Humberto et Fernando Campana sont au top grâce au design exceptionnel de leurs meubles. Aujourd’hui, ils signent la scénographie et les costumes de Métamorphoses, le dernier opus du chorégraphe belge Frédéric Flamand, d’après l’ouvre d’Ovide, au palais des Beaux-Arts de Charleroi. Confidences.

Leurs créations se composent de rognures de bois, d’ours en peluche, de cordes et de morceaux de cuir. Les Campana ont l’art de transformer des matériaux ultrasimples ou de récupération en des pièces de mobilier nobles. Ce n’est donc pas un hasard si Frédéric Flamand, le chorégraphe belge et directeur du Ballet national de Marseille, les a choisis pour participer à son interprétation personnelle de quelques histoires tirées des Métamorphoses d’Ovide, où les personnages et les objets subissent des changements perpétuels. Les frères Campana ont conçu la scénographie et les costumes de ce ballet qui sera présenté dans quelques jours à Charleroi, et en décembre prochain à Namur et Bruxelles (lire aussi page 46).

Weekend Le Vif/L’Express : La transformation est un thème central dans les histoires d’Ovide. Ecologique, l’utilisation de déchets est aussi actuellement très branchée. Qu’en est-il pour vous ?

Fernando : Pour Edra, nous avons dessiné le fauteuil Aguapè qui est constitué de différentes couches de morceaux de cuir. Ceux-ci forment la structure du siège. Le nom du fauteuil provient d’une plante sud-américaine que l’on retrouve près de São Paulo, où nous vivons. Elle agit comme un filtre à eau et est utilisée pour purifier les rejets ménagers. C’est également un symbole de ce que nous faisons avec d’autres matériaux : la transformation d’objets tout simples en des créations nobles. En fait, c’est par nécessité que nous avons commencé à travailler de manière durable, il y a vingt-cinq ans. Au Brésil, le bois tropical était déjà en train de disparaître. Le design brésilien était en teck, nous voulions éviter cela. Mais ce n’était pas évident non plus de travailler avec du plastique. Il n’y avait pas, au Brésil, d’entreprises travaillant ce matériau, et le moulage par injection n’existait tout simplement pas. Nous achetions donc des déchets. C’était aussi meilleur marché. Nous travaillions avec du fer par exemple. Chaque pied d’une chaise était différent. Nous en avons aussi fabriqué une en carton. C’était notre façon de confectionner le siège ultime. Nous n’avions pas le choix. Le modèle Favela, lui, est entièrement constitué de pièces de récupération. Par essence, nous ne faisons pas appel au recyclage mais nous montrons qu’il est possible de s’en servir. L’entièreté de notre travail n’est donc pas basée sur ce principe. L’année prochaine, nous sortons une collection de jouets pour Alessi. Elle n’a pas d’autre fonction que l’affection. Et cette année, nous avons également conçu un projet avec du marbre turc.

Fidèles à un nombre restreint de clients, vous êtes aussi des partenaires durables en affaires…

Fernando : Oui, c’est très important pour nous. Nous voulons continuer à collaborer avec les mêmes partenaires. Il s’agit d’intégrité. Si nous acceptions chaque mission, nous serions déjà millionnaires. J’aime l’argent mais je sais aussi qu’un cercueil n’a pas de poches.

Humberto : La liberté est essentielle pour nous. C’est aussi pourquoi nous travaillons à São Paulo et que nous ne voyageons qu’une fois par mois en Europe. Nous prenons nos distances, au propre comme au figuré. Bien sûr, les professionnels là-bas sont très bons et la main d’£uvre très bon marché. Nous avons un atelier où travaillent onze personnes et où nous apprenons les uns des autres. Nous avons apporté une dimension humaine dans des entreprises comme Edra.

Fernando : Et l’inverse est vrai aussi : les fabricants soutiennent notre façon de travailler. Cette année, nous célébrons dix ans de partenariat avec Edra et vingt-cinq ans d’activité.

Qu’est-ce qui vous a amené à créer des meubles ? Et pourquoi ensemble ?

Fernando : J’ai une formation dans la peinture et le monde artistique. Lorsque Humberto sculptait et créait des bijoux, j’étais son coursier. C’est comme ça que l’on a commencé à s’échanger des idées. Nous partons même ensemble en vacances. Le secret ? Nous nous disputons souvent, mais nous nous réconcilions tout aussi vite.

Quels sont vos projets ?

Fernando : Je veux continuer à rêver. J’aimerais créer des avions.

Humberto : Je voudrais concevoir un sofa. J’aimerais également écrire un livre sur les espaces modernes et l’architecture à São Paulo. Mais je rêve surtout de dessiner un jardin ou un parc. Ce n’est pas vraiment étonnant car notre père était ingénieur agronome. Nous avons d’ailleurs déjà planté quinze mille arbres indigènes autour de la ferme familiale. Dans la région où se trouve notre domaine, on cultive beaucoup de canne à sucre afin de fabriquer des combustibles bio. Nous avons décidé de ne pas en planter. C’est devenu ainsi un refuge où les animaux affluent : des singes, des serpents… Lorsque nous avons créé la scénographie des Métamorphoses, nous voulions que la nature y joue un rôle important.

Internet : www.campanas.com.br

Propos recueillis par Leen Creve

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content