Après une rénovation inspirée, la maison-atelier du sculpteur Karel Aubroeck, à Tamise, est aujourd’hui une belle demeure au style classique contemporain. Un charme fou !

« Ce fut un coup de foudre. En quinze jours cette maison était la nôtre.  » Mais dès la première visite, Marc Massa, architecte d’intérieur, et Roger Liekens, ingénieur en construction, avaient aussi mesuré l’ampleur de l’aventure dans laquelle ils allaient se lancer : la rénovation d’une énorme bâtisse, érigée en différentes phases par le sculpteur Karel Aubroeck (1894-1986).

C’est en 1928, à l’âge de 32 ans, que l’artiste construit sa maison, dans le style Art déco, en s’inspirant des lignes symétriques du temple dédié à Isis, originellement situé dans l’île de Philae, sur le Nil. A trois reprises et en moins de dix ans, son atelier fait l’objet d’agrandissements conséquents. Cela, afin de pouvoir exécuter des £uvres monumentales. Coup sur coup, deux commandes emblématiques lui sont en effet passées : en 1931, l’érection de la tour de l’Yser à Dixmude et, sept ans plus tard, celle du monument au Roi Albert Ier à Nieuport. La façade principale de la demeure illustre cette évolution dans le temps et, corollairement, dans les styles, qui se succèdent, des arts décoratifs au modernisme. Posés en relief sur le mur, la mention De Uil (le hibou) fait référence à la toponymie des lieux, ce quartier de Tamise ayant pour nom Uilenberg (le mont aux hiboux).

Lorsqu’ils acquièrent le bien, Marc Massa et Roger Liekens le trouvent légèrement altéré. Au fil des ans, l’ensemble a en effet été partagé en deux cellules familiales : celle du sculpteur et celle occupée par sa fille et sa famille de cinq enfants. L’artiste a vécu ici jusqu’à sa mort, en 1986, et sa fille jusqu’en octobre 2002, au moment de la vente. Mais après trois années de chantier, la propriété est superbe.

Les nouveaux propriétaires sont peu intervenus sur l’enveloppe du bâtiment.  » Nous avons repeint l’extérieur en blanc, ce qui aplanit les différences des styles. Mais nous avons complètement déshabillé l’intérieur pour mieux pouvoir l’équiper. A l’exception des deux ateliers, tous les sols ont été modifiés. Dans le grand hall et dans la cuisine, nous avons utilisé un marbre belge. Dans les autres pièces, nous avons placé du chêne selon différents motifs. « 

Il était aussi nécessaire de revoir les circulations, de les créer même.  » Une seule porte assurait la connexion entre le privé et les ateliers. Nous en avons placé plusieurs. Pour souligner la grandeur des volumes, elles occupent toute la hauteur de ces pièces. On trouve aussi une porte haute – vitrée cette fois – dans la cuisine. Elle donne accès au jardin arrière.

Aujourd’hui, De Uil a retrouvé sa triple fonction : habitat, salle d’exposition et lieu de créativité. Au rez-de-chaussée, la confusion entre les deux premières fonctions a soigneusement été organisée. L’immense hall – mi-salle de réception, mi-salon d’été – est pavé de dalles de marbre gris de 1,10 m de côté. Il apparaît comme une extension du salon intime, habillé, lui, de larges planches anciennes en chêne naturel. Impression confirmée par le feu ouvert qui communique avec les deux pièces.

Tant les objets – des bols en argent de David Huycke et de Annemie De Corte, les vases du céramiste Bruno Gambone, dont son hommage au peintre Lucio Fontana (1899-1968)… – que les mobiliers – une console d’Emile Veranneman (1924-2003), la chaise Cockfighter garnie de cuir de chevreau rouge, le meuble Tall Boy, la console italienne, les lampes de Gilardi… – donnent le sentiment que tous les éléments de décoration ont été soigneusement choisis. Toutes les longues tables – celle de la bibliothèque et celles des ateliers – sont supportées par des tréteaux ; la plus impressionnante tablette étant taillée dans un tronc d’arbre exotique massif.  » Ces tréteaux sont réalisés par le même artisan malinois qui confectionne tous nos fauteuils et nos canapés. « 

La bibliothèque est dotée d’une baie vitrée panoramique. L’étage, lui, est conçu comme une suite d’hôtel. Le sol en noyer est le trait d’union entre les différentes pièces : dressing (avec son amoire à chemises très anglaise, également exécutée en noyer), salle de bains (avec robinetterie Mem) et chambre. A épingler : la salle de bains est plongée dans une ambiance japonisante, suggérée notamment par certains éléments de mobilier ou des vases à saké et la teinte rouge brique des murs. Autour du lit, établi en contrebas, on a disposé un tapis tissé main.

C’est de l’étage, où se trouvent aussi les bureaux, que l’on peut apprécier au mieux une des perles de cette rénovation : le jardin d’inspiration Art déco conçu par l’artiste floral Daniël Ost. L’évocation de l’Escaut voisin est double : dans les plans d’eau rectangulaires et dans les  » vagues  » de buis qui évoquent l’influence des marées sur le fleuve. Le jardin accueille aussi une sculpture en bois brûlé de Bart De Zutter… Tandis qu’une des dernières £uvres de Karel Aubroeck, La Fille à la balle, salue les visiteurs au moment où ils franchissent le seuil de la maison.

Carnet d’adresses en page 116.

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

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