Luxe et grand public ne sont plus vraiment antinomiques. La preuve avec le  » masstige « , nouvelle tendance économique qui relie ces extrêmes.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Les paris sont ouverts : le  » PerfectDraft  » sera LE cadeau de Noël masculin, millésime 2004. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Mais siiiiii ! Le produit ne sera disponible sur le marché belge que le 15 novembre prochain, mais tout le monde parle déjà de cette mini-révolution à la maison. Pire, les cafés sont en deuil et certaines épouses tentent même de retenir l’information, en vain. Concrètement, le  » PerfectDraft  » est un système ingénieux qui permet de servir de la bière pression bien fraîche à domicile. Comme dans un vrai bar, mais en version mini. Petite pompe, petit système de refroidissement interne et petit fût de six litres ( voir page 117). Le rêve de tout amateur de bière normalement constitué ! Certes l’appareil coûte 200 euros (moins un cent), mais la jouissance gutturale est, paraît-il, in-com-pa-ra-ble ( www.perfectdraft.com). Et puis, cela permet de faire de jolies fêtes à la maison.  » Une p’tite soirée PerfectDraft, les gars ? » C’est Madame qui va être contente ! Enfin, pendant ce temps-là, Monsieur ne traîne pas dans les bistrots… Soit ! Au-delà de l’anecdote brassicole, la commercialisation de cette fabuleuse machine est toutefois révélatrice d’une tendance consumériste de plus en plus marquée dans notre société : le  » masstige « , contraction anglophone des termes mass market et prestige pour désigner l’accessibilité des produits de  » luxe  » au plus grand nombre. Qui aurait parié, il y a dix ans à peine, que la majorité de la population occidentale posséderait aujourd’hui un téléphone portable, un ordinateur familial connecté en permanence sur la grande toile mondiale et quelques gadgets technologiques dignes des James Bond des années 1960 ? Pas grand monde. Et pourtant, le luxe à un prix abordable séduit désormais un nombre croissant de consommateurs moyens, grâce à une production massive et à un harcèlement publicitaire sans faille. Mieux : ce sont non seulement les produits prestigieux qui se vendent comme des petits pains, mais aussi toute une série de machines jadis réservées au secteur professionnel et adaptées désormais en version grand public. Comme le PerfectDraft ou encore le Dressman, sorte de robot gonflable qui repasse vos chemises en un tour de main ( www.siemens.com). Pris dans le tourbillon enivrant du  » masstige « , les foules deviennent évidemment de plus en plus exigeantes dans leur recherche du meilleur rapport luxe-prix. Malins, les fins limiers du marketing ont trouvé la parade en associant davantage des noms de prestige aux enseignes démocratiques. Après les grands chefs rétribués pour mitonner les plats préparés des supermarchés, voici donc venu le temps des stars du design et de la mode censés donner une valeur ajoutée aux produits de masse : Christian Lacroix pour le Petit Larousse, Karl Lagerfeld pour H&M, Philippe Starck pour Adidas… Bref, le luxe à portée de tous ou, plutôt, l’illusion du luxe pour le plus grand nombre. Une espèce de communisme libéral, en quelque sorte… Wow ! Karl, une bière, s’il te plaît !

Frédéric Brébant

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