Chroniqueur ou blogueur ?
Patrick Rambaud l’a dit. Il l’a surtout écrit. Il déteste les blogs. L’auteur ne supporte pas ces digressions sans fin, sur rien ou soi-même, ces étalages sans intérêts de ses propres goûts, ses envies. Il ne se sent pas concerné.
Je suis comme lui. Les blogs m’ennuient. Quel besoin de se raconter dans les moindres détails, d’affirmer ses préférences, sa vision du monde, ses soucis ? Les honneurs reçus, les ranc£urs. Ecrire comme on parle, sans réfléchir, sans style. Avec pour seul moteur, ce besoin de consigner au jour le jour le moindre événement de sa propre existence pour l’exposer aux autres. Halte là !
Je vois s’élever les objections légitimes. Que faisons-nous, Rambaud et moi, à raconter nos vies ? J’ai honte soudain.
Que suis-je de plus que cette armée d’anonymes pour déclarer ici au fil des semaines j’aime ci, j’aime pas ça. J’ai fait ci, j’ai pas fait ça. Je veux aller là. Je peux pas encadrer ça…..
Et alors ? ça intéresse qui ? Je m’interroge.
Comment se fait-il que je me réjouisse des impressions notées par Rambaud dans son journal rédigé pour Libération ?
Que je raffole des petits billets d’Alexandre Vialatte publiées autrefois dans le quotidien auvergnat La Montagne ? Modèles d’humour, de précision et de légèreté, les deux colonnes hebdomadaires du romancier ont pris le pas sur ses romans. De 1952 à 1971, elles lui permirent d’établir un record de longévité – vingt ans et 888 chroniques – en peaufinant le portrait d’une époque vue comme ça lui chantait.
Sans parler des Chroniques mélancoliques d’Antonio Lobo Antunes. Ecrits pour une revue à Lisbonne, ces » petits textes sans prétention » selon leur auteur, jouent sur les petits riens du quotidien, l’obsession du temps qui passe, l’enfance disparue. Plus accessibles que l’£uvre romanesque du romancier portugais, ces articles n’étaient pas destinés à devenir des livres. Ils le furent, avec succès.
Reste la question essentielle. Parler librement est-ce tout dire ? Vous connaissez la réponse. Voilà le secret.
(*) Chaque semaine, la journaliste et écrivain Isabelle Spaak (Prix Rossel 2004 pour son roman d’inspiration autobiographique Ça ne se fait pas, Editions des Equateurs) nous gratifie de ses coups de c£ur et coups de griffe.
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