C’est au bout du bout du sud de l’Italie, dans le talon de la botte, et à moins de trois heures d’avion de la Belgique.

et c’est à moins de trois heures d’avion de la Belgique.

Dépaysement garanti.

Ici, la mer est partout. Les mers, plus exactement. L’Adriatique et l’Ionienne, qui enserrent dans leurs vagues cette pointe sud de l’Italie, longtemps si loin de tout : les Pouilles. Falaises de calcaire, collines noyées d’oliviers et de chênes verts, plages de sable fin… Au bout du chemin, il y a toujours la promesse de cette palette de bleus intenses qui donnent l’impression de se baigner tantôt dans un Matisse, tantôt dans un Klein. Quand votre avion se sera posé à Bari, cap sur le Gargano, l’une des plus belles forêts d’Italie, accrochée à un promontoire. Pour y parvenir, on traverse ces villes côtières, Vieste, Manacore, Peschici, dont les abords industriels sont aussi rudes que la coquille d’une huître, mais qui renferment toutes en leur centre un lacis de rues médiévales comme autant de petites perles. Entre deux étapes, la mer parsemée d’écueils et de grottes sous-marines (nombreuses visites à faire en bateau) dévoile dans ses anfractuosités un chapelet de criques au sable clair. Une invite à la baignade. Maritime certes, mais paysanne aussi : telle est la région des Pouilles, qui, avec plus de 50 millions d’oliviers, assure près des deux tiers de la production nationale d’huile. En parcourant les plaines du centre, derrière les murets bas de pierre sèche, ce sont les silhouettes massives de ces arbres, souvent plusieurs fois centenaires, qui ponctuent le paysage avec une régularité de métronome. Dans le moindre village, on s’étonne de découvrir, une, deux, voire trois églises à la façade baroque, une basilique sinon une cathédrale quand la population est importante. De ce long fleuve de pierre, le joyau incontestable reste Matera, ville du Basilicate, région limitrophe des Pouilles. Imaginez un immense ravin sur les flancs duquel, semblable à un décor de cinéma (ce n’est pas un hasard si plus de trente films ont été tournés ici…), les habitations, taillées à même la roche, se superposent et s’emboîtent telles les pièces d’un jeu de Meccano totalement fou. Depuis le néolithique, les grottes de ces quartiers, que l’on nomme les sassi (les cailloux), ont abrité jusqu’à 20 000 personnes. Aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’Unesco, Matera garde une force hypnotisante pour ses visiteurs : ruelles enchevêtrées, rampes escarpées, maisons à demi abandonnées. Comme si l’on parcourait une incroyable ville fantôme. Ici, le tourisme n’a pas phagocyté entièrement les lieux, ce qui a permis d’en préserver l’âme.

On ne peut pas en dire autant d’Alberobello, la ville des Pouilles fameuse pour ses trulli, petites tours de pierre sèche aux toits pointus, habitées autrefois par les paysans. Cartes postales, souvenirs kitsch en six langues, crèmes solaires : les rues de la ville sont emplies d’étals… qui vous poussent à détaler ! Pour admirer les vrais trulli, perdez-vous plutôt dans la campagne alentour, dans la vallée d’Itria notamment. C’est ici, au milieu des parcelles de terre rouge et des champs d’amandiers que vous reverrez ces petites maisons, parfois abandonnées, mais dans leur décor authentique. Et l’authenticité, c’est justement ce que l’on vient chercher dans les Pouilles. Vittorio Muolo l’a bien compris. Enfant du pays (sa famille habite depuis des générations un palais dans la ville portuaire de Monopoli), il a pour sa part restauré, dans la plaine qui longe l’Adriatique, deux anciennes fermes fortifiées, des masserias, qu’il a transformées en hôtel de luxe. Le spa est invisible, niché dans une grotte en contrebas du verger, le toit terrasse envahi de coussins blancs est le refuge où l’on vient profiter des derniers rayons du soleil, et, surtout, le restaurant est devenu l’adresse incontournable, où s’attablent incognito les célébrités en villégiature, de Miuccia Prada à Eric Cantona. Agneau rôti, poissons pêchés dans la nuit, pâtes fraîches comme les orchiette (petites oreilles) : tout cela est accompagné de légumes du jardin et de vins locaux, comme le Negroamaro, à la robe rubis et aux parfums de cerise légèrement poivrée. Pour acheter une bouteille de ce cépage local, ou de Malvoisie, pourquoi ne pas mettre le cap sur Lecce, petite ville baroque, perdue au milieu des vignes, tout au bout de la botte ? Il serait regrettable de ne pas faire le détour, car comment ne pas succomber au charme de ce bijou, au sortilège de ses façades blondes, sculptées de haut en bas, de fleurs, d’oiseaux ou de figures humaines. Au fil des places et des ruelles, les palais succèdent aux églises dans un incroyable luxe décoratif, mais l’apothéose ne se livre vraiment que lorsque l’on aperçoit enfin, tout au fond de la via Umberto, l’ébouriffante église de Santa Crocce. Rosace, balcon, colonnes, atlantes, angelots, cariatides : tout s’entremêle ici dans un fascinant et échevelé tableau. Un pur spectacle. En prenant la route vers l’aéroport de Brindisi, on sait que, de ces paysages aux confins de l’Italie, on gardera en mémoire le reflet métallique des feuilles des oliviers miroitant sous le soleil et cette richesse architecturale que l’on ne soupçonnait pas. Séductrices, les Pouilles ? Et comment ! D’ailleurs, n’est-ce pas là que naquit, en 1895, le plus mythique des latin lovers, Rodolfo Guglielmi… que vous connaissez peut-être mieux sous le nom de Rudolph Valentino.

GUILLAUME CROUZETCarnet pratique en page 48.

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