Christine Laurent

Presque toute l’année, assignés à résidence. Obligés de subir le train-train, les tensions du boulot, les embouteillages, le sans-gêne des voisins, le stress, les fins de mois difficiles, bref les inévitables tracas et tracasseries. Alors, l’échappée belle, le grand saut vers l’ailleurs, on en rêvait déjà depuis plusieurs semaines, voire des mois. Les vacances, enfin ! Tout laisser là, au diable le quotidien, vive l’aventure, l’inattendu, les cieux plus bleus, le bonheur enfin, qu’il se niche dans le pré, sur le sable ou dans un fjord perdu dans les brumes du nord ! L’important, n’est-il pas d’échapper à notre  » prison  » de tous les jours, à la routine, au déjà et trop vu ?

Capter l’inconnu, la belle aventure ! Mais les valises à peine bouclées, juste au moment de glisser la clé dans la serrure, un brin de tristesse, juste un soupçon, trois fois rien, la gorge qui se noue, un frémissement d’hésitation. Partir, oui, mais en mourant un peu, juste un petit peu. Le temps de s’ébrouer, de se ressaisir. Rien de bien inquiétant, non. Il paraît même que cette fraction d’angoisse est indispensable pour pouvoir jouir pleinement du voyage à venir. S’arracher pour que le plaisir futur puisse être complet. Une étape qui favorise le passage entre l’avant et l’après.

L’après ? Bouger, partir, s’évader. Se mettre au vert, fuir la promiscuité (enfin de moins en moins), être maître de son temps… Ne rien faire, surtout ne rien faire.  » Buller « , lâcher prise, se laisser flotter, loin, bien loin de l’agitation. Pas si facile. Car il y a mille et un désirs à assouvir. A commencer par ceux que l’on n’a pas eu le temps de réaliser pendant l’année. Pas question de laisser échapper la moindre opportunité de concrétiser les plans mirifiques de rattrape que l’on avait concoctés pour l’été. Pas de passage à vide non plus. Les vacances se doivent d’être riches, intenses, excitantes, originales, remplies, au risque de déborder parfois. Même la météo est priée d’être au rendez-vous. Le grand suspense désormais quand tout chavire et que l’on gèle au sud pour suer dans le nord.

Ainsi au fil du temps,  » le repos pour le dur labeur accompli  » a-t-il évolué vers une nouvelle forme de stress plus larvée, souterraine, difficile à identifier sans véritable recul. Non, hélas, les vacances ne pourront jamais absorber la pléiade de vies fantasmées. Pis. Le retrait du monde, la petite fugue seront éphémères. A peine un chasse-spleen, un temps béni, une apnée, et encore, à la condition, indispensable, de larguer vraiment les amarres.

Christine Laurent

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