Tout l’été, Le Vif Weekend fait une pause dans les cafés de nos provinces. Au sommaire de cette semaine : le père, le beau-fils et le saint Orval.

Le père, c’est Robert Jacquet, 63 ans, un personnage venu d’une autre époque.  » Je suis un vieux Bouillonnais, né sur la table de la cuisine, à la maison, juste en face du château.  » C’est dire si l’homme parle d’un temps que les moins de 20 ans… L’époque n’était pas aux sensibleries.  » Il suffisait alors que l’enfant mangeât, couchât sous un toit, s’instruisît au contact de ses aînés des quelques gestes nécessaires à cette survie dont il ferait une vie « , écrit Pierre Michon à propos de ces  » vies minuscules  » confrontées dès le plus jeune âge au tranchant de l’essentiel.

En 1965, du haut de ses 16 ans, Robert Jacquet souffle aux instances parentales l’idée de transformer la petite boutique familiale de souvenirs en  » un bistrot, un vrai « .  » Pour le nom, on n’a pas cherché midi à quatorze heures, on s’est inspiré du caractère ancien de la demeure du XVIIe siècle qui nous prêtait ses murs et de la situation géographique évidente.  » Sept années plus tard, Robert passe derrière le comptoir et reprend les rênes de l’affaire. Il ne le sait pas encore mais il s’embarque pour un service de quarante ans.

 » Service « , le mot lui plaît.  » Un bistrot, c’est un véritable confessionnal, un poste d’observation unique du genre humain.  » Du genre qui rend misanthrope ? Pas vraiment, Robert Jacquet ne se départ pas de l’optimisme que tout le monde lui reconnaît.  » On voit beaucoup de monde, des gens du coin et des voyageurs de passage… mais aussi des hybrides, des touristes fidèles qui reviennent chaque année dans leur caravane résidentielle. Bien sûr, il y a ceux qui sont intéressants et puis il y a les autres… Je reste avec l’idée qu’il y en a eu beaucoup d’intéressants. « 

Le beau-fils, c’est Gregory Janicki, montre  » Cuvée des Trolls  » au poignet. Après un beau mariage, c’est à son tour de soulager les âmes. Et pas question de changer quoi que ce soit à l’esprit des lieux. Les vieux outils et les 284 chopes de bière peuvent dormir tranquilles, accrochés au plafond : pas de bar lounge au programme. Et quid du sacro-saint breuvage houblonné avec lequel on ne plaisante pas dans la province ? No stress, le free style n’est pas annoncé à l’horizon. La Vieille Ardenne restera  » Ambassadeur Orval « , un titre qu’elle défend depuis 2003 en servant la trappiste dans les règles de l’art – tempérée pour les puristes, fraîche pour les incultes – et en proposant des plats à base du fromage de la célèbre abbaye. Des plats ? On mange alors ? Et comment ! L’enseigne revendique haut et fort un autre label, celui de  » bistrot de terroir « , et ne manquerait pour rien au monde un festival de la truite – 1ère quinzaine d’avril – ou un marché de la chasse – le 11 novembre.

De poursuivre l’£uvre du beau-père sans changer un iota ne risque-t-il pas de sacrifier la jeunesse du fils par alliance sur l’autel de la stricte obédience ? Gregory Janicki exulte aussi sous d’autres chapelles. Biberonné au blues –  » B.B. King, Johnny Winter… mon père n’écoutait que ça  » – le jeune tenancier possède son propre groupe, Lightnin’ bug, dont le second album enregistré en Angleterre vient de sortir. Guitare à la main, il faut l’entendre donner de la voix.

9, Grand-Rue, à 6830 Bouillon.

PAR MICHEL VERLINDEN

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