Le tricot ? Very hype. La customisation ? Hypertendance. Les loisirs créatifs ? On ne peut plus chic… Mode et déco s’adonnent désormais au culte du  » do it yourself « . Le nouveau cri de ralliement des branchés du monde entier ? C’est moi qui l’ai fait !

Carnet d’adresses en page 63.

C’ est l’expression anglaise qui est passée à la postérité ces dernières années :  » do it yourself « . Impossible d’y échapper, magazines féminins et autres feuilles de bricolage s’en donnent à c£ur joie. Et enrichissent, à foison, leurs pages de petits travaux manuels. On customise, on personnalise, on transforme un pull en sac, on pare une chemise de paillettes. Tout, pourvu qu’on puisse ensuite clamer :  » C’est moi qui l’ai fait !  »

La tendance est très largement reprise par la jeune génération, et elle a permis à des marques chères aux bonnes-mamans de séduire les trentenaires et même les adolescents. Meilleur exemple : Phildar. Le label français a su surfer sur le retour en mode du tricot. Le mouvement est venu des Etats-Unis et a été porté par quelques stars hollywoodiennes û Sarah Jessica Parker, Julia Roberts et Sharon Stone en tête û surprises entre deux prises en train de tricoter. Passés l’Atlantique, les travaux d’aiguilles se mixent facilement avec la vague des loisirs créatifs. Phildar en profite pour donner des cours de tricot dans ses boutiques. La marque rajeunit ses fiches pratiques et vise les débutantes. Mieux, elle organise û au sein même de son entreprise û des petites pauses tricot le midi pour apprendre à la direction des Ressources humaines et autres salariés comment tricoter. En quatre ans, Phildar a augmenté ses ventes de 30 %. Mais elle a aussi sérieusement rajeuni sa clientèle. Les gros fils et les grosses aiguilles sont très prisés de ces nouvelles consommatrices qui confectionnent ainsi, en un rien de temps, écharpe multicolore et bonnet moelleux. C’est pour elles, encore, que Phildar a développé une ligne de kits de tricot. Des pochettes avec aiguilles et pelotes, pour réaliser une écharpe, un petit sac, des mitaines ou bien encore des jambières. Avec des tons flashy et un air un rien rétro, le concept fait florès et a conquis les rayons des Galeries Lafayette ou du Bon Marché, à Paris.

Alors que le magazine  » Elle  » a supprimé û faute d’intérêt û ses fiches tricot il y a quelques années, on assiste aujourd’hui à un vrai renversement de situation. Sur le Web, les blogs consacrés au tricot essaiment. Les cours et rencontres aussi. Entre tricot-thé et tricot-café, toutes les villes ont droit à leurs petits clubs branchés de tricot. Trentenaires en tête. Elles n’ont généralement pas connu leurs mamans en train de tricoter, et elles ont tout à apprendre. Oublié le tricot au coin du feu, désormais on tricote en communauté. Après le très branché Knit Café new-yorkais, c’est l’association Church of Craft qui pointe son nez outre-Atlantique. L’idée ? Le tricot est un acte révolutionnaire et anti-capitaliste ! Autrement dit, nous devons produire, nous-mêmes, le plus grand nombre de choses. Avec des groupes de paroles et tricot, avec quelques manifs aiguilles en main, l’association mise sur l’aspect communauté. Le webzine  » £il Laser  » analyse ainsi qu’après le  » do it yourself « , le  » do it together  » est peut-être la nouvelle manière de vivre les loisirs créatifs.

Tendance, c’est également le parti pris de DMC avec sa gamme Linea. Le fabricant de fils à broder a lancé, l’année dernière, une ligne de kits et petits guides destinés à une clientèle branchée et novice en la matière. Histoire de prouver que le tout était terriblement hype, Linea a même été en vente dans l’incontournable boutique parisienne, Colette. Chez Kingcom, le bureau de presse qui s’occupe de DMC, on explique que  » si le catalogue de point de croix représente toujours le plus gros des ventes, Linea a permis de toucher une clientèle qui n’avait pas l’habitude de broder « . L’occasion aussi de faire parler de DMC dans une presse qui rechigne habituellement à causer tricot et compagnie. Une presse féminine et branchée, plus pointue, comme  » Cosmo « ,  » Biba  » ou  » Jalouse « . Pendant les fêtes de Noël, DMC s’est même associé aux créateurs avant-gardistes de Lust Project, pour une série de transferts inédits et d’ateliers, en partenariat avec les Galeries Lafayette. Au programme : pas de fleurettes et compagnie, on préfère désormais broder têtes de mort et autres illustrations branchées sur des taies d’oreiller.  » DMC a conquis un créneau mode au sens pur pour toucher les créateurs de près. Ce genre de partenariat avec des créateurs de mode va désormais être récurrent et ponctuel « . Attendez-vous donc à quelques surprises à venir…

En pratique, les créateurs de mode reprennent à leur compte cet esprit  » fait-main « . Les collections en tricot, crochet, patchwork et compagnie se multiplient. La collection créée par l’artiste londonienne Tracey Emin pour Longchamp, en 2004, recourt à un savant mélange de patchwork, tissus de récupération, broderies et dessins : on jurerait que chaque sac est pièce unique. Chez Zadig et Voltaire, même envie de modèles rien qu’à soi avec des pulls en cachemire à personnaliser. Quant à Eastpak û non content de voir ses sacs personnalisés par tous les adolescents û il commercialise quelques versions relookées par des marques de prêt-à-porter comme Bellerose.

Mais le  » do it yourself  » a ceci de nouveau qu’il conquiert aussi le monde de la décoration. La grande mode du bricolage n’y est pas pour rien. Aujourd’hui, on n’opte plus pour une décoration destinée à durer vingt ans, mais pour des décors qui changent au fil du temps. On zappe ses rideaux dès que l’envie nous prend, on transforme un meuble ancien avec une couche de peinture, on se met à la mosaïque et on parsème les intérieurs de pampilles et autres fantaisies. Pas un chez soi aseptisé, mais un chez soi qui nous ressemble. Les magazines de décoration et de loisirs créatifs n’ont jamais été aussi nombreux. Et tous les programmes courts de télévision tentent d’égaler le succès culte de  » Du côté de chez vous « . Le programme, sponsorisé par Leroy Merlin et diffusé sur TF1, aurait été regardé 77 millions de fois depuis sa création en 1997. Et il obtiendrait, selon  » Libération « , un taux de satisfaction proche de 100 %.

Du coup, la déco personnalisée est une tendance que les fabricants ne peuvent ignorer. Chez DMC, on lance des kits de nappes, coussins, chemins de table et autres serviettes à broder. Chez Dylon, spécialiste de la teinture pour tissu chez soi, on surfe sur la vague de la customisation. Le site Internet de la marque dispense conseils et astuces pour feutrer et teindre une couverture, ou bien encore pour recolorer des serviettes de bain ou rajeunir des draps. Dans le catalogue de meubles et décoration par correspondance AM. PM., filiale de La Redoute, c’est une ligne de meubles en bois brut à peindre qui revient invariablement. Chaque saison, la chaise Isabel ou le fauteuil Nevers sont vendus bruts mais présentés en version customisée dans les pages du catalogue. Pois géants ou fleurettes, rayures bayadère ou rose pop, céruse ou laque, le maître mot est de se faire plaisir et de créer  » son  » meuble.

Les jeunes marques de design suivent le mouvement. Caroline Lisfranc, créatrice des Eurobears, ces ours à long bras, a lancé une ligne d’objets en tyvek û un papier plastifié û que l’on peut personnaliser à grand renfort de feutres, stylos et peintures. Mais c’est encore en matière de murs et surfaces que les nouveautés sont les plus nombreuses. Sur le même système que les cow sticks, ces autocollants qui permettent de parer un réfrigérateur de taches de vache, les magasins d’électroménager français Boulanger se sont associés à la styliste Agatha Ruiz de la Prada. Résultat : des pochettes d’autocollants repositionnables en formes de fleurs, de nuages ou de c£urs, avec des couleurs pop à souhait, et qui promettent de muer le plus simple électroménager en bête de mode. Pour acquérir ces pochettes à petits prix (15 euros), il faudra toutefois courir jusqu’en France.

Côté murs, le principe des stickers permet aussi de faire des merveilles. Les designers parisiens de l’atelier LZC développent une série d’autocollants avec branchages poétiques et oiseaux oniriques. Un univers à part entière qu’on peut ensuite disposer à sa guise chez soi. Tandis que Fleur de Kookyse pousse le concept plus loin avec des stickers en grand. Son slogan :  » vos murs sont sages, ils méritent des images « . Avec tiges de bambou, pois sixties et silhouettes d’enfant, la créatrice a choisi il y a cinq ans le mur comme premier support.  » Mais il faut bien avouer qu’à l’époque j’étais un peu en avance ! Les gens n’étaient pas très réceptifs. Depuis, les tendances ont évolué et le design de murs est devenu mon activité principale. Je travaille sur mesure pour des particuliers, des boutiques ou des restaurants. Et comme tout le monde ne peut pas faire appel à moi, mes kits de stickers sont une manière de rendre les choses plus accessibles.  » Et, comme les stickers de l’Atelier LZC, ceux de Fleur de Kookyse, qui se déclinent en quatorze couleurs, peuvent se coller sur meubles, voitures, fenêtres et autres petits riens à styliser de toute urgence. Histoire de s’approprier chaque objet et d’en faire û comme de son écharpe maison û une pièce encore plus unique.

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