Un patrimoine insolite et éclectique, superbement serti dans une nature baignée par les eaux paisibles des lacs de l’eau d’Heure, de Falemprise et de la Plate Taille… Notre deuxième Samedi Vif vous emmène dans une entité de charme réunissant pas moins de six villages adorables.

Le centre de Cerfontaine a une personnalité bien singulière. Ici, point de  » grand’place  » carrée avec un plan de rues bien structuré. On arrive dans un vaste endroit bien aéré, rythmé par des bâtiments spectaculaires et isolés. Les chefs-d’£uvre ? Cette bâtisse en pierre grise qui accueille l’école, la maison communale et l’office de tourisme ainsi que l’impressionnante église, coiffée d’un imposant clocher à barbacanes. Un peu plus loin, un bâtiment en briques rouges a des allures de petite gare. Il s’agit, en effet, de l’ancienne gare, curieusement bâtie sur un pont et désaffectée depuis bien longtemps. Classée, elle a été transformée, en 1973, en musée de la Vie régionale d’hier et d’avant-hier. C’est là que commence notre visite et que nous pourrons nous familiariser avec l’histoire et l’âme du village. A l’intérieur, règne un charmant et sympathique fouillis. Les multiples vitrines illustrent parfaitement les activités du passé : agriculture, chasse, travail des bûcherons et des carriers, travaux d’aiguille. Cerfontaine était jadis réputée pour sa belle dentelle, d’une finesse rare portée par toutes les élégantes de Cambrai et de Valenciennes. A l’époque, toutes les femmes du village faisaient de la dentelle dès l’âge de 15 ans. Les filles apprenaient le métier à l’école et ce, jusqu’en 1950. Les hommes, quand ils n’étaient pas bûcherons ou carriers, fabriquaient des sabots. A l’étage, un atelier de sabotier, admirablement reconstruit et mis en scène, nous familiarise avec ce métier devenu aujourd’hui obsolète.

Après le musée, direction l’église, étonnamment colossale et grandiose pour un si petit village. Si, à la fin du xixe siècle et au début du xxe, la population vivait dans une certaine précarité, la ville, en revanche, était très riche surtout grâce à la vente du bois. Et c’est bien elle, et non la paroisse qui a entièrement financé l’église. Dédiée à saint Lambert, premier évêque de Liège, elle fut achevée en 1884. Sa particularité ? Bâtie avec de la pierre grise locale dans le style néogothique sur un terrain marécageux, elle comporte davantage de blocs de pierres dans ses fondations qu’au-dessus ! A l’intérieur, elle affiche d’imposantes colonnes, des fûts construits d’une seule pièce. Tout autour, de très belles maisons racontent l’évolution du village. Les plus anciennes, datant du xixe siècle, sont en pierre du pays. Admirablement patinées, elles dégagent un très grand charme. D’autres, en briques rouges, indiquent une origine plus récente. Tout comme le ravissant kiosque à musique, construit en 1931 et aujourd’hui classé. Endroit préféré de tous les habitants, il s’anime plus particulièrement en juillet, lors des soirées musicales et, bien sûr, le soir de la Fête nationale où personne ne manquerait le barbecue et le feu d’artifice.

Pour flâner dans la belle campagne et découvrir les trésors de l’entité qui réunit 4 500 habitants répartis entre six villages, il faut emprunter le chemin des écoliers. Première halte : Soumoy, le plus petit des villages de l’entité avec ses 160 habitants et dont la richesse est un superbe château entouré d’un immense parc. Difficile de retracer avec précision son histoire. En 1516, Gabriel des Glimes, baron de Florennes, offre les terres à un certain Jacques de Roubaulx qui y fera bâtir une demeure particulière, sans doute remaniée par la suite. Aujourd’hui, le château de Soumoy a été racheté par un particulier et ne se visite pas. Le propriétaire est en train d’y construire cinq gîtes très haut de gamme donnant accès aux futurs locataires à la piscine et au court de tennis.

Deuxième étape de notre périple : Senzeille. Hissé au sommet d’une petite butte, cet adorable village, ramassé sur lui-même, offre des pano- ramas époustouflants sur les prairies avoisinantes et les massifs forestiers. On pousse la porte d’une modeste demeure, celle de Lucien Charloteaux (1870-1958), un horloger autodidacte et un astronome passionné, admis au sein de l’Académie des Sciences à Paris. Ce personnage singulier a passé une grande partie de sa vie à mettre au point une horloge astronomique. Un travail débuté en 1896 pour s’achever en 1912. Les treize cadrans de l’horloge insérés dans un meuble Empire sont actionnés par un seul balancier qui effectue 86 400 oscillations en 24 heures. Le mécanisme fonctionne toujours impeccablement et, en prenant son temps, on apprend bien des choses sur notre univers complexe. Les cadrans indiquent, notamment, la translation de la Terre autour du Soleil, le mouvement de la Lune autour de la Terre, le mouvement de rotation du globe terrestre sur lui-même, les cycles solaire et lunaire, les jours avec les signes de leur planète, les mois de l’année, les dates et signes du Zodiaque, sans oublier les constellations, telles qu’on les aperçoit… dans le ciel de Senzeille. Véritable curiosité, l’horloge attire des spécialistes et des amateurs de toute l’Europe, mais aussi de Chine et d’Australie.

L’entité de Cerfontaine, c’est avant tout une nature généreuse et intacte, admirablement préservée et mise en valeur. Bois et prairies se déploient sur 85 % du territoire. En prime, des superbes lacs baignent toute la région reconnu comme l’un des plus beaux sites de Wallonie. Chacun a sa fonction bien définie. Sur le lac de Falemprise on goûte aux plaisirs de la pêche et du pédalo. Le lac de la Plate Taille est dédié aux sports nautiques non motorisés, tandis que sur le lac de L’Eau d’Heure, les sports nautiques motorisés, notamment le ski nautique et le jet-ski, sont autorisés. C’est Samuel Demont, un guide nature et accompagnateur de randonnées au sein du Syndicat d’initiative, qui a mis sur pied des circuits pédestres familiaux et originaux. Non seulement, ils s’accompagnent de dégustations de produits du terroir, histoire de tisser les liens avec les producteurs et défendre les produits de bouche, mais ils prévoient des stages éducatifs pour les enfants afin de recréer une relation affective avec la nature. Samuel Demont est aussi à l’origine d’un nouveau concept baptisé  » Les Arbres vous parlent « . Il s’agit de repérer les zones les plus intéressantes pour les valoriser et y créer des parcours didactiques. La toute première est déjà opérationnelle. Elle englobe un milieu bocager, à savoir des pâturages ouverts délimités par des haies, et un milieu humide. A l’entrée de la zone, une table pour pique-niquer et des panneaux didactiques accueillent les visiteurs. En empruntant un sentier, on découvre au fur et à mesure des arbres remarquables, tels les charmes, les hêtres, les sycomores, accompagnés d’une fiche d’identité très exhaustive. Une balade s’avère ainsi très instructive pour les citadins.

Aujourd’hui, pour promouvoir l’ensemble du patrimoine, les responsables mettent les bouchées doubles. La priorité est donnée au développement du tourisme. Celui-ci a démarré en deux étapes. A la fin des années 1950, la création du Syndicat d’initiative a permis la création de terrains de camping (l’entité compte aujourd’hui 800 emplacements pour caravanes), ainsi que des promenades pédestres dans les bois. La seconde étape a été franchie en 1977, lors de la fusion des communes, avec la création, en 1978, de l’Office de tourisme. Aujourd’hui, les deux organismes sont complémentaires. Le Syndicat d’initiative se concentre plutôt sur l’aspect  » nature  » et, notamment, sur la création de nouveaux sentiers pédagogiques. L’Office de tourisme s’attache à promouvoir l’entité de Cerfontaine et joue, aussi, le rôle d’organisme fédérateur pour assurer la promotion de la région au sens le plus large.  » Nous avons mis sur pied l’asbl Groupe d’action locale de l’Entre-Sambre-et-Meuse constitué par les communes de Cerfontaine, Florennes, Gerpinnes et Walcourt, explique Christophe Bomblet, le très dynamique échevin du Tourisme et président de l’Office du tourisme. Financée conjointement par l’Union européenne via le projet Leader Plus, la Région wallonne, la Communauté française et les quatre communes, l’asbl développe trois types de projets : la mise en évidence des produits du terroir, tels les fromages de chèvre et de brebis, le miel ou la charcuterie, la recréation de sentiers à travers les bois et les champs et à la création de liaisons entre les sentiers des quatre communes participant au projet. Le troisième projet soutient et fait connaître folklore et plus particulièrement les Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Une valise pédagogique, destinée aux enseignants de niveau primaire.  » Héritage des processions du Moyen Age, les Marches ont pris une touche plus festive à l’époque napoléonienne. Dans le courant du xxe siècle, ce spectacle fastueux et haut en couleur, accompagné de tambours, de salves et d’odeurs de poudre s’est éclipsé durant les deux guerres, pour reprendre de plus belle dans les années 1960. Chaque année, environ 80 marches sont organisées entre mai et septembre dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. A Cerfontaine, la marche se déroule le 15 août (jour anniversaire de Napoléon !), sous le patronage de saint Lambert, patron de la ville. Elle réunit environ 400 marcheurs et 60 cavaliers. L’événement est toujours attendu avec une impatience fébrile. A ne rater, sous aucun prétexte !

Barbara Witkowska

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