Elle est la fille de Jane Birkin et de Serge Gainsbourg, mais pas que. Actrice et chanteuse, muse et maman…  » L’exquise esquisse  » s’accomplit en se démultipliant comme dans son dernier vidéoclip. En jonglant avec tous les rôles.

Au dernier Festival de Cannes, pour la montée des marches de Melancholia, le film de Lars von Trier, en compétition et dans lequel elle incarne la s£ur de l’héroïne, elle avait fait sensation en portant une robe noire transparente dévoilant son ventre rond. Charlotte Gainsbourg a depuis donné naissance, le 16 juillet, à Joe, son troisième enfant… Quelques jours avant de fêter son 40e anniversaire – la fille de Jane Birkin et de Serge Gainsbourg a poussé son premier cri le 21 juillet 1971. Son double LP Stage Whisper, lui, sortira en novembre prochain, mais le vidéoclip du titre Terrible Angels a déjà fait le buzz lors de sa mise en ligne sur le Web avec sa chorégraphie rock’n’roll mettant en scène une bande de clones.

Cet automne, Charlotte Gainsbourg prête une nouvelle fois son visage à un shooting griffé Balenciaga pour son parfum L’Essence (lire aussi en page 50). Lors de notre rencontre, bien que réservée, Charlotte s’avère pourtant moins distante qu’on ne s’y attendrait.  » C’est drôle, glisse-t-elle, comme les campagnes publicitaires peuvent révéler plusieurs facettes de votre personnalité. La première pour Balenciaga mettait en scène un versant plus doux, plus féminin de ma personnalité. Je me reconnais beaucoup mieux dans ces nouvelles photos, où j’ai l’impression de me mettre davantage à nu. C’est une image plus conforme à la réalité. « 

Comment avez-vous fait connaissance avec le directeur artistique de Balenciaga, dont vous êtes la muse ?

Notre rencontre remonte à une dizaine d’années. J’ai vu, je crois, son second défilé. J’avais reçu une invitation via mon agent, j’y suis allée, et nous avons été présentés peu de temps après. Nous étions tous les deux très intimidés. Nous avons travaillé ensemble à une ou deux reprises, fait quelques séances photos, et c’est ainsi que nous avons appris à nous connaître, petit à petit. J’ai beaucoup d’admiration pour la vision de Nicolas Ghesquière. Mais je porte souvent ses vêtements avec une saison de retard. Au début, je n’ose pas… Je ne suis pas une rock-star, mais pour la couverture d’un de mes albums, Nicolas m’a habillée de cuir noir : le rock sans les clichés. Dans ce cas précis, notre collaboration m’a énormément apporté. J’avais besoin qu’il écoute ma musique et qu’il l’apprécie. Sur scène, c’est important de porter des vêtements dans lesquels on se sent bien, mais sans qu’ils deviennent une armure. En tant qu’actrice, la montée des marches à Cannes, la cérémonie des Césars, c’est aussi porter une belle robe, ce qui ne me correspond pas forcément. Nicolas me fait essayer des tenues que je n’aurais jamais osé choisir toute seule. Il a toujours une longueur d’avance sur moi, dans la vie aussi… et donc, il me conseille parfois des pièces de sa collection que je ne peux vraiment pas porter. L’effort serait trop important. Mais un an plus tard, finalement, je les mets. Je vais lentement. Nicolas m’a également habillée une fois ou l’autre pour le Met Ball (NDLR : gala de mode annuel au profit du Metropolitan Museum à New York), ce qui m’a donné encore plus l’impression d’être complètement sous son emprise. C’était encore un jeu tout différent.

Vous étiez sa poupée ?

Exactement. Pour moi, ç’ont été des expériences agréables – mais les jeux le sont de toute façon, même lorsqu’on n’est pas complètement à l’aise… C’est très ambigu : on peut avoir des complexes tout en ayant envie de s’exposer.

Être filmée ou être photographiée, cela fait-il une différence pour vous ?

Je trouve que oui. Dans un film, on fait tout pour oublier qui on est, on se laisse aller aux émotions. Devant l’objectif d’un appareil photo, je n’y arrive pas. Je suis extrêmement consciente de moi, de qui je suis, de mon apparence, alors que pour faire vraiment du bon travail, il faut pouvoir s’oublier. Je fais ce que je peux, à ma manière… mais les vrais mannequins ont une assurance, un contrôle d’eux-mêmes que je ne possède absolument pas.

Vous avez pourtant déjà posé pour de nombreux shootings…

Pas tellement. Enfin si, mais ce n’est pas mon métier.

Mais quel est votre métier, d’après vous ?

Pour le moment, je ne fais rien. Enfin si, je vous parle. Mais en général, je préfère sauter d’un projet à l’autre : le cinéma, la musique, la mode… c’est excitant. Ce sont des mondes très différents, ce qui me permet de ne jamais sombrer dans l’ennui. Quoique je ne pense pas que je m’ennuierais si je n’avais été, par exemple, qu’actrice.

Que vous a appris votre maman ?

Énormément de choses. Énormément. Mais pour les résumer en quelques mots… (elle réfléchit). Sur le plan professionnel… peut-être le plaisir. Je ne pense pas l’avoir jamais entendue se plaindre. Je suis différente d’elle à cet égard. Mais c’est vraiment grâce à elle que je me suis, autrefois, sentie attirée par ce monde, même si j’ai aujourd’hui de mieux en mieux conscience qu’elle ne m’a montré que les beaux côtés du métier, du moins en ce qui concerne le cinéma. Monter sur scène, c’est une autre histoire. Elle a un trac terrible qu’elle ne m’a jamais caché – l’angoisse, mais aussi la manière de la gérer. J’ai beaucoup de mal à m’imaginer monter sur scène sans trac : ça fait partie du jeu.

Que vous a légué votre père ?

J’ai l’impression que ma manière d’aborder le métier m’a été entièrement dictée par mes parents. Ils n’ont jamais été blasés. Mon père a connu un succès relativement tardif, que j’ai vécu très consciemment. Je l’ai vu en jouir. Tous ces jeunes qui le regardaient presque comme un dieu, à la fin de sa vie, cela le touchait beaucoup… C’était important pour lui, et aussi pour moi. Mais je ne sais pas quel impact cela a eu sur moi, ce que j’en ai conservé. Mes parents ont été très importants pour moi. Ils ne m’ont jamais obligée à rien. Il est vrai que mon père a fait des films, des photos, des campagnes de pub. Il a touché à tout. Et peut-être que c’est justement ce qui m’a convaincue que tout était possible, qu’on pouvait s’essayer à tout. On me demande souvent quelle facette me plaît le plus, me convient le mieux. C’est dans le cinéma que j’ai la plus longue expérience, mais je n’ai pas vraiment de préférence. Une chanson me permet de m’exprimer autrement qu’un film, et c’est ce qui rend les choses si passionnantes.

Vous avez commencé dans la chanson, avec Lemon Incest…

En réalité, j’ai enregistré Lemon Incest avec mon père pendant le tournage de Paroles et Musique, mon premier film (NDLR : d’Elie Chouraqui, 1984 – la chanson est reprise, la même année, sur l’album Love on the beat de Serge Gainsbourg). J’ai donc fait deux expériences d’un coup, avant l’album Charlotte for ever, composé par mon père, en 1986. Puis j’ai arrêté la musique pendant plusieurs années… À l’époque de Lemon Incest, j’étais ado et complètement inconsciente, ce qui a certainement aidé. Pour le reste, je me suis présentée au casting de Paroles et Musique et j’ai eu de la chance. Par contre, j’ai toujours évité de me dire que j’allais marcher dans les traces de mes parents… sinon, je n’aurais jamais commencé. Cela aurait été un énorme handicap. Ma naïveté m’a poussée à tout faire à ma manière, même si j’avais évidemment conscience de devoir beaucoup à mes parents. Ma mère avait par exemple rencontré par hasard la directrice de casting de ce film… mais après un certain temps, je me suis dit que j’avais fait mes preuves : si je n’avais vraiment eu aucun talent, cela n’aurait pas continué. Reprendre la musique, bien plus tard (NDLR : en 2006 avec l’album 5 : 55), a été beaucoup plus difficile. Je ne me sentais pas suffisamment bonne par rapport à mon père, qui représente tant pour moi. Mais en définitive, le plaisir a pris le pas sur mes doutes, et j’ai commencé à faire ce dont j’avais envie. La démarche n’a toutefois pas été sans peine.

PAR JESSE BROUNS

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