Dans un marché qui a parfois le moral dans les chaussettes, la mode masculine porte beau : un taux de croissance mondial de 15 % en 2011 – deux fois plus que pour la Femme – et, pour ce qui est des labels italiens, des exportations en progression de 10,4 % sur la même période. C’est que, combiné à l’augmentation du niveau de vie dans les pays émergents, où la classe moyenne s’embourgeoise et entend le montrer notamment à travers des marques statutaires, l’euro faible pèse en faveur du secteur.

Au lendemain du Pitti Uomo, Raffaello Napoleone se réjouissait de cette évolution positive, mais en se gardant de tout débordement d’enthousiasme : à en croire le directeur général de ce salon bisannuel qui fait office de baromètre dans la profession, 2012 n’affichera pas un bilan comptable aussi positif. Menaces de taxes sur le luxe, chiffres de vente qui fléchissaient dès les premiers mois de l’année… autant d’éléments incitant les grandes maisons à la prudence, par le biais de collections capitalisant sur les valeurs sûres. Peu de prise de risque, donc, pour l’hiver qui s’annonce : preuve parmi d’autres, le manteau, pièce maîtresse du vestiaire Homme depuis que la mode existe, était systématiquement mis en avant dans les défilés. On a connu plus novateur comme propos. Tout au plus lui attribue-t-on un double boutonnage – là encore, rien de révolutionnaire – ou le décline-t-on dans des matières moins usuelles, comme le cuir laqué chez Jil Sander ou le croco chez Hermès.

Mais les griffes savent aussi que trop jouer placé peut avoir un effet pervers sur les ventes : comment, de fait, déclencher la pulsion d’achat si l’on ne propose rien de neuf ? Face à ces injonctions paradoxales, il faut aux directeurs artistiques une solide dose de créativité pour échapper à la schizophrénie. Démonstration magistrale avec Christopher Bailey ( lire son interview en pages 52 à 56) qui, tout en dessinant des silhouettes très  » my tailor is rich « , redingotes, casquettes de tweed et cannes à pommeau à l’appui, réalise le premier tweetwalk, soit un défilé au cours duquel les photos des mannequins sont publiées sur Twitter en temps réel et les vêtements immédiatement disponibles sur le Net. Un tour de force qui n’a finalement rien d’étonnant quand on se rappelle qu’à son arrivée chez Burberry, il a misé simultanément sur le bon vieux trench, emblème de la marque british, et sur le développement du commerce en ligne à une époque où pratiquement aucun fleuron du luxe n’y croyait…

DELPHINE KINDERMANS, RÉDACTRICE EN CHEF

COMMENT DÉCLENCHER LA PULSION D’ACHAT SI L’ON NE PROPOSE RIEN DE NEUF ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content