Ces baskets plus vraiment blanches ont dix ans dans les lattes. Elles ressemblent furieusement, mais c’est voulu, à un modèle porté par l’armée autrichienne et que Maison Martin Margiela réplique maintenant depuis une décennie à peu près, en innovant à l’envi – une fois en cuir, une autre avec graffiti, une troisième recouverte de Scotch. Celles-ci sont taguées : elles portent les signatures de l’équipe et l’adresse bruxelloise, rue et mail, de la boutique MMM, repeinte, redécorée, rehaussée, voilà pour les détails. Et pour la dimension emblématique, on y verra, sans risque de se tromper, une paire d’icônes. Car ces chaussures de sport détournées racontent une histoire de mode belge. Où il est question de discrétion (seule compte la création), d’intemporalité (un vestiaire pour l’éternité) et de sillon à creuser (une garde-robe-réflexion).

Si Martin Margiela, formé à l’Académie d’Anvers (1979), fondateur de sa maison (1988) et retraité discret (2009) a marqué de manière indélébile les corps et les esprits, c’est parce qu’il a tout fait à contre-courant : préserver son anonymat, travailler en équipe, préférer le  » nous  » au  » je « , construire et déconstruire le vêtement, aimer l’oversize, oser les épaulettes surdimensionnées avant tout le monde et les abandonner quand elles seront  » tendance « , encourager la liberté d’expression, tout peindre en blanc, s’amuser des trompe-l’£il, remettre le classicisme à l’avant-garde. Et si cette boutique bruxelloise, qui fut la première en Europe, est à son image, c’est parce qu’elle fut fondée par Sonja Noël, présidente de Modo Brussels et confiée à Nicola Vercraeye, lequel connaît l’univers de  » Martin  » comme personne – on l’a vu, en backstage, il y a plus de vingt ans maintenant, jouer les habilleurs pour le premier défilé et les suivants… Aujourd’hui, il a élargi l’horizon, prévu un nouvel étage pour les hommes, ajouté un peu partout des miroirs, posé de la moquette-illusion parquet, tout blanchi ardemment, pendu sur les tringles toutes les collections MMM et même les vêtements parfaits nés de la collaboration avec Opening Ceremony. C’est que l’on ne fête pas n’importe comment les 10 ans d’un  » small shop  » de cette envergure : on poursuit son chemin, c’est en somme la meilleure définition de ce qu’est l’école belge. Nos créateurs, montés à Paris pour toujours ou pour le temps d’un défilé seulement, ne démentiront pas.

Carnet d’adresses en page 144.

ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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