Chineuse dans l’âme, la créatrice de lingerie de luxe a conçu la décoration de cet ancien presbytère normand du XVIIe siècle en harmonie avec le style qu’on lui connaît, volontiers sexy et impertinent.

« J’aime le rose car cette couleur est très flatteuse pour la femme, elle donne un joli teint.  » Chantal Thomass a mis toute son énergie dans la rénovation et l’aménagement de cette vaste demeure normande, qui faisait autrefois office de presbytère. Plus de deux années ont en effet été nécessaires pour achever les transformations des différents étages de l’habitation.  » Nous cherchions, mon mari Michel et moi, une maison en province, mais pas trop loin de Paris, raconte la créatrice à l’immuable frange noir. Mais la rase campagne me fait peur et il était donc hors de question d’habiter dans une ferme isolée. Nous voulions un juste compromis entre zone urbaine et monde rural, nous l’avons trouvé dans cette petite ville de la région du Perche. Côté rue, vous êtes au centre du bourg, à deux pas des commerces. Je fais d’ailleurs mon marché à pied. Côté jardin, nous n’avons en vis-à-vis que des champs et des prés, qui s’enchaînent à perte de vue, jusqu’à l’horizon.  »

La bâtisse, dont les parties les plus anciennes datent du XVIIe siècle, compte d’autres atouts qui contribuent à son charme. La styliste déclare  » avoir d’emblée été séduite par le côté Belle au bois dormant de l’endroit « . Il est vrai qu’on a le sentiment que le temps n’a pas eu prise sur ces murs. Une perception due notamment aux belles proportions et à la dimension humaine des pièces de ce logement. En un mot, le tout est confortable et paisible à la fois.

Répartis sur trois niveaux, sans compter de magnifiques caves voûtées en sous-sol, les volumes, à l’image de ceux des salons et des chambres, ont été pour la plupart conservés. D’importants et longs travaux se sont cependant avérés indispensables, parce qu’il fallait moderniser l’édifice, en termes d’équipements, de normes techniques, etc. Pour ne donner qu’un exemple, des saignées ont été percées pour intégrer dans les parois des conduites d’eau et de chauffage, mais aussi des câbles électriques, ce qui a permis d’installer des éclairages sous forme d’appliques un peu partout.  » J’aime les lustres, anciens de préférence, mais je préfère la lumière indirecte et latérale « , confie la propriétaire des lieux.

DOSAGE ÉCLECTIQUE

Chantal Thomass a mis à profit les deux années qu’a duré le chantier pour travailler sur la décoration. En chineuse passionnée – elle affectionne particulièrement Paris et, plus encore Bruxelles pour faire la tournée des antiquaires et brocanteurs -, elle ne se sépare jamais d’un cahier dans lequel elle a réuni les plans de son domicile.  » Une partie du mobilier et des objets provient d’une autre maison que nous avions en Normandie. Mais vu la taille de cette construction, et l’état déplorable dans lequel elle se trouvait, nous avons beaucoup cherché afin de dénicher des carrelages, des cheminées, des marbres ou encore des accessoires de salle de bains… « , se souvient-elle.

Le rez-de-chaussée est consacré aux zones de vie : la grande cuisine d’un côté, le bureau et les deux salons de l’autre. Dans le plus grand d’entre eux, on est tout de suite captivé par la palette utilisée : les gris servent de note de fond et mettent en évidence le rose et le noir profond des fauteuils. Chaque élément a été soigneusement sélectionné, selon un éclectisme savamment dosé. Pour peu, on se croirait dans l’antichambre d’un boudoir.

Lorsqu’elle imagine un aménagement, la créatrice aime s’appuyer sur un thème, comme pour la salle de bains de sa chambre ornée de nombreux miroirs face à main. A la verticale de la baignoire se dresse une plaque de marbre noir :  » Elle fait partie d’un lot de dessus de commodes en pierre naturelle que j’ai déniché dans une vente. Je les ai placés dans les salles d’eau ; ils remplacent de manière plus originale les carrelages en céramique que je n’aime pas employer.  » Certaines trouvailles sont réellement le fruit du hasard, résultat de ses pérégrinations chez les brocanteurs ou dans les salles de vente.  » Dans le bureau, par exemple, nous avons suspendu une très ancienne carte de France encadrée en six parties. En dessous, se trouve une console sur laquelle sont disposés quelques jolis globes terrestres, dont deux m’ont été offerts par des amis.  »

Bien des détails participent au cachet particulier de cette propriété, comme les papiers peints.  » Ça apporte plus de chaleur et permet de décliner un thème, constate la maîtresse des lieux. C’est le cas de « la chambre aux oiseaux », un nom qui vient du motif Birdcage World de Nina Campbell qu’on y a mis. Depuis lors, j’ai développé ma propre collection, soit une vingtaine de modèles qui sont édités par NeoDKO, une entreprise qui oeuvre dans le sur-mesure.  »

On peut s’arrêter un instant également sur le plancher gris et blanc cassé de cette fameuse  » chambre aux oiseaux « . D’autres sols de ce niveau, en ce compris celui du long hall, ont ainsi été mis en couleurs de diverses façons, en imitant les carrelages.  » Nous avons dû remplacer une partie de ces revêtements. Il était donc impensable de les laisser à l’état naturel. C’est ainsi que l’idée est venue de réaliser ces peintures, de manière à uniformiser l’ensemble, dans la variété.  »

La chambre principale combine, elle, tous les ingrédients de la décoration signée Chantal Thomass : ses coloris préférés, du mobilier chiné, des appliques en cristal, certaines avec pampilles, des tapis et tissus, à l’image de ce couvre-lit bleu gris, accordé aux tentures. Au pied du lit, on notera un meuble original, à savoir un ancien brancard qui permettait dans le passé de porter les saintes statues durant les processions. Preuve de l’éclectisme affirmé du projet dans sa globalité, dans une autre chambre trône un magnifique lit de style baroque portugais, datant du XVIIIe siècle et couvert d’un boutis rouge flamboyant.

BELLE HARMONIE

La reine de la lingerie de luxe profite aussi des multiples voyages que nécessitent ses activités professionnelles pour ramener des objets venus du monde entier. La chambre de sa fille, située au second, sous les toits, est un véritable recueil de ces souvenirs de globetrotteuse, à l’instar de ce papier peint japonais longtemps conservé dans l’attente de pouvoir lui trouver une destination. L’antre de son fils, plus masculin, occupe un magnifique espace sous les combles.  » Nous n’avons pas voulu le segmenter pour créer une salle de bains attenante. J’ai trouvé un jeu de cinq volets anciens que j’ai fait adapter sur une grande ossature d’armoire. Ce meuble est suffisamment imposant pour cacher l’essentiel de la pièce d’eau « , note la conceptrice.

Ces chambres du second étage constituent les deux exceptions qui confirment la règle puisqu’on n’y trouve aucune allusion au ton fétiche de Chantal Thomass.  » Selon le volume et la luminosité, j’ai décliné le rose en différentes tonalités et je l’ai combiné avec des gris, que ce soit sur les murs ou sur le mobilier, détaille-t-elle. En fait, je n’apprécie pas la teinte naturelle du bois.  »

Du bois, il en est toutefois question dans la cuisine, soit la zone qui a exigé le plus de travaux. Idéalement située au sud, avec accès direct au jardin, elle offre un grand volume, haut de plafond, qui abrite à la fois le coin de préparation des repas et la salle à manger, séparés visuellement par des armoires rehaussées d’étagères à verres, ces meubles ayant été façonnés par un ébéniste local –  » La transparence permet de garder le contact entre les invités et nous.  » Le gris domine ici, les notes de rose étant apportées par des accessoires comme la poubelle.

Une chose est certaine, cet ancien presbytère a été transformé pour être totalement en harmonie avec les collections de la créatrice. Pour cette même raison, cette dernière aime s’y retrouver pour prendre le temps de préparer de délicieux repas pour ses proches, et pour y accueillir ses petits-enfants, en grand-mère modèle…

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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