Cinéma, théâtre, mode et… poker. Emilie Dequenne aime varier les plaisirs. Et jouer les mannequins. Ce jour-là, c’était pour la griffe Paule Ka, à Paris. Coulisses du shooting et interview exclusive.

Elle ne sait plus où donner de la tête. Depuis qu’elle a ému Cannes aux larmes, en 1999, Emilie Dequenne vit un conte de fées. Et n’entend pas en perdre une miette. A 25 ans à peine, sa filmographie remplit déjà un rayon entier. Entre comédies, fresques historiques et drames, elle touche à tout, butinant avec une gourmandise évidente les fleurs du paysage cinématographique qui s’offrent à elle. A l’affiche du  » Grand Meaulnes  » de Jean-Daniel Verhaeghe, on la verra prochainement dans  » Pauline  » d’Yves Boisset et dans  » La Vie d’artiste  » de Marc Fitoussi. Dans la foulée, elle donnera également la réplique à Omar Sharif dans  » J’ai connu de vous  » de Laurent Vinas-Raymond. Un véritable tourbillon.

Insatiable, boulimique, la jeune comédienne belge ne se cantonne pas à la toile. Au début de cette année, elle montait sur les planches pour interpréter  » Mademoiselle Julie « , une pièce d’August Strindberg. Et aujourd’hui, c’est sur l’univers de la mode qu’elle pose son regard émeraude. A l’invitation expresse de la maison Paule Ka qui souhaite marquer d’une pierre blanche l’ouverture, le 21 novembre prochain, de sa nouvelle boutique dans la très sélecte rue Saint-Honoré à Paris. L’allusion au 7e art s’imposait pour une griffe qui entretient depuis toujours des liens privilégiés avec le cinéma (Audrey Hepburn et Grace Kelly figurent parmi les muses de Serge Cajfinger, le créateur de l’enseigne). Pleins feux donc sur la nouvelle génération d’actrices, immortalisée par un bataillon de photographes 5-étoiles.

Parmi la dizaine d’élues, citons Nathalie Press, Heather Graham, Rinko Kikuchi, sans oublier notre Emilie nationale, dont les clichés seront exposés en avant-première dans la boutique bruxelloise de Paule Ka à l’occasion du parcours de stylistes de Modo Bruxell£ de ces 27, 28 et 29 octobre. Une rencontre sous le signe de la nouvelle vague que ne pouvait manquer Weekend. Nous étions donc présents lors du shooting qui s’est déroulé dans le showroom de la griffe à Paris. Flash-back.

Il est 11 heures du matin. Ambiance feutrée sous l’imposante verrière qui coiffe la pièce. Emilie termine l’essayage tandis que le photographe Harri Peccinotti, qui a à son actif notamment deux calendriers Pirelli dans les années 1960, installe son matériel. Barbe grise imposante, lunettes rondes et vêtements noirs, il semble sorti d’une longue retraite dans un temple bouddhiste. Ses gestes sont précis et ses silences lourds de sagesse.

Une séance de maquillage plus tard et voilà Emilie, plus pétillante qu’un Perrier, qui papillonne devant l’objectif. Une jeune femme certes, mais qui a gardé un pied dans l’adolescence. Physiquement. Mais aussi dans son tempérament, mélange de spontanéité et de fraîcheur. Le tout lui donne un petit air de lolita. Ce qui ne l’empêche pas de jouer les femmes fatales avec conviction.

Les moues, sourires, grimaces défilent sous une pluie d’éclairs. Une veste en fourrure cintrée détrône une robe en cuir glam rock. Le temps passe, de plus en plus épais et granuleux. Deux bonnes heures se sont déjà écoulées. Une pause, enfin. Entre deux cigarettes et trois coups de télphone, Emilie nous déroule le fil(m) de sa vie de princesse. Moteur !

Weekend Le Vif/L’Express : Pourquoi avoir accepté la proposition de Paule Ka ?

Emilie Dequenne : Je ne connaissais pas la marque jusqu’à ce que je leur emprunte une robe pour le dernier Festival de Cannes. J’ai trouvé ce qu’ils font vraiment joli. C’est élégant, très féminin et en même temps pas guindé. Ça me ressemble beaucoup. Aussi, quand ils m’ont proposé de participer à l’exposition, j’ai dis oui.

La mode ne vous laisse pas indifférente apparemment…

J’adore la mode. Je suis d’ailleurs tout le temps en train de faire les boutiques ou de lire les magazines.

Après votre palme d’or pour  » Rosetta  » des frères Dardenne, vous ne cachiez pas votre admiration pour Gaultier. Est-elle toujours d’actualité ?

A l’époque, pour moi qui dessinais des robes, c’était évidemment une référence. Aujourd’hui, j’adore Lacroix, Paule Ka, Lolita Lempicka et Barbara Bui. Et j’aime aussi beaucoup Marc Jacobs ou Vuitton.

Comment choisissez-vous vos vêtements le matin ? Selon votre humeur ?

Oui, c’est ça. Je trouve que la façon de s’habiller, les silhouettes qu’on se construit grâce à la mode, transmettent beaucoup de son état intérieur. Parfois, je vois dans les magazines des créations et je me dis que ça correspond à mon état du moment. Du coup, j’essaie de les imiter.

Quelle est votre définition de l’élégance ?

Ça dépend. Le plus important, c’est d’être en accord avec soi. Moi qui adore le cuir, la soie et les matières fluides, je ne me vois pas par exemple en tailleur Yves Saint Laurent, même si je trouve que certaines femmes le portent avec une élégance incroyable. Si on est en accord avec soi, on est naturellement élégante.

Vous sentez-vous à l’aise dans votre corps ?

Oui, ça va. Ça dépend des jours. Si j’ai réussi à être disciplinée ou pas (rires). Je me sens en tout cas mieux que quand j’étais ado. A 14 ans, quand les rondeurs et les formes apparaissent, ce n’est pas évident. En plus, à l’époque, c’était la grande mode des top-modèles comme Cindy Crawford et Claudia Schiffer. Ce qui n’a évidemment rien arrangé.

Êtes-vous débarrassée de cette obsession ?

Complètement. J’ai une petite anecdote à ce sujet. Quand j’ai commencé à vivre à Paris, je sortais de temps en temps. Un jour, je me trouve aux Bains Douche, une boîte branchée, et je vois une personne très grande, très maigre, presque asexuée. Elle n’était pas belle. Sa maigreur lui donnait même un côté dérangeant. C’était sûrement un mannequin. Et je me suis dit :  » Mon Dieu, c’est ça qui t’a fait perdre la tête quand tu étais plus jeune.  » Je me suis sentie tellement plus jolie, plus séduisante, plus attirante que ce tas d’os décharné.

Vous avez tâté du théâtre. Entre le cinéma et la scène, votre c£ur balance ?

Non. C’est incomparable. Ce sont deux choses complètement différentes. Je ne pourrais me passer ni de l’une, ni de l’autre. Simplement, le théâtre demande beaucoup plus d’engagement. Donc, de temps en temps, c’est très bien.

Etes-vous sensible aux critiques ?

Oui. Mais je les évite maintenant. Je ne lis plus trop les articles qui me concernent. Comme je suis quelqu’un d’entier, tout ce que je fais, je le fais corps et âme. Donc forcément, quand une critique est mauvaise, je la vis comme une atteinte à ce que je suis.

Avec qui rêvez-vous de tourner ou de jouer ?

Je n’ai pas d’aspiration particulière. Je suis très contente de ce que je fais. Je vis tout au jour le jour. Je me sens tellement chanceuse de mener la vie que je mène que je n’ai pas d’envie particulière.

Qu’est-ce qui vous décide à accepter un rôle ?

C’est l’histoire, le personnage, la rencontre, tout ça en même temps. Mais je suis de plus en plus sensible au personnage. Il faut qu’il me demande du travail. Même si parfois j’y vais quand même parce que l’histoire me plaît vraiment beaucoup.

Ne craignez-vous pas d’avoir goûté au succès trop tôt ?

Non, je ne pense pas. Car je suis très curieuse et j’ai encore plein de choses à faire et à apprendre. J’ai toujours voulu jouer et ça m’amuse toujours autant. Je découvre tous les jours de nouvelles choses. Si plus tard, je me rends compte que je me lasse, je changerai de direction, c’est tout. Je ne suis pas inquiète pour ça.

Quel bilan dressez-vous de votre carrière ?

Plutôt positif. Il y a bien des contributions moins bonnes que d’autres, mais qu’importe, l’essentiel pour moi, c’est de ne pas être en souffrance. Or, si mon travail fait partie de mon existence, il ne la résume pas. J’ai une vie à côté du cinéma. C’est ce qui me permet de rester équilibrée.

Et d’être heureuse ?

Oui. Très.

Avez-vous peur de vieillir ?

Pas du tout. Au contraire. J’ai hâte d’avoir 30, 40, 50, 60 ou 70 ans. Plus le temps passe, mieux je me sens. Y compris dans mon corps.

A quelle actrice aimeriez-vous ressembler quand vous aurez 60 ans ?

Je trouve Sophia Loren très belle. Jane Birkin aussi vieillit très bien.

Qu’est-ce qui est le plus excitant ? La préparation, le tournage, l’après ?

Un tournage, c’est très excitant. Mais tout me plaît. Ce métier fait partie de ma vie. Sans prétention, c’est ma vie que je trouve excitante. J’ai l’impression de la mener comme je veux même si certaines choses nous échappent forcément. J’essaie d’accepter les événements comme ils se présentent, de faire confiance à la vie.

Si vous n’étiez pas actrice, que feriez-vous ?

J’admire les gens qui s’engagent dans l’humanitaire.

Accepteriez-vous de devenir ambassadrice de l’Unicef ?

Oui. Pour autant que j’aie le temps de m’y consacrer. Je refuse souvent les propositions pour devenir marraine de telle ou telle association parce que je sais que je n’ai pas le temps de tout faire en même temps. Si je m’engage, je m’engage à fond.

Qu’est-ce qui est le plus pénible dans ce métier ?

Il n’y a rien de pénible. Il y a bien des petits trucs qui sont agaçants, mais je ne veux pas mettre l’accent là-dessus. Laissons les gens rêver. Et puis on est quand même des gros veinards de faire ce métier.

Quel est votre remède contre les coups de blues ?

Je joue au poker ! En réalité, je joue tout le temps, pas seulement quand j’ai un coup de déprime. J’adore ce jeu.

Vous mentez bien ?

Pas vraiment. Mais j’apprends. C’est un super jeu. Surtout quand on est comédien. Il vous oblige à gérer vos émotions.

Etre belge à Paris, c’est très tendance…

Oui. Ça fait bien. Je m’en fous un peu mais je ne me sentirai jamais française même si je vis à Paris depuis longtemps.

Vous êtes-vous facilement intégrée à la vie parisienne ?

Oui. Je suis belge et en même temps parisienne. Le protocole m’emmerde mais je me sens à ma place dans cette ville où tout va à 100 à l’heure. Je l’adore. On a tout à portée de main ici.

Propos recueillis par Laurent Raphaël

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