Chaque année, les amateurs de jardins d’Angleterre et du monde entier se donnent rendez-vous à Londres pour le Chelsea Flower Show. Le must du millésime 2003 de cet événement haut en couleur ? Le grand retour de la nature et du naturel.

(*) Les informations sur la RHS et un dossier complet sur le Chelsea Flower Show 2003 peuvent être consultés sur www.rhs.org.uk

Depuis 1913, la très british société royale d’horticulture organise, à Londres, à la fin du mois de mai, le très sélect Chelsea Flower Show. A l’origine, ce rendez-vous de l’élégance et du hype botanique, connu sous le nom de The Great Spring Show, se tenait à Kensington. Aujourd’hui, il a lieu dans le cadre enchanteur du Royal Hospital de Chelsea. Quelque six cents exposants sont venus cette année y exposer leurs créations, réparties en vingt-deux  » show gardens « , douze  » chic gardens « , dix  » courtyard gardens « , dix  » city gardens  » et sept  » Sunflower Street gardens  » (*). Il ne faut pas moins de quatre hectares et demi pour accueillir les £uvres botaniques de pépiniéristes issus de pays aussi exotiques que la Jamaïque ou l’Afrique du Sud. Pour les professionnels, c’est l’occasion de mettre en valeur leurs nouvelles variétés pour les faire connaître au public. Chacun de ces stands fait l’objet d’une présentation soignée, à l’image du jardin de rosiers classiques proposé cette fois-ci par Peter Beales, l’auteur de nombreux livres pratiques sur le jardinage. Enfin, cerise sur le gâteau, la multitude de plantes de l’exposition sont à vendre, l’après-midi du quatrième jour.

Mais le véritable spectacle se trouve dans les jardins spécialement réalisés pour l’occasion. Quelle que soit leur taille, d’une vingtaine de m2 à plus d’une centaine, ces espaces éphémères surprennent tout d’abord par l’impression de pérennité qu’ils dégagent. Les paysagistes qui participent à la manifestation doivent prévoir leur travail jusqu’à deux ans à l’avance. Outre la recherche des matériaux, la construction des structures et des infrastructures, il faut en effet que toutes les plantes choisies soient en fleurs le jour J, du plus simple coquelicot au chêne le plus majestueux.

Fascinant : la maturité que ces jardins affichent pour le plus grand bonheur des visiteurs. On a vraiment l’impression qu’ils ont toujours été là. Epoustouflant : une clairière sauvage au bord de l’eau semble avoir été prélevée au milieu de la forêt et transportée, comme par magie, sur les bords de la Tamise. Or elle a été réalisée de toutes pièces par les détenus d’une prison ouverte du Gloucestershire.

Signe des temps, ce genre de composition naturelle et sauvage fut particulièrement à l’honneur lors de cette édition 2003. Et on n’oubliera pas de sitôt ce superbe jardin présentant un fragment de paysage avec une fausse rivière et un pont en pierre du Yorkshire, l’un des comtés les plus charmants d’Angleterre. Le pont lui-même a été spécialement préparé par un spécialiste de la restauration du patrimoine en pierre. Plus commercial, le jardin du vignoble californien Bonterra a séduit un très large public par sa luxuriance.

Lauréat toutes catégories du jury, le jardin sponsorisé par Laurent Perrier était, lui, d’une sophistication presque surnaturelle. Raffiné et sauvage, il était envahi de nuées de graminées et de digitales blanches, abritées sous la ramure de cornouillers blancs. En revanche, James Dyson, l’inventeur des fameux aspirateurs design fonctionnant sans sac à poussières, a suscité la polémique. Il lui a ainsi été reproché d’avoir choisi des couleurs inhabituelles pour un jardin tels que des feuillages rouges, cuivrés ou argentés. En outre, son jardin ne comportait pas de plantes en fleurs… Inventif en diable, James Dyson avait pourtant réalisé quelques prouesses techniques comme cette fontaine transparente où l’eau semble remonter une pente par effet d’optique ou ces sièges en verre, pouvant accueillir quatre personnes, qui sont maintenus avec un simple fil d’acier. Quant à ses grands vases en cuivre déposés sur la pointe, ils en ont intrigué plus d’un.

Les essais de jardin contemporain représentent la deuxième grande tendance du Chelsea Flower Show 2003. Rares sont ceux qui arrivent cependant à éviter la mise en scène d’objets, de mobilier ou de décors, oubliant que l’on peut avoir une vision contemporaine du jardin en utilisant exclusivement des plantes, comme le fait magistralement le jardinier belge Erik Dhont. Parmi les projets les plus remarquables, on trouve les jardins du cheik Zayed d’Abu Dhabi et de Lladro, dessinés respectivement par Christopher Bradley Hole et Fiona Lawrenson. Tous deux associent une toile de fond de murs aux teintes ocre vieux rose et des plantations très poétiques qui établissent un lien entre la nature et l’Homme de demain. Epoustouflant, lui aussi, l’intrigant Microcosme de Mark Paine qui joue l’accord  » inside-outside  » et décline les formes en trois dimensions.

Beaucoup plus trendy, en revanche, certains jardins n’hésitaient pas à mettre des peoples à contribution. Le top model Jodie Kidd a par exemple posé devant le jardin Catwalk évoquant les podiums des défilés, vêtue d’une robe tout spécialement dessinée pour la circonstance par Julian MacDonald. En bonne ambassadrice des produits Ambre Solaire, Kim Wilde était attendue au jardin conçu par Garnier. Quant à Liz Hurley, on dit qu’elle est passée avec le duc et la duchesse de Bedford… Mais le moment le plus intense fut réservé au batteur des Beatles. Ringo Starr en personne, accompagné de son épouse, est venu soutenir le jardin Octopus (le poulpe), dédié à la défense des récifs coralliens menacés. Bon enfant, il s’est prêté à une courte séance de photos, expliquant au passage que la connaissance des plantes, il la laissait à son jardinier.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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