Derrière chaque look défilant sur les catwalks se cache un make-up artist qui travaille en étroite collaboration avec le créateur. Pour sublimer la collection de la saison mais aussi créer le buzz autour des produits de maquillage qu’il emploie.

Mode et maquillage ont toujours fait bon ménage mais la passion qui unit les deux partenaires de ce couple idéal est bien plus réfléchie et raisonnée qu’il n’y paraît. A y regarder de plus près, le contrat de mariage a d’ailleurs tout de la win-win operation. Les défilés de mode n’ayant jamais reçu autant de couverture médiatique qu’aujourd’hui – il n’est pas rare de pouvoir les visionner en direct sur le Net -, ils servent aussi de vitrine au make-up utilisé. Des rouges à lèvres, des ombres à paupières et des vernis parfois conçus tout spécialement pour l’occasion et bien plus accessibles que les vêtements montrés. Pour garantir une cohérence maximale entre les collections de prêt-à-porter et les palettes à leur nom que l’on retrouvera en parfumerie, les grands labels ont à la tête de leur division maquillage une star des podiums – Tyen pour Dior, Linda Cantello pour Armani, par exemple – chargée non seulement de lancer de nouvelles références, de choisir de nouvelles couleurs mais aussi d’imaginer, en étroite collaboration avec le créateur, les looks des différents défilés.

Jusqu’au 11 février dernier, le Belge Peter Philips a occupé pendant cinq ans le poste de directeur de la Création Maquillage chez Chanel. Mais il a  » décidé de reprendre son indépendance pour continuer à travailler en tant qu’artiste avec les meilleurs photographes, stylistes et mannequins pour des campagnes éditoriales, et sur des projets tels que les défilés Chanel « , indiquait le communiqué de presse de la maison parisienne. Et après ?  » Le studio Création Maquillage de Chanel assurera la continuité, la créativité et la qualité des produits et collections de maquillage de la marque. Ce dernier sera responsable des prochains produits et collections make-up.  »

Mais avant de redevenir free-lance, Peter Philips, qui a conçu les beauty looks des collections printemps-été 2013 et automne-hiver 13-14 de la griffe au double C, et qui continuera donc de collaborer avec elle, nous avait confié combien, en tant que directeur de la Création Maquillage, il travaillait en communion avec Karl Lagerfeld, le directeur artistique.  » Nous nous voyons au moins une fois par mois, si pas plus, détaillait-il alors. Ainsi, quand j’ai su que le printemps-été 2012 serait inspiré par Marie-Antoinette, j’ai imaginé avec Karl une série de tatouages éphémères qui illustraient parfaitement son caractère rebelle.  » Des tattoos qui non seulement ont déclenché le buzz au lendemain du défilé, mais se sont vendus comme des petits pains lorsqu’ils sont sortis – en éditions très limitées – dans les boutiques Chanel quelques mois plus tard…

 » Le maquillage est capable de sublimer la mode, ajoutait Peter Philips. Entre les deux, il y a une véritable alchimie.  » Mais pour cela, l’autonomie créative doit être garantie. Personne ne voit la collection avant qu’elle ne soit terminée. Et si le directeur artistique le demande, pour correspondre parfaitement au thème du défilé de couture, une couleur spéciale peut être réalisée en deux jours… et pourra ou non faire l’objet d’une mini-gamme comme les ombres et les vernis Hongkong insufflés par cette capitale des gratte-ciel dans laquelle Chanel vient d’ouvrir un nouveau temple du luxe.

Cette symbiose reste exceptionnelle, la majorité des griffes n’ayant pas les moyens de développer leur propre ligne de cosmétiques. Les looks qui accompagnent les modèles sont alors confiés à des maquilleurs indépendants oeuvrant pour des marques comme M.A.C ou L’Oréal Paris qui bénéficient ainsi indirectement de la visibilité et surtout de l’aura des défilés.  » J’essaie d’utiliser au maximum les nouveaux produits de la collection, détaille Charlotte Miller, make-up artist internationale chez Maybelline New York, l’un des principaux sponsors officiels de la Fashion Week new-yorkaise. Ensuite, je suis à l’écoute du créateur : dans le meilleur des cas, j’ai trois jours pour me préparer, parfois, tout se fait la veille du show. Heureusement, il y a toute une équipe logistique derrière nous pour nous aider : c’est elle qui gère les plannings et surtout qui prépare les kits pour chaque maquilleur de manière à ce que les produits dont nous avons besoin pour chaque défilé nous attendent sur place.  » Une fois le make-up finalisé, Charlotte Miller fournira à Maybelline ses trucs et astuces afin qu’ils soient largement diffusés. Un coup de pub bienvenu qui profite aussi aux talents émergents soutenus par les marques qui ne sont pas associées directement à une maison de couture. Ainsi, Tom Pecheux, directeur créatif chez Estée Lauder, imagine des looks pour Anthony Vaccarello depuis deux saisons maintenant.  » Quand Tom a accepté de bosser avec moi, cela m’a fait le même effet que si l’on m’avait dit que Madonna débarquait sur le show ! Il est le meilleur « , assure l’ancien étudiant de La Cambre qui a vu, en prime, arriver dans sa  » cabine  » Constance Jablonski et Arizona Muse. Deux des égéries – très en vue – du label américain qui incarnent désormais à leur manière la mode du styliste belge.

PAR ISABELLE WILLOT

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