir sérieux. Et à plaire, entre guillemets. Puis David Bartholomé (NDLR : le chanteur du groupe belge Sharko) a accepté que j’ouvre un de ses concerts au Botanique. Six morceaux, juste ukulélé et voix. On a continué à avancer, en sortant le single Apple Tree, que j’ai arrangé moi-même. Il a été mixé par Gilles Martin, qui a travaillé avec Miossec, Indochine, Dominique A ou dEUS. J’ai rapidement eu la chance de bénéficier d’un encadrement très pro.  »

JERONIMO

 » Christophe a demandé à Jérôme Mardaga, alias Jeronimo, de produire l’album. On s’est enfermé tous les deux dans un gîte, il y a quelques mois. Dans un petit village du côté de Huy. C’était très gai, on a vécu de superbes moments. Je chantais devant une grande baie vitrée, en pleine nature, avec un petit ruisseau et des arbres tout autour… Comme le son était bon, on a disposé tous les instruments et on a enregistré là. Une violoncelliste et un bassiste nous ont rejoints et on a fait le reste à deux.  »

RENTRÉE DANS LES BACS

L’album sortira en septembre prochain, sur Granvia et distribué par Pias. A la base, j’y ai travaillé seule, mais les musiciens qui m’accompagnent maintenant sont des amis, alors j’ai envie de commencer à penser en termes de  » groupe « . Ce sera peut-être le cas pour l’album suivant. Pour celui-ci, on a longtemps hésité sur la direction à prendre. Soit on se lançait dans un trip acoustique, rugueux, organique et plein de souffle ; soit à l’inverse, on visait un très gros son, plus produit, comme des grosses machines américaines. Et contre toute attente, on a réussi à trouver un compromis, avec un important travail sur les chansons qui parvient aussi à conserver les sonorités à fleur de peau et l’émotion.  »

UNIVERS INTIMISTES

 » Un journal m’avait demandé d’établir une playlist. J’avais choisi Nick Cave, dEUS, Radiohead, Coco Rosie… Et Feel Good Inc de Gorillaz, en clin d’oeil à ma reprise. Je n’avais pas mis Eels, d’ailleurs je l’ai regretté. Tous ces noms ont l’air plutôt éloignés de ce que je fais, mais j’aime ces groupes parce qu’ils ont une véritable identité, un univers très marqué, et sont capables de dégager énormément d’émotion, même avec des morceaux plus calmes. On me colle souvent une étiquette folk, mais je préfère parler de pop acoustique, à tendance intimiste. Même si avec le groupe, le son s’élargit.  »

DYNAMIQUE DE GROUPE

 » On est en train de développer les concerts à cinq, alors que je me produisais encore en solo il y a peu. On était trois en avril dernier pour le concert au Bel’Zik Festival, et entretemps la formation a encore évolué. Batterie, guitare électrique, basse, claviers, et moi en acoustique, guitare et ukulélé… Le groupe apporte énormément d’énergie. Forcément, au début, on se cherchait un peu, mais ça commence à vraiment bien fonctionner, ça fait plaisir. Et comme nos premiers concerts se sont parfaitement déroulés, je suis confiante pour nos autres dates.  »

UN ÉTÉ CHARGÉ

 » Aujourd’hui, on est en plein mixage de l’album. C’est l’aventure, mais ça se dessine super bien. Les semaines sont vraiment full, on bosse dur et en même temps, on prépare les prochaines dates : le Brussels Summer Festival le 16 août et deux concerts le 31 août, aux festivals Les Granges d’Hannut et au Ward’in rock, près de Bastogne. Avec l’album qui va sortir et le nouveau single By the Way en radio, il me semble que c’est déjà bien. N’oublions pas que j’ai commencé il y a peu de temps.  »

AU JOUR LE JOUR

 » Je prends la vie au jour le jour, et quand on me propose quelque chose, je fonce. Toujours. Je ne réfléchis pas, je me dis que ce sont des opportunités à saisir. Après, si ça m’inquiète ou ça me fait peur, c’est mon problème. Mais jusqu’ici, je n’en ai retiré que du positif. Je suis constamment épatée par tout ce qui m’arrive. La notoriété, je m’en fous, c’est le parcours artistique qui m’intéresse. Et comme je suis bien entourée, j’ai encore plus de chances de mon côté, donc je compte bien continuer à m’améliorer. Je ne joue pas que pour moi, sinon je resterais dans mon coin ; rien ne me fait plus plaisir que de voir des gens touchés par ma musique.  »

LA RELÈVE

 » Au début, personne de ma famille ne croyait trop en ma carrière musicale. Mon frère avait déjà eu un groupe, ma soeur avait étudié la guitare et chantait, mon père aussi, chantait dans des chorales, ils faisaient tous un peu de la musique. D’ailleurs ils s’y sont tous les trois remis quand j’ai commencé. Et j’ai un fils de douze ans qui est très doué au piano. Pendant les Nuits Botanique, en mai dernier, il a gagné le concours du Focus Vif et a pu jouer avec Chilly Gonzales. Le voir sur scène, c’était encore plus stressant que d’y être moi-même. Et il a eu un succès fou. Il m’a déjà rejoint lors de concerts et m’a encore accompagner à LaSemo le 12 juillet dernier. Ce sont vraiment des instants magiques.  » ?

PAR MATHIEU NGUYEN / PHOTOS : JULIEN POHL

 » JE NE JOUE PAS QUE POUR MOI, SINON JE RESTERAIS DANS MON COIN ; RIEN NE ME FAIT PLUS PLAISIR QUE DE VOIR DES GENS TOUCHÉS PAR MA MUSIQUE. « 

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