Le joueur de tennis est connu pour offrir un one-man-show durant le Trophée des Légendes, à Roland Garros. Une manière pour l’ancien champion, qui a connu les affres du régime iranien, de prolonger le plaisir. Librement.

Pour la dix-septième fois, Mansour Bahrami s’apprête à investir Roland-Garros. Oh ! Pas le gigantesque court central mais une autre arène, moins vaste, où se déroule chaque année le Trophée des Légendes. Cette épreuve, que le joueur franco-iranien a créée en 1998, réunit d’anciens as de la raquette comme John McEnroe ou Henri Leconte. L’initiateur du projet fait évidemment partie du casting. Il est même l’une des personnalités les plus appréciées du public, auquel il offre un véritable show.  » Sur un terrain, je me sens comme un acteur, concède-t-il. J’aime amuser les gens, ça me rend heureux.  » Les enfants se demandent comment ce magicien en short est capable de faire tenir cinq balles dans une main ou de réaliser un  » Gran Willy « , le fameux coup entre les jambes et dos au filet, popularisé par Yannick Noah. Serait-il prêt à tout pour fouler le rectangle ocre et blanc ?  » Quand j’ai proposé pour la première fois cet événement à l’organisateur du tournoi parisien, j’avais arrêté ma carrière professionnelle depuis peu de temps. J’étais malheureux « , avoue-t-il.

Ce rendez-vous des seniors est un succès qui ravive l’époque des raquettes Donnay et des bandeaux en éponge. Björn Borg, Guillermo Vilas, Jimmy Connors : Mansour Bahrami les a tous connus et parfois affrontés. Le score final a rarement été en sa faveur. Pour les spécialistes, le moustachu qui, au sommet de sa carrière, a été 192e au classement ATP, aurait pu être l’un des géants de sa génération s’il avait connu un autre destin. Comprendre s’il avait grandi dans un autre pays que l’Iran où, sous le régime du Shah, le tennis était réservé aux classes sociales aisées. Issu d’une famille de propriétaires terriens ruinés, le jeune Mansour prend contact avec la petite balle jaune à 7 ans, dans un complexe sportif où son père travaille comme jardinier.  » J’étais seulement autorisé à les ramasser « , dit-il. Banni des courts, il se confectionne une raquette avec des morceaux de bois et s’entraîne comme il peut, y compris contre les parois d’une piscine asséchée qui lui renvoient inlassablement ses revers. Son obstination est payante. Le prodige est admis dans les rencontres nationales. Il cartonne. A 19 ans, il dispute sa première Coupe Davis. Quatre ans plus tard, Khomeini arrive au pouvoir et interdit la pratique de cette discipline pendant trois années, avant de la tolérer, suffisamment pour que les organisateurs d’une compétition dont le jeune talent sort vainqueur autorisent le gagnant à concourir à l’étranger. Le tennisman s’envole pour Paris avec l’intention de s’y réfugier.  » Ça n’a pas été facile ici. Je ne connaissais personne, j’étais clandestin et je ne parlais pas la langue. Je vivais parfois avec 10 euros par semaine « , se souvient-il. Il refuse néanmoins de demander l’asile politique qui lui interdit de retourner chez lui.  » Toute ma famille vivait à Téhéran. Je n’ai pas pu me résoudre à ne plus jamais revoir mes parents. Je n’ai pas regretté ma décision, même si cela m’a coûté beaucoup.  » Privé de visa, le dissident ne peut en effet quitter le territoire français. Libre mais condamné à ne disputer que les tournois hexagonaux de deuxième rang, il peine à accumuler les points ATP. A 30 ans, marié et jeune père de famille, il reçoit enfin sa première carte de séjour, trois ans avant d’être naturalisé par son pays d’accueil. Une reconnaissance administrative bien tardive.  » Entre 20 et 30 ans, j’ai été exclu du circuit professionnel, or ce sont les meilleures années pour un compétiteur « , déplore-t-il.

A 59 ans, cette force de la nature, qui est encore capable d’exécuter un service à plus de 200 km/heure, gagne aujourd’hui confortablement sa vie grâce aux exhibitions qu’il donne aux quatre coins du monde. Pour garder la forme, il s’astreint à deux séances d’aquagym par semaine.  » Ce ne sont pas les réflexes ni la puissance qui font défaut quand on vieillit mais la vitesse de déplacement, constate le vétéran. Ce sont les jambes qui vous trahissent. Je sais qu’un jour je devrai arrêter mais j’aimerais que ce soit le plus tard possible.  » Nous aussi.

Trophée des Légendes, à Paris. Du 2 au 7 juin prochain.

PAR ANTOINE MORENO

 » Sur un terrain, je me sens comme un acteur. J’aime amuser les gens, ça me rend heureux. « 

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