Après avoir réussi l’exploit de concentrer, en son sein, les fonctions d’agenda, de console de jeux, d’appareil photo et de baladeur numérique, voici que le téléphone portable s’improvise désormais coach personnalisé. Trop fort.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

La scène paraîtra assurément surréaliste aux yeux de vos voisins de table, mais qu’à cela ne tienne, vous vous obligez à vous exécuter : en plein restaurant, vous sortez votre téléphone portable et photographiez le steak-frites-salade que la serveuse vient de vous apporter. D’ailleurs, ce matin, vous avez déjà capturé votre petit déjeuner dans votre  » photophone  » et vous répéterez de toute façon ce petit rituel gastronomico-technologique pour le repas du soir. Fétichisme inédit ? Pas vraiment. Car l’objectif final de ce réflexe photographique est d’envoyer ces images par e-mail, via votre GSM, à votre diététicien virtuel, histoire qu’il corrige éventuellement le tir. Sur la base de ces informations visuelles consciencieusement transmises par vos soins, votre coach numérique décryptera, en effet, le niveau calorique de vos différents menus et dressera, en retour, un programme diététique adapté à vos réels besoins. A vous de le suivre (ou pas) et d’envoyer ensuite, à votre conseiller lointain, les nouvelles photos de vos futurs repas revus et corrigés. Et ce n’est pas de la science-fiction. Si ce service audacieux n’est pas encore disponible sur le marché belge, il l’est déjà, en revanche, en Amérique du Nord. Ainsi, sur le site canadien www.myfoodphone.com (littéralement  » ma nourriture (sur) téléphone « ), les candidats au régime trop pressés peuvent déjà s’offrir les conseils d’un diététicien virtuel sur leur GSM pour un peu plus de 80 euros par mois. Singulière, l’initiative n’en est pas pour autant étonnante. A l’heure où les  » photophones  » se démocratisent et où leurs utilisateurs prennent l’habitude d’immortaliser tout et n’importe quoi avec leur supergadget, il est en effet prévisible que l’offre de services inspirés par cette technologie se diversifie. La diététique est une piste, mais on pourrait très bien imaginer que ce genre d’assistance visuelle via téléphone portable se décline également dans des secteurs aussi différents que la mode ou le monde médical. Concrètement :  » Tiens, elle est mignonne, cette petite robe en vitrine. Je me demande ce qu’en penserait mon coach vestimentaire…  » Pouf, photophoné ! Aujourd’hui, la tentation de se faire assister au quotidien par l’intermédiaire de son GSM est telle que les opérateurs téléphoniques développent déjà de nouvelles stratégies en la matière. En France, la société Orange a ainsi lancé depuis peu le  » m-coaching  » ( » m  » pour mobile), à savoir un programme personnalisé d’accompagnement par SMS. En clair, l’opérateur vous offre l’opportunité de recevoir, où que vous soyez,  » des messages motivants et encourageants selon vos besoins et vos envies  » ( sic). Aujourd’hui, sur le site www.orange.fr, les clients de cet opérateur téléphonique peuvent donc acheter, par exemple, des conseils réguliers pour  » Garder la ligne « ,  » Mieux communiquer  » ou  » Etre plus sûr de soi  » avec la collaboration des grandes marques commerciales (Danone pour le premier programme) ou de magazines spécialisés (la revue  » Psychologies  » pour les deux autres). Le tout pour 35 cents le SMS à raison d’un forfait minimum de vingt recommandations personnalisées étalées sur quatre semaines. Bref, une note de 7 euros pour être coaché  » minceur  » ou  » bien-être  » le temps de quelques bip-bip sympathiques. Si les détracteurs du m-coaching crient déjà à l’arnaque, les plus fervents défenseurs rétorquent que ces messages de motivation sont de toute façon moins chers qu’une séance chez le psy ou le diététicien. Entre ces deux extrêmes, il convient de raison garder. Révélatrice de l’air du temps, cette nouvelle façon de se faire coacher par GSM n’est finalement que le reflet d’une société paradoxalement déconnectée. Une société déshumanisée où les chers conseils virtuels l’emportent finalement sur la plus naturelle des conversations réelles.

Frédéric Brébant

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