Découvrez ce label américain qui signe un look élégant et sophistiqué aux inspirations très street.

L’un, Lazaro Hernandez, petit brun nerveux, débarquait tout juste du salon de coiffure latino de sa mère, immigrée cubaine de Miami. L’autre, Jack McCollough, brun racé aux yeux azur, venait d’atterrir de San Fransisco, quittant une famille Wasp (NDLR: Blancs américains d’origine anglaise et protestante) de banquiers. Le choc des cultures et le coup de foudre amical eurent lieu un soir à New York, dans un bar lesbien. Les deux venaient de s’installer à Manhattan pour suivre les cours de la Parsons School of Design, une école de stylisme.

« C’était en 1998. On avait 19 ans. On ne s’est plus quittés, commentent-ils à deux voix. Au fil de nos quatre années d’études, nos créations se ressemblaient de plus en plus, et nous avons fini par signer à quatre mains notre collection finale. Nous avons la même vision de la mode, attirés par la French Couture du milieu du siècle dernier, Coco Chanel, Christian Dior, Cristobal Balenciaga, Elsa Schiaparelli… Mais nous sommes aussi des enfants des années 1990, marqués notamment par le grunge de Kurt Cobain… « 

Ce sens des contrastes, qui leur fait mêler élégance et sophistication couture avec des inspirations très street – skate et surf parfois ! – leur vaut depuis le début le soutien fervent du milieu. Leur collection commune de fin d’année à Parsons, en 2002, est directement achetée par Barneys, le grand magasin chic de l’Upper East Side.  » Proenza Schouler « , griffe choisie en accolant les patronymes de jeune fille de leurs mères, est né. Depuis, le tourbillon ne s’est pas démenti.  » Great expectations for Proenza Schouler « , titrait Suzy Menkes dans l’ International Herald Tribune en septembre dernier…

Le duo venait juste de livrer sa collection printemps-été 2008 lors d’un défilé très applaudi au Park Avenue Armory, un musée militaire à New York. Ceinturées de cuir et casquées comme des hussardes en campagne, les mannequins y paradaient avec panache, dans une ambiance rigoureusement chic. Leur silhouette estivale, flattée par une taille sanglée, fait la part belle aux jambes, interminables –  » the longer, the better  » , comme on dit outre-Atlantique… Sur des robes très structurées se posent des gilets d’officier et des corsages taillés dans du chanvre rude, contrastant avec des étoffes légères et esquissant une féminité tout en nuances. Un passage plus tribal suivait, avec un thème de zébrures noires et blanches, avant une spectaculaire robe en feuilles d’or soyeuses. Saison après saison, leur vocabulaire personnel se sophistique et se précise, de plus en plus mature, cousu de détails et de proportions immédiatement reconnaissables.

 » Pour élaborer nos collections, nous dessinons chacun de notre côté, allons en bibliothèque faire des recherches et accumulons les références visuelles dans des carnets d’inspiration, patchworks de photos, collages, dessins, croquis… Puis on confronte nos idées en d’incessants allers-retours créatifs, résume Lazaro. Je peux avoir une intuition de blanc, Jack de noir. Ensemble, on opte pour du gris !  »  » Seul, chacun de nous ne serait pas aussi fort, complète Jack. Notre duo est enrichissant, car il est fondé sur des différences quasi irréductibles. On est tous les deux américains, mais avec des références si éloignées qu’on n’aurait sûrement pas été copains au lycée ! « 

Jack, ado rebelle en dreadlocks, grandit au Japon avant de rejoindre l’Amérique ; il a gardé de sa période hippie quelques stigmates aux avant-bras, dont un impressionnant tatouage de mante religieuse. Quant à Lazaro, fils unique élevé dans les jupes de sa mère, c’est planqué dans le  » beauty salon  » maternel qu’il observait les brushings outranciers des clientes tout en lisant Harper’s Bazaar, Vogue, Elle

Grâce à une rencontre providentielle avec Anna Wintour, la puissante rédactrice en chef du Vogue américain, Lazaro décroche son premier job chez le styliste Michael Kors, et son acolyte Jack chez Marc Jacobs. En 2007, Proenza Schouler a noué une collaboration éphémère avec Target, marque américaine très grand public.  » C’était passionnant de viser une autre partie de l’échelle sociale. Beaucoup de nos amis sont des  » nobodies « , des anonymes, et tous se sont jetés sur cette collection !  » Depuis le succès, Jack et Lazaro se découvrent aussi de nouveaux amis bien plus paillettes. Kirsten Dunst, Chloë Sevigny ou Demi Moore, des inconditionnelles, classent les premiers rangs de leurs défilés parmi les plus hauts en glamour. Eux savourent, se contentant de glisser qu’ils aiment habiller  » les filles mystérieuses « …

En juillet 2007, leur marque a été rachetée, à 45 %, par le Valentino Fashion Group, leur offrant une liberté financière nouvelle. Proenza Schouler bénéficie ainsi des réseaux du groupe Valentino et de ses conseils stratégiques. Leur collection de chaussures va s’élargir, une ligne de lunettes sort ce printemps, en attendant une première série de sacs en septembre et une boutique à New York l’an prochain…

Malgré cette frénésie, Jack et Lazaro, installés dans leur atelier de Chinatown, où résonnent New Order et Joy Division, prennent encore le temps de s’adonner à leur passion commune, l’art moderne et contemporain.  » A 45 ans, nous serons collectionneurs d’art !  » lance Lazaro. Pas à un défi près.

Carnet d’adresses en page 72.

Katell Pouliquen

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