Cabinets de curiosités

Une statue de Memnon, des vases étrusques, des scarabées, des camées, des intailles, de vieux laques chinois, des cailloux du désert, des fragments d’étoffes pris sur des momies vieilles de quatre mille ans et même le pied de l’une d’elles, petit, noir, pétrifié, charmant. Des porcelaines de toutes les époques, des pagodes indiennes, des lampes romaines, des tableaux de tous les genres. Un Arabe mourant dans le désert, des Ruysdael, des toiles du Corrège, d’immenses portefeuilles de dessins, des bustes, des bronzes, un adorable petit Jupiter trouvé à Vienne et cinq ou six portraits de lui-même.

Voilà une partie des trésors conservés autrefois par Vivant Denon dans ses appartements privés. Célèbre diplomate, écrivain et artiste, le collectionneur accompagna Bonaparte durant la campagne d’Egypte avant d’être nommé par le premier consul à la tête du musée Napoléon, futur musée du Louvre.

Précurseur de l’égyptologie et de la muséologie moderne, Denon avait organisé ses salons selon la tradition héritée de la Renaissance lorsqu’il était de bon ton de mélanger l’étrange au beau, les instruments scientifiques aux animaux empaillés, les merveilles de la nature aux chefs-d’£uvre de l’art.

Hier, en découvrant l’univers de Patti Smith exposé à la Fondation Cartier (jusqu’au 22 juin 2008), l’impression d’étrangeté était la même, l’exotisme et le pillage en moins.

Parmi les curiosités de ce bric-à-brac intime, des cahiers d’écoliers couverts de notes, une paire de chaussons ecclésiastiques achetée à Rome, une carte postale envoyée de Paris à Robert Mapplethorpe son amour de l’époque, des centaines de tirages polaroïds réalisés comme autant de petits cailloux sur les chemins de sa vie, son appareil photographique – un Zeiss Ikon rétractable – rangé dans une vitrine, des vidéos la mettant en scène, un caillou ramassé au bord de la rivière dans laquelle s’est noyée Virginia Woolf et un ticket d’entrée au musée Arthur Rimbaud à Charleville-Mézières.

Daté de sa visite en 1973, le coupon lui avait coûté un franc.  » Ce franc si consciencieusement dépensé a rempli toute une vie de souvenirs doux-amers « , écrit-elle. Modeste témoignage d’un pèlerinage de jeunesse, c’est évidemment l’un des plus touchants.

(*) Chaque semaine, la journaliste et écrivain Isabelle Spaak (Prix Rossel 2004 pour son roman d’inspiration autobiographique Ça ne se fait pas, Editions des Equateurs) nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.

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