La célèbre griffe de prêt-à-porter italienne soutient la culture. A Reggio Emilia, son fief historique, MaxMara endosse ses habits de mécène dans un audacieux parcours d’art urbain.

On le sait, l’art et la mode multiplient les flirts passionnés (lire Weekend Le Vif/L’Express du 15 juin dernier). MaxMara n’échappe pas à la règle. Il suffit de se rendre à Reggio Emilia, petite ville de province située entre Parme et Bologne, pour s’en rendre compte. Précisément là où, en 1951, le fils d’une couturière, Achille Maramotti (1927-2005) décide d’abandonner ses études de droit pour se lancer dans la confection industrielle. Celui que l’on tient généralement comme l’un des initiateurs du prêt-à-porter contemporain propose alors deux modèles : un manteau camel et un tailleur rouge. Assez pour signer les débuts d’une saga exemplaire : aujourd’hui, le groupe qui compte 23 lignes (MaxMara, SportMax, Marina Rinaldi…), est présent dans 90 pays et réalise un chiffre d’affaires dépassant le milliard d’euros. Mais, fidèle à ses racines, il reste implanté dans son fief d’origine et continue d’être entièrement piloté par la famille Maramotti – Luigi, Ignazio et Maria Ludovica, les trois enfants d’Achille. Dont l’amour de l’art semble couler aussi intensément dans leurs veines qu’il coulait dans celles de leur père.

 » C’est inscrit dans l’ADN de la famille de soutenir la création « , avance Diego Camparini, porte-parole de MaxMara. Pour preuve : la vaste collection de 400 £uvres d’art, acquises au fil du temps par le clan, devrait se retrouver accrochée en septembre prochain aux cimaises de la  » Collection Maramotti pour l’art contemporain « . Ce trésor privé, où figurent en première ligne les grands noms de la Transavanguardia ainsi que la plus riche collection de tableaux du peintre cézannien Giorgio Morandi (1890-1964), prendra ses quartiers dans l’ancienne usine du groupe, un bâtiment industriel des années 1950. Tels des  » néo-Médicis « , les Maramotti vernissent leur terre d’origine : outre l’inauguration imminente de cette fondation – qui, parions-le, ne manquera pas de gonfler les chiffres du tourisme dans la région – MaxMara s’investit dans la sauvegarde du patrimoine local. Grâce au concours de ces esthètes des temps modernes, les fresques du peintre Ludovic Carrache (1555-1619), attrait principal de l’imposante basilique baroque de  » La Madonna della Ghiara « , ont été récemment rafraîchies. De même que celles de la basilique San Prospero, autre bel exemple d’architecture du Seicento.

L’art vivant n’est pas en reste. En collaboration étroite avec la commune de Reggio Emilia, la griffe de mode participe au projet d’art public  » Invito a… « . Cinq artistes contemporains ont reçu carte blanche pour installer une £uvre pérenne, spécifiquement pensée pour la ville. Leurs noms ? Sol LeWitt (Hartford, 1928 – New York, 2007), Luciano Fabro (Turin, 1936), Eliseo Mattiacci (Cagli, 1940), Robert Morris (Kansas City, 1931) et Richard Serra (San Francisco, 1939).  » On a trouvé ce projet très pertinent, s’enthousiasme Diego Camparini. C’est d’autant plus intéressant qu’on se trouve dans une ville provinciale où le contact avec l’art contemporain n’est pas aussi courant que dans les grands centres urbains.  »

Aujourd’hui, tous les habitants de Reggio qui fréquentent la bibliothèque municipale connaissent en tout cas Sol LeWitt. Le grand plasticien américain, décédé en avril dernier à New York, a conçu avec l’aide de neuf jeunes artistes locaux,  » Wall Drawing  » monumental, réalisé à même la voûte de cet édifice du xviiie siècle. Les nombreuses bandes chromatiques qui composent cette néo-fresque déterminent une forme labyrinthique de spirales et de couleurs en continuel mouvement. Le titre de l’£uvre –  » Tourbillons et remous  » – lui sied comme un gant, tant le contraste entre l’ancien et le nouveau, renforcé par le choc entre l’art conceptuel américain et le classicisme italien, est à son comble.

Comme pour symboliser les liens qui unissent MaxMara à la culture, trois ponts magistraux signés par l’architecte espagnol Santiago Calatrava relient le centre historique de Reggio Emilia à la périphérie où sont implantés les nouveaux bureaux du groupe. C’est ici, dans ces espaces largement ajourés mêlant le métal et le verre, que les lignes sont entièrement conceptualisées. Dans l’antre créatif de MaxMara aussi, l’art joue un rôle primordial : Laura Lusuardi, directrice de la création, a fait installer dans les nouveaux locaux une incroyable bibliothèque contenant 300 magazines (dont Weekend Le Vif/L’Express), une penderie de quelques vintages de Chanel, Balenciaga, Pierre Cardin… et surtout, plus de 2 000 volumes dédiés à la mode et au graphisme mais aussi à la photographie, aux arts plastiques, à l’architecture.  » C’est une source incroyable d’inspiration pour nos stylistes « , explique celle qui est entrée dans le groupe en 1965 et veut aujourd’hui  » faire perdurer la sensibilité d’Achille et son intérêt pour l’art  » . Le fil est loin d’être rompu.

Baudouin Galler

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