En 1978, l’université de l’Iowa engage l’entraîneur Hayden Fry pour enrayer les défaites chroniques de son équipe de football. Diplômé en psychologie, Fry ordonne que l’on copie l’équipement du leader de première division pour rhabiller ses boys et que les vestiaires visiteurs soient couverts de rose, comme c’était d’usage dans certaines prisons pour désamorcer l’agressivité des prisonniers. Si étrange qu’elle parut à l’époque, cette stratégie s’avère finalement payante, et permet aux Iowa Hawkeyes de renouer avec le succès. Depuis, cette anecdote ressurgit régulièrement, lorsque l’on aborde la couleur et ses vertus, une thèse qui suscite nettement moins d’incrédulité aujourd’hui. On a beau rien n’y comprendre au foot américain et n’éprouver qu’une attirance modérée pour les oriflammes criards des stades, pas difficile de voir où ce vieux roublard de Fry a voulu en venir. Nombre d’études ont d’ailleurs observé l’influence des tons auxquels nous sommes exposés sur notre activité biologique, de la tension artérielle au fonctionnement de nos organes. Après des années de débats philosophico-scientifiques, la théorie des couleurs fait partie intégrante de la gestion de l’espace public ou du marketing, qui n’hésite pas à y recourir pour peser sur nos habitudes de consommation. En résultent des stimulations répétées, que l’on tolère de la part des publicitaires, sans pour autant avoir le réflexe d’en tirer le meilleur pour parfaire notre intérieur.

Encore faut-il en avoir envie. D’après un rapport du CRIOC datant de mai 2012, les dépenses des ménages belges allouées à l’aménagement décoratif sont en baisse constante depuis trente ans. Or, agir sur la couleur est une façon particulièrement abordable d’égayer l’oeil ou de modifier la perception d’un environnement, à défaut d’emménager dans un endroit plus grand. Et pas besoin de casser sa tirelire ou de potasser des traités de color-zoning feng shui pour repeindre un mur, relooker un petit meuble ou teindre une pièce de tissu. A peine sortis de l’hiver, c’est le moment de s’entourer de nuances toniques où puiser l’énergie qui balayera durablement le spectre de la dépression saisonnière.

Le fil forcément rouge de ce numéro Black en Technicolor est le retour en grâce de l’association du blanc et de la couleur. Par touches discrètes ou éclatantes, cette dernière vient relativiser les diktats monochromes et briser la monotonie des ambiances minimalistes. Car comme l’a dit Matisse, ce coloriste de génie,  » Un ton seul n’est qu’une couleur, deux tons c’est un accord, c’est la vie.  »

MATHIEU NGUYEN JOURNALISTE

 » UN TON SEUL N’EST QU’UNE COULEUR, DEUX TONS C’EST UN ACCORD, C’EST LA VIE.  »

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