Avec érudition et drôlerie, Juliette Nothomb nous livre chaque semaine ses recettes, tours de main et réflexions culinaires. Tout un art, brodé à petits points avec un humour bien de famille.

Avec une indécente fatuité, je subodore que je vous ai laissés pantelants de curiosité, toute cette semaine, après l’abrupte autant qu’inhumaine interruption de votre feuilleton de psycho-linguistique comparée opérée vendredi dernier. Me revoilà donc, exsangues lecteurs, avec la seconde partie de notre passionnante étude. Après nous être penchés sur les mesures de liquide/fluide, intéressons-nous à celles des (semi)solides : de la confrontation entre notre clouche nationale ou le dollop anglo-américain, que pouvons-nous inférer ?

Pour commencer, est-il bien nécessaire de vous expliciter la clouche ? Si malgré tout je réponds à cette question rhétorique, c’est juste pour le plaisir d’évoquer le tombereau de pickels qui s’affaisse avec nonchalance sur une portion de frites croustillantes… Cela dit, gardons notre sérieux scientifique : si on l’associe souvent à quelque chose de gourmand, la clouche est bel et bien une mesure et peut donc aussi concerner un ingrédient diététique (voyez la recette ci-après) ; de même que le dollop, bien qu’il suggère le plus souvent un ajout indécemment calorique, préconise parfois de politiquement correctes ponctuations de yaourt.

Un examen très poussé de notre vocable belge révèle l’extraction des mots  » cuillère  » et  » louche  » condensés, d’où l’indubitable abondance – si chère à notre gastronomie nationale – de la portion. Alors que le dollop évoque a priori le dollar : en effet, la pièce d’un dollar au très grand diamètre (+/- 4 cm) pourrait figurer celui de la cuillerée (avec monticule autorisé, toutefois, ce qui augmente aux 3D le volume de la ration ). Suite à cette dernière observation, les restrictions (pas trop sévères, concédons-le) quantitatives que suggère le terme anglais ne m’effraient pas outre mesure. Par conséquent, entre la clouche de mayo que nous déposons gaillardement sur notre tomate-crevettes, et le dollop de whipped cream qui fond lascivement sur la gargantuesque part d’apple-pie fumant, mon c£ur et surtout mon estomac balancentà Pas vous ?

Ceci étant, et sans prétendre avoir fait le tour complet de la question, il me semble opportun de conclure notre brillante approche comparative des schloek/glug et clouche/dollop par la constatation que, si les quatre entités lexicales étudiées révèlent chacune une approche relax et décomplexée des proportions culinaires,  » timide « , voire  » timoré  » sont des adjectifs dont nos deux idiotismes belges ignorent la signification !

Pour être exhaustive, je me dois de vous préciser que parfois la langue anglaise du Royaume-Uni utilise l’expression blob pour évoquer sa clouche ; mais ceci est une autre histoire…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content