On appelle ça le lipstick index. Tout comme les ourlets rallongeraient en période de récession, les femmes consommeraient aussi davantage de rouge à lèvres, et plus généralement de cosmétiques, quand la croissance est en berne. Bien sûr, depuis que Leonard Lauder, président émérite du conseil d’administration de la firme fondée par sa mère, a émis cette théorie basée notamment sur les comportements d’achat après la Grande Dépression de 1929, il a été remis en cause par certains experts. Pour preuve, arguaient ces derniers, les bénéfices du groupe Estée Lauder ont chuté directement après la crise des subprimes et l’explosion de la bulle financière, avec pour conséquence le licenciement de deux mille employés. Mais le vieux Leonard, qui a récemment fait don de sa collection d’art cubiste estimée à un milliard de dollars au Met de New York et qu’on ne peut décemment pas soupçonner d’être un nain en matière d’économie, n’avait pas dit son dernier mot. Dès le troisième trimestre 2008, il annonçait une hausse de son chiffre d’affaires…

Les marques de luxe n’ont d’ailleurs pas fini d’exploiter le juteux filon du maquillage, produit d’appel qu’elles valorisent à tout va, par la pub mais aussi à travers les défilés de mode, vitrine de choix s’il en est. Au fil des saisons, on a aperçu sur les podiums des bouches bordeaux, puis  » nude « , puis carmin, puis orange mat ou fuchsia. La toute dernière tendance ? Un rose framboise délavé, comme chez Prada. Mais le bâton de rouge n’est pas le seul à en voir de toutes les couleurs ; la formule magique vaut pour à peu près tous les éléments de make-up. Ainsi a-t-on constaté une augmentation des ventes de laque à ongle de 11 % en 2009, et de 54 % l’année suivante. NPD, leader mondial en études de marché, estime qu’en sept ans, ce secteur a doublé, en valeur comme en volume. Il faut dire que les vernis multiplient les nuances à l’infini, pour devenir des must-haves temporaires, comme l’étaient déjà les sacs, lunettes et chaussures avant eux. Ce printemps, Dior mise sur les duos de tons. Et Essie Pro (groupe L’Oréal) a eu la bonne idée de s’associer à Kenzo pour proposer dans les boutiques parisiennes de la griffe une manucure parfaitement raccord avec ses imprimés flashy. Du kaki, du bleu électrique, du turquoise ou du vert jade désormais disponibles aussi en ombres à paupières, crayons et mascaras chez Lancôme, Chanel ou Yves Saint Laurent. Parce que quand les temps sont durs, la parade consiste peut-être à oser la débauche de pigments pour se dire que l’avenir n’est pas si sombre. On appelle ça la méthode Coué.

DELPHINE KINDERMANS, RÉDACTRICE EN CHEF

LE BÂTON DE ROUGE N’EST PAS LE SEUL À EN VOIR DE TOUTES LES COULEURS.

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